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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.6. Problématique

Jusqu’à maintenant, nous avons présenté le cadre théorique entourant notre objet de recherche soit la protection contre le bruit routier par des écrans sonores. Celui-ci nous a permis d’aborder la protection contre le bruit routier sous l’angle de la justice environnementale. Les impacts du bruit routier sur la santé et la nécessité de bénéficier d’une protection contre le bruit routier ont ensuite été présentés. Finalement, nous avons évoqué les différentes techniques physiques et réglementaires de protection contre le bruit routier ainsi que leur niveau d’efficacité. À la lumière de cet examen de la littérature, nous pouvons maintenant poser le problème de recherche puis formuler les questions et hypothèses de recherche.

1.6.1. Problème de recherche et originalité de l’étude

Tel que signalé dans la revue de littérature, plusieurs auteurs ont montré que les groupes vulnérables socio-économiquement – plus particulièrement les personnes à faible revenu et les minorités visibles – ont davantage tendance à habiter à proximité du réseau autoroutier, et ainsi à habiter dans des espaces caractérisés par des niveaux de bruit problématiques (55-60 dB(A) – gêne faible, 60-64 dB(A) – gêne moyenne, 65dB(A) et plus – gêne forte) (MTQ 1998). Cette situation ne semble pas être celle des enfants et des personnes âgées. En effet, pour ces groupes d’âge, l’examen de la littérature a montré qu’ils ne se concentrent pas près du réseau autoroutier majeur ou dans des zones de bruit problématique. Toutefois, il convient de rester prudent face à

cette affirmation puisque le nombre d’études portant sur ces groupes demeure limité. Aussi, il est pertinent de vérifier si les groupes étudiés sont plus concentrés le long du réseau autoroutier et si l’aménagement d’écrans sonores permet, dans une certaine mesure, de réduire cette situation défavorable pour ces groupes. Si de nombreuses études ont examiné l’efficacité des différents types d’écrans sonores en vue d’optimiser leur efficacité, à notre connaissance, il semblerait qu’aucune étude ne se soit intéressée à la distribution spatiale des écrans sonores ou à toutes autres mesures de protection contre le bruit routier dans une perspective d’équité environnementale.

1.6.2. Questions et objectifs de recherche

Cette étude vise à répondre à la question de recherche suivante : la distribution des mesures de protection contre le bruit routier renforce-t-elle ou atténue-t-elle les situations d’iniquités environnementales pour les groupes de populations vulnérables socio- économiquement (population à faible revenu et minorités visibles) et génère-t-elle des situations d’iniquités environnementales pour les groupes de populations vulnérables physiologiquement (les personnes de 65 ans et plus et les enfants de 15 ans et moins)? À partir de celle-ci, deux sous-questions en découlent. Les quatre groupes de populations vulnérables sont-ils surreprésentés parmi les populations résidant à proximité des axes majeurs de circulation dans des espaces caractérisés par des niveaux sonores élevés (55 dB(A) et plus)? Les quatre groupes de populations vulnérables sont-ils sous-représentés parmi les populations résidant à proximité des axes majeurs de circulation dans des espaces caractérisés par des niveaux sonores élevés (55 dB(A) et plus) et bénéficiant de mesures de protection contre le bruit routier?

Ainsi, l’objectif général de cette recherche est de déterminer si la distribution des mesures de protection mises en place pour contrer les niveaux élevés de bruit aux abords du réseau autoroutier génère des situations d’iniquités environnementales au sein du territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. L’étude poursuit deux objectifs spécifiques. Le premier consiste à vérifier si les quatre groupes vulnérables sont surreprésentés ou non à proximité des axes majeurs de circulation comparativement au reste du territoire. Le second objectif est de vérifier si les quatre groupes sont protégés ou non du bruit routier par la présence d’écrans sonores lorsqu’ils résident à proximité des axes majeurs de circulation. Ainsi, un groupe qui serait surreprésenté dans les zones à proximité des axes majeurs de circulation (objectif 1) et qui serait

aussi non protégé par la présence d’écrans sonores (objectif 2) subirait alors une situation de double iniquité.

1.6.3. Hypothèse de recherche

Nous émettons l’hypothèse selon laquelle la localisation de mesures de protection contre le bruit routier génèrera des situations d’iniquités environnementales pour trois des quatre groupes de populations vulnérables soit les personnes à faible revenu, les minorités visibles ainsi que les personnes âgées. En effet, nous croyons, d’une part, que les groupes de populations vulnérables socio-économiquement (population à faible revenu et minorités visibles) seront surreprésentés à proximité des axes majeurs de circulation dans les zones caractérisées par des niveaux de bruit élevés (55 dB(A) et plus) et, d’autre part, que ces mêmes groupes seront sous- représentés parmi les populations résidant dans des espaces bénéficiant de mesures de protection contre le bruit routier.

Plusieurs raisons nous conduisent à émettre cette hypothèse. D’abord, nous avons évoqué dans la revue de littérature que des études antérieures conduites en territoire montréalais ont conclu à l’existence de situations d’iniquités quant à la localisation résidentielle des personnes à faible revenu et les minorités visibles par rapport aux zones de fortes concentrations de bruit (Carrier, Apparicio et Séguin 2016b, 2016a). D’autant plus que ces études ont employé des méthodes de modélisation du bruit permettant de tenir compte de la présence d’obstacles à la propagation du bruit sur le territoire. Ainsi, il se pourrait que la situation soit semblable quant à leur protection contre le bruit. D’autant plus que la mise en place d’écrans sonores relève d’un service municipal qui nécessite le plus souvent qu’il y ait une mobilisation et une participation citoyenne. Ainsi, il est possible de croire que la justice procédurale occupe une place importante dans la distribution des écrans sonores. Comme des inégalités sociales persistent au niveau procédural, il est probable que les groupes socio-économiques bénéficient de moins de mesures de protection contre le bruit routier.

En ce qui concerne les groupes d’âge – les enfants et les personnes âgées –, nous avons évoqué dans la revue de littérature que ces deux groupes d’âge sont souvent sous-représentés dans les processus participatifs. Cela dit, malgré que ces groupes soient physiologiquement plus vulnérables au bruit routier, cela demeure tout de même un enjeu d’intérêt public qui touche aussi leurs parents. Ainsi, il est possible de croire que même si les enfants sont sous-représentés dans les processus participatifs, leurs parents peuvent se sentir concernés par la problématique du

bruit routier et ainsi choisir leur lieu de résidence en conséquence ou mobiliser leurs capacités politiques pour former une forte opposition face aux gouvernements et municipalités pour demander l’aménagement d’écrans sonores. Alors que les personnes âgées peuvent demeurer sous-représentées dans les processus participatifs (Séguin et Apparicio 2013 ; Danigelis, Hardy et Cutler 2007 ; Gagnon 2008 ; Macnicol 2006 ; Nations Unies 2002).