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1.3.1 Présentation d’un cas clinique

La Figure 1.7 regroupe des images issues du suivi longitudinal d’un patient atteint d’une métastase pulmonaire sur plus d’un an. Une tumeur primaire à la vessie s’était déclarée quelques années auparavant et avait été opérée. Plusieurs métastases sont apparues par la suite dont celle qui est présentée. Les images 1.7a, 1.7b et 1.7c correspondent à l’histoire naturelle, c’est à dire sans traitement, de la lésion. À la vue des deux premiers examens, le mé-decin cancérologue a planifié une ablation par radiofréquences pour la date du 10/12/2008. Cependant, lors du scan pré-opératoire, il s’est rendu compte que la lésion avait grossi bien plus vite que prévu comme on peut le voir sur l’image 1.7c. L’ablation par radiofréquences présente l’avantage d’être semi-invasive puisqu’elle ne nécessite pas d’ouvrir la cage thoracique du patient. Elle est donc indiquée pour des patients âgés ou affaiblis qui ne supporteraient peut-être pas une intervention chirurgicale, comme c’est le cas pour le patient concerné. Une limite de cette approche thérapeutique est qu’elle ne donne des résultats satisfaisants que pour des tumeurs de petite taille (diamètre inférieur à 3cm). Dans notre cas, la tumeur avait dépassé cette limite de taille et n’était donc plus opérable par radiofréquences.

Le praticien a donc dû mettre en place un protocole de traitement par chimio-thérapie cytotoxique afin d’enrayer la croissance menaçante de cette tumeur et éventuellement de la faire réduire en taille. Ce protocole standard s’étale sur 6 mois durant lesquels une dose de médicaments est administrée au patient de façon régulière. Deux examens de contrôle jalonnent ce protocole afin de s’as-surer des effets du traitement. Le premier intervient au milieu du traitement, et le second en fin de protocole. Ces deux examens correspondent aux figures 1.7d et 1.7e et on peut constater que la tumeur répond assez bien à la chimiothé-rapie administrée puisqu’elle diminue en taille tout au long du protocole. Au bout des 6 mois, le traitement est arrêté et un examen est programmé un mois plus tard qui est représenté en figure 1.7f. On constate sur cette dernière image que l’effet du traitement a pris fin et que les cellules n’ayant pas été tuées par la chimiothérapie ont continué à proliférer et donc que la tumeur s’est remise à grossir. L’utilisation d’un traitement par chimiothérapie n’a donc pas permis de soigner le patient mais a ralenti la progression de la maladie.

1.3.2 Orientation des travaux de cette thèse

(a) 07/06/2008 (b) 22/09/2008

(c) 10/12/2008 (d) 21/03/2009

(e) 27/05/2009 (f) 27/07/2009

Figure 1.7 – Extrait d’une séquence de CT scans montrant l’évolution d’une métastase pulmonaire issue d’une tumeur primitive à la vessie.

— À partir des deux premiers examens (1.7a et 1.7b) serait-il possible d’évaluer l’agressivité de la tumeur et donc de quan-tifier l’évolution à venir de la tumeur et sa taille à la date du troisième examen (1.7c) ? On comprend que, dans le cas présent, une meilleure prédiction de la croissance de la tumeur que celle, intuitive, établie par le médecin aurait pu permettre d’adapter la planification de la thérapie par radiofréquence et donc d’éviter les désagréments de la chimiothérapie.

— De la même manière, serait-il possible, à partir des précédents examens ainsi que du premier scanner de contrôle durant la chimiothérapie (1.7d) d’avoir une idée de la réponse finale au traitement (1.7e) et éventuellement de l’ampleur de la rechute suite à l’arrêt des traitements (1.7f) ?

Les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse ont pour but d’étu-dier ces questions et de tenter d’apporter des éléments de réponse. Ce cas clinique est révélateur de la réelle difficulté qu’ont les médecins à évaluer la croissance d’une tumeur. À l’heure actuelle, le critère le plus utilisé par les radiologues dans un cadre clinique pour évaluer l’agressivité d’une métastase pulmonaire est le RECIST (Response Evaluation Criteria In Solid Tumors). Ce critère se base sur la mesure de diamètres d’une ou plusieurs métastases directement sur l’examen médical et la comparaison de ces diamètres au cours du temps. d1(t1) d2(t1) d1(t2) d2(t2) t = t1 t = t2

Figure 1.8 – Critère RECIST : mesure de l’évolution tumorale (croissance ou réponse au traitement).

Cet indicateur est utilisé afin de quantifier l’évolution de la tumeur ou sa réponse au traitement dans un cadre clinique. On calcule simplement la somme

S des diamètres de lésions sélectionnées (au maximum 5) pour chaque examen.

Dans notre cas (Fig. 1.8), S(t) = d1(t) + d2(t). Ensuite on détermine la pro-gression ou la réponse au traitement de la maladie en fonction de l’évolution de cette somme. Si l’ensemble des lésions a disparu, la réponse au traitement est complète. Dans le cas où S a diminué de plus de 30%, on a une réponse partielle. Si au contraire, S augmente de plus de 20%, la maladie a progressé. Enfin, si on est dans une gamme de critères située entre la réponse partielle (−30%) et la progression tumorale (+20%), on considère que l’évolution n’est pas significative et que la maladie est stable.

Ce critère montre assez vite certaines limites. Tout d’abord, il ne permet d’éva-luer que l’évolution passée de la tumeur mais n’est pas prédictif de son évo-lution future sauf dans de rares cas. De plus il est fortement dépendant de l’utilisateur puisqu’il s’appuie sur la mesure du diamètre d’un objet non sphérique et varie donc suivant la coupe choisie de la tumeur ainsi que le rayon établi par l’utilisateur. Enfin, le choix des lésions utilisées pour le calcul in-fluence aussi grandement le résultat.

Étant donnée la qualité des images médicales actuelles, il semble pertinent de tenter d’utiliser au mieux les quantités d’informations qu’elles renferment. Pour cela, l’ensemble de notre approche est orienté sur les données médicales disponibles. De même les différentes étapes des travaux, notamment la phase de modélisation de la maladie ou d’analyse des résultats, ont nécessité la partici-pation et l’expertise de médecins oncologues. Le but de cette approche orientée clinique est multiple. Cela nous permet tout d’abord d’améliorer notre com-préhension, mais aussi de hiérarchiser les mécanismes régissant l’évolution de la maladie. Il est ainsi primordial de saisir les spécificités des métastases pul-monaires par rapport aux autres types de cancer et d’adapter les méthodes employées en fonction de ces particularités. Enfin, et c’est peut-être là le point le plus important, cette collaboration permet de garder en tête les préoccu-pations et les attentes des médecins et de tenter ainsi d’apporter des outils permettant de simplifier leurs pratiques.