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Le cadre législatif prônant l’inclusion scolaire se développe tant au niveau international (Unesco, 2009) que sur le plan cantonal genevois (LIJBEP, 2008). Au-delà du cadre législatif, des injonctions soutenant l’inclusion, issues des milieux politiques, scientifiques et de la société civile se font de plus en plus présentes (Bonvin et al. 2013). Face à cela, l'École est amenée à « réaliser une remise en question en profondeur de ses valeurs de son organisation et de son fonctionnement

(ibid.). Parallèlement à cela, Roux-Perez (2013, p.9) déclare « qu’une logique marchande, exigeant des enseignants de s’investir dans des projets novateurs, d’être plus polyvalents, tout en étant plus flexibles et disposés à rendre des comptes, se développe ».

Ramel va plus loin (2010) et soutient qu’un profond changement de pratiques et d’identité professionnelle chez les ES a lieu. Giust-Desprairies (2002) avance qu’une situation de mutations engagerait des changements profonds d’ordre structurel et nécessiterait non pas de petits arrangements, mais de véritables conversions. D’autres (Doudin et al, 2011) soulignent encore que malgré ces injonctions contraignant de plus en plus aux pratiques inclusives, les ES pourraient montrer des résistances à considérer les bienfaits de l’école inclusive, non seulement pour les élèves issus de contextes ordinaires, mais également pour les élèves déclarés à besoins éducatifs particuliers, tels que mis en avant par certaines recherches (Ramel et Doudin, 2009). Cela fait écho aux recherches citées par Pinto (2015) relevant que les attitudes des professionnels de l’enseignement quant à l’inclusion sont certes, généralement positives, mais lorsqu’il s’agit d’inclure des élèves à BEP dans leur classe, les enseignants seraient plutôt défavorables. Cela démontre une adhésion au discours philosophique d’une école inclusive, mais une résistance quant à son application dans une réalité les touchant directement. Pourtant, le cahier des charges des ES actifs sur le canton de Genève, stipule que :

« La mission du maître.esse comprend le développement l’ajustement des conditions pédagogiques générales ainsi que les modalités d’intervention à même de couvrir les besoins éducatifs particuliers de tout élève (0-20 ans= dont il a la responsabilité)… ».

Pour notre part, nous nous intéresserons aussi aux contextes d’enseignement particuliers, comportant certaines spécificités (Pelgrims, 2009). Il s’agit des contextes professionnels de type Institution et de type Soutien à l’intégration. Nous souhaitons questionner l’identité professionnelle d’ES actifs d’une classe spécialisée ou autre dispositif intégré dans un établissement scolaire ordinaire, versus, les ES travaillant dans un centre de jour, séparé physiquement de l’école ordinaire. Les travaux sur l’identité professionnelle de l’enseignant s’intéressent au lien entre les représentations de soi comme enseignant et à l’image que l’individu se fait de son rôle et de sa fonction (Donnay & Charlier, 2006), à partir des interprétations qu’il donne des expériences vécues (Mukamurera, J., & Balleux, A. 2013). Partant du constat que l’école inclusive induit des changements profonds portant notamment sur des aspects pédagogiques, didactiques, relationnels (Galasso-Chaudet-Chaudet, 2015 p.139), nous nous

intéresserons aux expériences de ces professionnels depuis les contextes d’interventions au sein desquels ils interviennent.

Prenons l’exemple du centre médico-thérapeutique intégré d’Aïre 9 . Cette structure, se trouve physiquement au sein du bâtiment scolaire de l’école d’Aïre, alors qu’elle fonctionne avec une organisation très similaire à une structure relevant du contexte Institution. Ceci pourrait indiquer que les lois prônant l’inclusion scolaire, agissent non seulement sur les contextes les plus proches de l’enseignement ordinaire, mais également sur les contextes les plus éloignés comme le contexte Institution.

Contexte Institution éloigné de l’inclusion scolaire ?

Plusieurs de nos observations issues des expériences accumulées lors de stages et d’expériences professionnelles, nous amènent à construire des hypothèses de travail, nous ayant guidé tout au long de cette recherche.

La première concerne les ES exerçant dans un contexte de type Institution. Ils se sentiraient moins concernés par les questions d’école inclusive. Ils y verraient peu de sens : faisant partie d’une équipe pluridisciplinaire, ils se sentiraient plus éloignés de la culture scolaire, de par leurs modalités de fonctionnement et leur éloignement physique, des établissements scolaires ordinaires.

Ceci se transpose sur un plan identitaire. Leurs valeurs prioritaires et pratiques professionnelles seraient sensiblement différentes de leurs pairs, intervenant au sein du contexte Soutien à l’intégration. Par ailleurs, ces professionnels feraient face à des tensions identitaires : ils se sentiraient partagés entre, accorder la priorité à un projet sur mesure pour chaque élève, en privilégiant des intégrations sociales où l’acquisition de compétences sociales est recherchée prioritairement, et l’injonction à mettre en place des solutions intégratives, où le pôle enseignement, en lien avec les exigences du PER, est plus prégnant. La résolution de ces tensions se ferait à travers la résistance passive ou active, à s’engager dans des projets inclusifs.

Contexte Appui à l’intégration pro inclusion scolaire ?

A contrario, nous posons l’hypothèse selon laquelle, les ES provenant du contexte Soutien à l’intégration de par une cohabitation avec les EO, s’appuieraient sur le plan d’étude romand, différencieraient leurs enseignements de façon plus systématique et co-enseigneraient avec leurs pairs de l’EO. Des expériences positives d’intégration d’élèves en classe ordinaire leur

9 Cf. https://demain.ge.ch/centre-medico-pedagogique-aire consulté le 24. 09. 2017.

permettraient de se projeter dans un contexte encore plus inclusif. Ce changement de paradigme amènerait cette catégorie de professionnels à s’approprier des savoirs nouveaux, de nouvelles formes de socialisation professionnelle malgré les obstacles et les tensions qu’ils seraient amenés à dépasser, tant sur un plan personnel que professionnel (Balleux, & Roux-Perez, 2013).

Cela nous amène à formuler notre question de recherche principale ainsi :

- Coment les conceptions de l’inclusion scolaire et la dynamique identitaire des enseignants specialisés se déclinent-elles dans les différents contextes d’intervention ?

Pour répondre à la question susmentionnée, nous avons défini deux sous-questions de recherche : - Quels sont les éléments constitutifs de l’identité professionnelle des ES ?

- Comment se positionnent-ils face à l’école inclusive selon les contextes dans lesquels ils exercent leur métier ?