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1. Revue bibliographique

1.4. Gestion des mauvaises herbes en culture intercalaire

1.4.3. Problématique de l’utilisation du glyphosate

L’utilisation du glyphosate n’est pas sans conséquence: les préoccupations en matière de santé humaine et de protection de l’environnement occupent une place prépondérante dans le débat entourant le maïs génétiquement modifié (MAPAQ, 2016). L’adoption du ray-grass

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en culture intercalaire ne devrait pas nuire aux bonnes pratiques de gestion des herbicides. Il est donc important de comprendre les enjeux reliés à l’utilisation du glyphosate.

1.4.3.1. Maïs tolérant au glyphosate

Actuellement, l’implantation de ray-grass intercalaire dans le maïs demande inévitablement un maïs tolérant le glyphosate. Certains producteurs ensemencent de plus en plus le maïs conventionnel, c’est-à-dire non tolérant au glyphosate, par souci économique ou encore par crainte d’un impact négatif sur la santé et l’environnement (MAPAQ, 2016). Il est intéressant de noter que l’utilisation de semences génétiquement modifiées est en déclin au Québec depuis les deux dernières années. Le pourcentage de soya transgénique semé dans la province est passé de 69% en 2014 à 57% en 2015. La tendance est la même pour le maïs transgénique pour lequel le pourcentage était de 87% en 2014 et diminuait à 84% pour l’année 2015 (Bérubé, 2016). Mondialement, depuis 2014, la superficie cultivée avec des semences génétiquement modifiées a diminué de 1,8 millions d’hectares ce qui correspond approximativement à 1% des superficies (Clive, 2015). L’utilisation d’un herbicide homologué dans le maïs autre que le glyphosate en culture intercalaire de ray-grass permettrait à ceux qui le désirent de choisir entre un hybride de maïs tolérant ou non le glyphosate. En fait, un herbicide autre que le glyphosate diminuerait la dépendance des producteurs envers la technologie Round-up Ready ®.

1.4.3.2. Développement de la résistance

La venue des cultures génétiquement modifiées tolérant le glyphosate a fait exploser son utilisation dans le domaine agricole. Depuis les dix dernières années, les programmes de désherbage se résument par l’application du glyphosate en postlevée. Son coût abordable et son efficacité en font un herbicide de choix. Par contre, un phénomène inquiétant peut toujours se produire : il s’agit du développement de la résistance chez les mauvaises herbes. Cette résistance aux herbicides se traduit comme étant la capacité d’une population de mauvaises herbes à survivre à un traitement d’herbicide qui, en pratique, l’aurait contrôlée efficacement. Ce phénomène est naturel et se produit de façon spontanée. La résistance se développe lorsqu’on utilise le même herbicide ayant le même mécanisme d’action, dans le même champ, année après année. Cette régie de désherbage conduit à une sélection de

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mauvaises herbes résistantes. Celles-ci ne sont, par la suite, plus maîtrisées efficacement par l'herbicide responsable de la sélection (Leroux, 2016). Aux États-Unis, vingt-trois espèces résistantes au glyphosate sont répertoriées dont huit résistantes à plus d’un groupe d’herbicide (Bernier, 2013). En Ontario, la vergerette du Canada, l’amarante tuberculée ainsi que la grande et la petite herbe à poux sont toutes des espèces confirmées résistantes au groupe 9 (Lespérance, 2016). En ce qui concerne la province de Québec, à ce jour, aucun cas de résistance au glyphosate n’a été confirmé (Bernier, 2013). Par contre, ce n’est qu’une question de temps avant que la résistance au groupe 9 ne se propage sur les fermes du Québec. En guise d’exemple, la vergerette du Canada produit entre 10 000 à 100 000 semences par plant par année, lesquelles peuvent se disséminer par le vent sur plus de 500 km de distance. Selon François Tardif, professeur au département de phytologie à l’université de Guelph, il ne serait pas surprenant que la résistance de certaines espèces nuisibles au glyphosate comme la vergerette du Canada ne soit déjà arrivée au Québec (Allard, 2012). Dans ces situations de résistance, les options de désherbage sont limitées et peuvent augmenter les coûts de production ainsi que les risques environnementaux. Une gestion proactive de prévention de la résistance au groupe 9 est essentielle afin de minimiser son développement. Une des pratiques à préconiser est l’utilisation d’herbicides ayant des mécanismes d’action différents (Bernier, 2013). Il ne faut donc pas négliger les rotations des groupes d’herbicides, et ce, même avec l’adoption du ray-grass intercalaire dans le maïs.

1.4.3.3. Contrôle tardif

La gestion des mauvaises herbes dans une culture de maïs est une pratique culturale importante. La concurrence exercée par les mauvaises herbes est en lien direct avec les pertes de rendement. Une levée hâtive ou simultanée à la culture principale, des infestations élevées ainsi que la présence de dicotylédones annuelles plutôt que de graminées annuelles sont toutes des situations où le rendement du maïs est réduit par la présence des mauvaises herbes (MAAARO, 2009a). En fait, il a été démontré que les végétaux détectent la présence de mauvaises herbes par radiation. Avant même que les ressources soient limitées, comme par exemple la lumière, la culture réagit à la présence des plantes nuisibles. Les signaux lumineux réfléchis par les feuilles agissent comme système d’alarme à la culture principale. Le combat pour l’évitement de l’ombre stimule le maïs à croître en hauteur au détriment de son

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développement racinaire. Une élongation des entre-nœuds de la tige permettra à la culture de s’approprier la lumière (Ballaré et Casal, 2000 ; MAAARO, 2015). Selon la littérature, la période critique de désherbage dans le maïs est située entre le stade de deux feuilles à huit feuilles. Il faut noter que la période critique est variable selon les années, le lieu, le type de sol, les espèces et la densité des mauvaises herbes (Bernier, 2015). Une étude réalisée en Ontario a démontré que les pertes de rendements reliées à la concurrence des mauvaises herbes peuvent atteindre entre 0,3 et 2,2% par jour lorsque les adventices ne sont pas contrôlées à partir du stade trois feuilles du maïs (MAAARO, 2015). Un désherbage tardif en postlevée du maïs peut donc affecter le rendement de la culture.

Actuellement, les producteurs agricoles qui implantent le ray-grass intercalaire dans le maïs appliquent seulement un glyphosate avant de semer le ray-grass. Le maïs est environ au stade quatre-cinq feuilles. Le contrôle des mauvaises herbes se fait tardivement puisque le glyphosate n’a pas d’effet résiduel. Plus l’application se fait tout juste avant le semis de ray- grass et moins il y a de risque de repousses d’adventices. Le ray-grass peut ainsi croître sans compétition. Toutefois, ce programme de désherbage n’est pas recommandé pour obtenir le rendement optimal du maïs. Les mauvaises herbes présentes depuis la levée du maïs jusqu’au stade quatre feuilles peuvent grandement participer à concurrencer le maïs. De plus, le glyphosate ne permet pas de contrôler les mauvaises herbes tout au long de la saison de croissance de la culture. Sachant que le ray-grass est une plante peu compétitive et dont la croissance est ralentie à l’ombre, il se peut que certaines mauvaises herbes germent plus tard en saison.

À la lumière de ces enjeux liés à l’utilisation du glyphosate, les producteurs pionniers dans le domaine du ray-grass intercalaire ont rapidement fait leurs propres essais d’herbicides résiduels. Les expériences des uns apportent des réponses aux questionnements des autres.

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