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Température corporelle

II. 4.2.2.2 Exposition nocturne ou continue à la lumière

III.1. Problématique générale

Le système circadien est composé d’un pacemaker hypothalamique, les noyaux suprachiasmatiques, d’un système de signalisation rythmique, la physiologie circadienne, et d’horloges moléculaires, constituées d’une quinzaine de gènes spécifiques. Le système circadien contrôle de nombreuses fonctions biologiques qui jouent un rôle essentiel dans la cancérogenèse, la progression tumorale et l’activité thérapeutique, et notamment le métabolisme et la détoxification des xénobiotiques, la réparation de l’ADN, le cycle de division cellulaire, l’apoptose, et l’angiogénèse. Le système circadien est synchronisé par l’alternance du jour et de la nuit au cours des 24 h, mais aussi par les cycles socioprofessionnels et familiaux, ainsi que les heures de prise alimentaire pour ce qui est des horloges périphériques.

En 2007, l’Organisation Internationale de la Recherche sur le Cancer identifiait le travail posté, capable de provoquer une disruption du système circadien, comme cause probable de cancer (groupe 2A). Notre laboratoire a par ailleurs montré que la disruption circadienne constituait également un facteur de mauvais pronostic chez les patients cancéreux. De même, les gènes de l’horloge circadienne sont souvent dérégulés ou réprimés dans plusieurs cancers humains, et leur moindre expression a été associée à un moindre prognostic. La cancérogenèse expérimentale chimio- ou radio-induite, tout comme la progression d’une tumeur avérée sont accélérées en cas de perturbation profonde du système circadien, que celle-ci siège au niveau du pacemaker central, de la physiologie circadienne, et/ou de l’horloge moléculaire. A l’inverse, la coordination circadienne peut être induite ou renforcée par une chronothérapie ciblant le système circadien, d’ordre pharmacologique, tel que la dexaméthasone, ou nutritionnel, tel que l’alimentation programmée. Les effets de telles interventions ont été démontrés sur le transcriptome hépatique.

Les recherches réalisées dans le cadre de cette thèse testent les hypothèses que (1) la disruption circadienne moléculaire accélère la cancérogénèse chimio-induite, et (2) le renforcement du système circadien par une intervention ciblant les horloges biologiques permet de prévenir la cancérogenèse.

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III.2. Problématique spécifique et objectifs

La disruption circadienne qui résulte d’une mutation du gène de l’horloge Per2 ou d’une double délétion Cry1/Cry2 accélère la cancérogénèse radio-induite. En effet, la mutation constitutive du gène Per2 décuple l’incidence de lymphomes chez la Souris, vraisemblablement parce que la mutation de Per2 est associée à une dérépression du proto-oncogène c-Myc, et à une répression de P53, bien mises en évidence dans le foie (Fu et al., 2002). Il existe cependant une étude discordante qui ne retrouve aucune association entre la mutation Per2 et la fréquence de cancers radio-induits (Antoch et al., 2013). De même la double délétion Cry1/Cry2 augmente la cancérogénèse induite par les rayonnements γ (Lee et

al., 2010). Ces données indiquent que l’horloge circadienne ou certains de ses composants

pourraient jouer un rôle suppresseur de tumeur.

Le foie est l’un des organes les mieux rythmés de l’organisme aux plans génomique, protéomique et métabolomique. Cependant, l’exposition de rats en lumière constante (LL) supprime en 6 semaines la coordination circadienne. L’exposition en LL de rats dont l’hépatocancérogenèse a été initiée par une exposition chronique à la DEN joue le rôle d’un promoteur équivalent au phénobarbital, l’agent promoteur de référence (van den Heiligenberg

et al., 1999). De même, le décalage horaire chronique (DHC) provoque une disruption

circadienne physiologique et moléculaire hépatique. L’exposition de souris à un DHC, après initiation de l’hépatocancérogenèse par administration chronique de DEN, constitue également un promoteur efficace de cancers hépatiques (Filipski et al., 2009). Trois types principaux de cancers hépatiques sont identifiés dans cette dernière étude, le carcinome hépatocellulaire, largement le plus fréquent, mais aussi quelques cas de cholangiocarcinome ou d’hépatosarcome. Les mécanismes font intervenir la suppression des rythmes circadiens des gènes de l’horloge hépatique par le décalage horaire chronique, ainsi que la surexpression de c-Myc et la répression de P53 en comparaison du foie d’animaux synchronisés par LD12 :12 (Filipski et al., 2005).

La pertinence de ces recherches pour le cancer hépatique humain est confortée par le fait que les gènes de l’horloge Per1, Per2, Per3, et Cry2 seraient réprimés dans le carcinome hépatocellulaire humain (Lin et al., 2008).

A l’inverse, un renforcement du système circadien peut être obtenu par une programmation temporelle de l’alimentation, dont l’accès est restreint pendant 6 à 12 h chaque 24 h. Une telle alimentation programmée amplifie le rythme thermique ainsi que le rythme des ARNm de

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Per2 et d’autres gènes de l’horloge hépatique, et inhibe de moitié la croissance d’une tumeur

transplantée, en comparaison d’une alimentation ad libitum (Filipski et al., 2005). Mon travail de thèse a pour but de répondre aux trois questions suivantes:

 Est-ce que la disruption circadienne moléculaire et physiologique provoquée par la mutation du gène Per2 ou la mise au silence des gènes Cry1/Cry2 modifie la cancérogénèse hépatique chimio-induite ?

 Quels sont les principaux gènes, cytokines et hormones régulés par l’horloge circadienne qui sont impliqués dans l’initiation de la cancérogénèse hépatique ?

 Est-ce qu’une intervention nutritionnelle ou pharmacologique ciblant le système circadien pourrait prévenir le développement des cancers hépatiques ?

L’une des retombées attendues de ce travail est aussi de fournir des données expérimentales originales permettant d’appréhender le rôle du système circadien dans la cancérogenèse hépatique, aspect jusqu’ici négligé au plan épidémiologique.

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CONDUITE ET