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Mécanismes moléculaires de l’hépatocancérogénèse

Température corporelle

II.3.4. Le carcinome hépatocellulaire

II.3.4.1. Mécanismes moléculaires de l’hépatocancérogénèse

L’hépatocancérogenèse est un processus multi-étapes, où la cirrhose constitue un stade pré-néoplasique. A ce stade, les réactions inflammatoires et la régénération hépatique en réponse à la destruction des hépatocytes aboutissent à des altérations d’un certain nombre des facteurs de croissance comme le TGF-α ou IGF-2.

Le CHC s’accompagne d’une perte de la différenciation cellulaire, de l’adhésion cellulaire, de la matrice extra-cellulaire et d’une activation constitutive du signal de transduction qui permet la prolifération et la survie cellulaire. Les nodules tumoraux de CHC montrent des aberrations chromosomiques associées à des altérations génétiques et épigénétiques dans les cellules hépatocytaires. Ainsi, des études ont montré la réexpression des télomères dans les hépatocytes, ce qui participe à leur immortalisation. Des délétions alléliques ont été identifiées dans le CHC, principalement sur les chromosomes 1p, 4q, 5q, 6q, 7p, 8p, 9p, 10q, 11p, 13q, 16p, 16q et 17p, ainsi que des gains sur les chromosomes 1p, 6p, 7q, 8q et 17q (Thorgeirsson et al., 2002; Hoshida et al., 2010). Cette instabilité génomique contribue à l’inactivation ou l’activation de gènes suppresseurs de tumeurs ou d’oncogènes. Le rôle des altérations épigénétiques (hyper- ou hypométhylation) a été observé dans le CHC (Calvisi et

al., 2007). Par exemple, la surexpression de l’oncogène c-Myc a été corrélée à une

hypométhylation de son promoteur. Par contre, l’hyperméthylation de promoteur du gène

CDKN2A (suppresseur de tumeur) a conduit à son inactivation (Thorgeirsson et al., 2002).

Dans plusieurs cas, les mécanismes moléculaires impliqués dans les étapes d’initiation de la cancérogenèse sont liés à l’étiologie de CHC.

Très récemment, trois voies principales de l’hépatocancérogenèse ont été décrites (figure 21)

(Facciorusso et al., 2012) :

a) La voie Wnt ß-caténine b) La voie ERK

c) La voie Akt/mTOR

La voie Wnt/ß-caténine est activée par une mutation activatrice de la ß-caténine, résultant en une accélération de la prolifération cellulaire. Les glycoprotéines Wnt se lient aux récepteurs transmembranaires « Frizzled », ce qui aboutit à l’inactivation du complexe protéique cytoplasmiques APC/Axine/GSK-3β. L’activation de la voie Wnt, en inhibant ces complexes protéiques, inhibe la phosphorylation et la dégradation de la β-caténine, permettant ainsi sa translocation nucléaire. Dans le noyau, la β-caténine agit comme un facteur de transcription

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pour plusieurs oncogènes. Des mutations activatrices de la ß-caténine ont été mises en évidence dans 20 à 40% des CHC (de La Coste et al., 1998; Facciorusso et al., 2012). Ces mutations ont été identifiées sur le complexe inhibiteur de la ß-caténine (GSK-3β, Axine 1), ce qui entraine une accumulation de la protéine, sa translocation dans le noyau et l’activation de ces gènes cibles. Parmi les gènes cibles de cette voie, on retrouve des oncogènes (c-Myc,

Cyclin D), des gènes antiapoptotiques (Survivine), des gènes impliqués dans l’invasion

(MMPs), ou l’angiogenèse (VEGF) (Roberts et al., 2005). En outre, Les mutations de la

β-caténine apparaissent plus fréquentes dans les CHC associées au Virus d’hépatite C que dans

celles associées au Virus d’hépatite B (Huang et al., 1999; Hsu et al., 2000).

Figure 21 : Trois principales voies de signalisation identifiées dans le carcinome hépatocellulaire. Adapté d’après (Facciorusso et al., 2012).

La voie de signalisation ERK joue un rôle très important dans plusieurs processus biologiques tels que la prolifération, la survie, la différenciation et la migration cellulaire. L’activation de cette voie est assurée par l’activation de récepteurs membranaires tels que l’EGFR et l’IGFR, mais aussi la survenue de mutations somatiques, notamment au niveau des gènes codant pour la protéine RAS ou la protéine RAF. La fixation des facteurs de croissance sur leurs récepteurs membranaires active la protéine Ras, qui à son tour active Raf, MEK, et ERK.

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Une fois, la protéine ERK transportée dans le noyau, celle-ci active les facteurs de transcription c-Jun et c-Fos qui régulent l’expression des gènes impliqués dans la prolifération et la survie cellulaire (Dhillon et al., 2007).

La voie de signalisation AKT / mTOR est impliquée dans la régulation de l’apoptose, de la croissance et du cycle cellulaire, ainsi que de l’angiogenèse. Cette voie est dérégulée dans plusieurs types de cancers. Elle est activée dans 50 % des cas de CHC (Llovet et al., 2008). AKT est un proto-oncogène, qui a de nombreuses cibles dont mTOR. En réponse à des stimuli de facteurs de croissance, AKT induit l’activation de mTOR qui permet de réguler plusieurs signaux impliqués dans le cycle cellulaire (Cyclin D1), la survie cellulaire (Mdm2/P53), et l’angiogenèse (HIF1/2). PTEN est un régulateur négatif de cette voie. Sa mutation entraine une activation d’Akt (Roberts et al., 2005). La mutation PTEN ou la diminution de son expression ont été trouvé dans 40% des cas de CHC (Hu et al., 2003). D’autres voies de signalisation sont ainsi trouvées altérées dans le CHC. La voie de P53 joue un rôle dans la stabilité génomique soit en induisant l’apoptose, soit l’arrêt du cycle cellulaire. Dans le CHC, la mutation P53 a été trouvée dans 20 à 35 % de tumeurs analysées. Les mutations P53 ont été toujours liées à des CHC moins différenciées, de plus grande taille et d’une survie réduite des patients (Qin et al., 2002).

Le gène Retinoblastome (Rb) est un autre suppresseur de tumeur impliqué dans le développement de CHC. Une perte d’hétérozygotie a été trouvée dans 25 à 50% des cas de CHC humains. L’inactivation de Rb a augmenté la progression tumorale et la métastase chez de nombreux patients (Zhang et al., 1994; Shiraha et al., 2013).

Plus de 90% des cas de CHC sont associés à une inflammation chronique. Récemment, plusieurs études sur la souris ont identifié des voies de signalisation qui ont permis d’établir les liens entre l’inflammation chronique et le CHC (Nikolaou et al., 2013).

La voie NF-κB est la voie principale activée dans le CHC associé à une inflammation chronique. En fait, l’activation de cette voie stimule la transcription des centaines de gènes impliqués dans la régulation de l’inflammation, l’apoptose, prolifération, et la survie cellulaire.

D’autres voies de signalisation ont été identifiées dans le CHC associé à une inflammation chronique (STAT, MAPK) (Nikolaou et al., 2013).

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