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Chapitre 4 : Discussion

4.3. Limites et pistes de recherches futures

4.3.1. Limites des données et de la méthode

Les principales limites de ce projet de recherche sont d’ordre méthodologique. D’abord, la variable line buffer que nous avons utilisée est, à notre connaissance, la méthode par zone tampon la plus précise pour déterminer la taille de la zone d’influence d’un polluant. En effet, cette méthode tient compte de certaines caractéristiques du trafic tel que les débits de circulation journaliers – en intégrant une proportion moyenne de véhicules lourds chiffrés à 10% – ainsi que des limites de vitesse permises sur chaque axe routier. Cela dit, malgré la précision de cette méthode, celle-ci demeure un proxy, soit une estimation relativement simple. C’est-à-dire que cette méthode ne permet pas de prendre en considération une foule d’autres facteurs qui influencent également la taille des zones affectées par le bruit. C’est notamment le cas des

conditions météorologiques telles que le vent, la pluie ou la température qui affectent la propagation du bruit. De plus, la topographie, le type de sol et la présence d’obstacles tels que des bâtiments, leur densité et leur hauteur peuvent aussi influencer la propagation du bruit en lui faisant écran. Enfin, la présence d’autres types de mesures de mitigation n’a pas été prise en considération comme des mesures d’apaisement de la circulation, le type de chaussée, le type de fenêtres ou encore l’orientation des bâtiments.

Considérant que la méthode d’estimation employée tient compte d’un nombre de facteurs limité, il est probable que la taille des zones affectées par le bruit soit surestimée. En effet, pouvant s’étendre jusqu’à 217 mètres pour la zone de 65 dB(A) et 864 mètres pour la zone de 55 dB(A) à partir du centre de l’infrastructure routière, ces estimations sont passablement grandes. En règle générale, dans la littérature, on retient plutôt une distance d’environ 300 mètres puisqu’il est fort probable qu’après deux ou trois rangées de bâtiments, le niveau de bruit diminue de manière importante (FHWA 2018). Par conséquent, il se peut que la taille du rayon des zones tampons estimées dans cette étude ait une influence sur la robustesse des résultats obtenus. En effet, il est probable que le bruit routier cesse d’avoir une influence sur les patrons spatiaux (tels que les valeurs foncières et la localisation des différents groupes de populations) bien avant d’atteindre 217 ou 864 mètres, soit les distances approximatives estimées dans cette recherche pour les zones de bruit de 55 et 65 dB(A). D’un autre côté, comme peu d’études sur le bruit routier emploient la variable line buffer, il est difficile d’identifier les principales lacunes de cette méthode.

Ensuite, une autre limite, au niveau de la précision méthodologique, concerne la méthode d’affectation employée pour réattribuer les données populationnelles des aires de diffusion au niveau des îlots de diffusion. En effet, cette méthode d’affectation est basée sur un rapport de proportion entre la population totale de chaque îlot d’un AD et la proportion de chaque groupe à l’étude de ce même AD. Ainsi, il est possible que celle-ci comporte des erreurs de précision et donc, ne soit pas nécessairement représentative de la situation réelle. Dans le même ordre d’idée, au niveau des modèles de régression logistique multinomiale, il aurait été intéressant de pondérer chaque observation par la population présente dans chacune des parties d’îlots. De plus, le recensement de 2016 comporte aussi ces propres limites. En effet, le questionnaire détaillé, qui contient notamment des questions sur le revenu et l’appartenance ethnique, ne s’applique qu’à un échantillon de 25% de la population – soit un ménage sur quatre. Cela dit, pour le recensement de 2016, cette erreur d’échantillonnage demeure largement inférieure à celle observée pour le recensement de 2006 et l’enquête nationale auprès des ménages canadiens (ENM) de 2011. D’ailleurs, « cela peut être attribuable à l'augmentation du nombre de réponses découlant de la

fraction de sondage accrue en 2016 (c.-à-d. 25 % en 2016 comparativement à 20% en 2006) et aux changements dans les procédures d'étalonnage des poids » (Statistique Canada 2017a). De plus, il aurait aussi été intéressant d’effectuer l’étude pour des groupes cumulant plus d’une vulnérabilité tels que les enfants issus de familles défavorisées, les personnes défavorisées et appartenant à une minorité visible ou encore les aînés défavorisés et appartenant à une minorité visible, etc. En effet, ces groupes sont susceptibles d’être encore plus vulnérables au bruit routier que nos quatre groupes de base du fait qu’ils cumulent deux ou trois vulnérabilités physiologiques et socio-économiques. Toutefois, considérant la petite taille de l’aire de diffusion (AD), les données disponibles à ce niveau ne nous permettent pas d’identifier ces groupes doublement ou triplement vulnérables.

Finalement, une dernière critique méthodologique peut être émise au niveau de l’efficacité des écrans sonores. En effet, les données récoltées sur les écrans sonores ne nous indiquent pas le niveau de protection qu’offrent les différents types d’écrans sonores, ce qui rend la classification des îlots binaire (protégée ou non protégée). Or il est fort probable que les différents types d’écrans sonores offrent différents niveaux de performance acoustique. En d’autres termes, nous tenons pour acquis que tous les écrans sonores de notre base de données ont un niveau de protection maximale permettant de ramener le bruit routier à un niveau acceptable pour les résidents riverains, c’est-à-dire sous le seuil des 55 dB(A). Cela signifie également que l’ensemble des écrans sonores de notre base de données sont conformes aux normes et possèdent une efficacité qui satisfait aux critères de conception du MTQ. Or, nous savons que ce n’est pas nécessairement le cas de tous les écrans présents sur le territoire de la CMM puisque certains écrans n’ont jamais été conformes aux normes du MTQ dès leur construction alors que d’autres écrans cessent de l’être après un certain temps. En effet, comme la situation réglementaire actuelle ne contraint pas les municipalités à aménager des écrans sonores, rien ne les obligent non plus à ériger des écrans conformes aux normes lorsqu’elles choisissent d’en ériger. Ainsi, certains écrans peuvent donner l’impression qu’ils offrent une protection contre le bruit alors qu’en vérité leur efficacité est faible. Ensuite, il est possible que certains écrans ne répondent plus aux normes parce qu’ils ont dépassé leur durée de vie. Par exemple, lorsqu’un écran sonore est aménagé, on doit s’assurer que l’efficacité de celui-ci – une réduction du bruit se situant entre 7 à 12 dB(A) selon la Politique sur le bruit routier – soit valide pour un certain nombre d’années en tenant compte de l’état de celui-ci et de l’augmentation potentielle des débits de circulation journaliers moyens (DJME). Un écran antibruit en béton a généralement une durée de vie de 30 ans. Pour s'assurer de son efficacité, les DJME sont constamment mis à jour. Par exemple, une

augmentation de 3 à 5 dB(A) est associée au fait que le DJME double. Ainsi, considérant l’augmentation constante du parc automobile, il est probable qu’aujourd’hui, bien des écrans aménagés pendant la décennie 1980 n’aient plus l’efficacité escomptée par la politique.