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AUTRES PROBLÈMES

L'institution d'un tribunal administratif réunissant dans la compétence d'une seule juridiction indépendante les attributions confiées aujourd'hui à une pléïade de commissions et d'autorités de recours, et la réforme de la procédure, constituent les éléments essentiels de l'amélioration de notre justice administrative. Elles ne sauraient cependant, à elles seules, rendre notre système satisfai-sant.

D'autres améliorations, moins urgentes et moins importantes, mais nécessaires, doivent être envisagées. Les principales nous paraissent être les suivantes:

a) Il est peu probable que la création d'un tribunal adminis-tratif permettra de supprimer d'emblée toutes les commissions de recours existantes. La composition de ces commissions et leur carac-tère prétendument « technique », quelque critiquables qu'ils soient, s'opposeront à leur suppression et feront longtemps encore obstruction à une extension des compétences du tribunal à tous les domaines qui pourraient être soumis à sa juridiction. Il faudra donc envisager d'améliorer le système des commissions, dans la mesure où il subsistera, en l'uniformisant et en donnant à ces dernières une indépendance plus grande à l'égard de l'administration et du pou-voir exécutif, notamment par une modification de leur composition

RÉFORME DE LA JURIDICTION A GENÈVE 73 et de leur mode de désignation. Il conviendrait également - peutêtre par la voie d'un recours en cassation au tribunal administratif -d'assurer l'uniformité de leur jurisprudence, au moins quant aux principes de base du droit administratif.

b) Même dans un système de juridiction administrative de droit commun, dans lequel le tribunal administratif aurait à con-naître de tous les recours qui n'auraient pas fait l'objet d'une réserve expresse en faveur de la voie hiérarchique, les compétences du Conseil d'Etat resteraient suffisamment larges pour exiger une révision complète du système d'instruction des recours portés devant lui. Le régime des départements rapporteurs travaillant en ordre dispersé, sans vue d'ensemble du contentieux administratif relevant du Conseil d'Etat, sans attributions définies et sans possi-bilité d'établir une jurisprudence suivie, doit disparaître. Un ser-vice spécial devrait être créé, chargé du contentieux, et seul res-ponsable de l'instruction des causes et de l'élaboration de la juris-prudence. A l'exemple du Conseil d'Etat français, son expérience pourrait l'amener à devenir le conseiller juridique du gouvernement, en particulier dans l'élaboration des lois et des règlements.

c) Il est indispensable de prévoir la publication de la jurispru-dence que le tribunal administratif sera appelé à former et qui donnera enfin à notre droit administratif, nous l'espérons, les prin-cipes de base qui lui font défaut. Il appartiendra au Conseil d'Etat d'y veiller, soit en subventionnant une publication privée, soit en instituant une publication officielle, sur le modèle fédéral.

d) A un stade ultérieur, et si le tribunal administratif, par sa composition, offre les garanties juridiques nécessaires, on pourrait envisager de lui confier non seulement la connaissance des recours contre les décisions del' administration active, mais aussi celle des litiges de droit public de nature pécuniaire dans lesquels l'Etat est partie, et qui sont aujourd'hui de la compétence des tribunaux ordinaires, en vertu de la plénitude de juridiction dont ils jouissent.62 En d'autres termes, distinguant, parmi les litiges entre les parti-culiers et l'Etat, ceux qui relèvent du droit public et qui seraient de la compétence du tribunal administratif, et ceux qui relèvent du

62 Cf. Sem. jud., 1946, p. 104.

droit civil et devraient rester de la compétence des tribunaux civils, nous proposons d'attribuer au tribunal administratif la connais-sance de certaines des demandes connues, en droit fédéral, sous le nom d'actions de droit administratif. 53 Nous pensons en particulier aux litiges visés à l'article III du projet fédéral d'extension de la juridiction administrative, sous lettres a à c 54, et nés des rapports de service du personnel de l'Etat, y compris les rapports résultant d'une assurance de droit public, des rapports contractuels de droit public et de ceux qui découlent de la responsabilité de l'Etat.

L'octroi d'une telle compétence au tribunal administratif serait de nature à favoriser le développement de notre droit public et administratif en introduisant une distinction fondamentale entre rapports de droit public et rapports de droit privé, qui manque aujourd'hui dans plusieurs domaines, notamment en matière de contrats. 55

Encore faudrait-il prévoir, pour les actions de cet ordre, la garantie du double degré de juridiction; ce qui obligerait à créer au-dessus du tribunal administratif, une cour d'appel sur le modèle du Conseil d'Etat français. Ce serait alors l'occasion de renoncer définitivement à toutes les juridictions de première instance autres que le tribunal administratif et d'unifier pleinement le système de notre justice administrative. Mais il ne peut s'agir que d'une réforme lointaine. Si nous ne voulons pas compromettre la réforme souhaitée, nos objectifs, dans l'immédiat, doivent être plus modestes.

IV. CONCLUSION

On jugera peut-être que le sujet de cet exposé était trop ample pour les limites qui nous étaient assignées. Nous n'avons pu

qu'ef-53 Sur la distinction entre recours et action de droit administratif, et sur son caractère relatif, cf. ZwAHLEN, op. cit., pp. rom ss.

54 FF, r965, II, p. r375.

55 La notion de contrat de droit administratif a fait l'objet de rapports à la Société suisse des juristes en 1958, par MM. Max lMBODEN et Henri ZWAHLEN, sous le titre: Der verwaltungsrechtliche Vertrag, Le contrat de droit administratif, RDS, r958, pp. 1a ss, 461a ss. Il ressort du rapport de M. ZwAHLEN que, pratiquement, en Suisse, «tout est à créer 1> dans ce domaine (op. cit., p. 466a).

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ileurer les questions principales que pose la réforme de notre juri-diction administrative et esquisser quelques solutions.

Mais notre intention était précisément de donner une vue géné-rale du problème. Même sommaire, elle nous a permis de mettre en évidence le nombre et l'importance relative des questions à résou-dre, ainsi que l'ordre d'urgence dans lequel elles devraient être abor-dées. Il est essentiel, en effet, que dès maintenant nous envisagions le problème dans son ensemble et que, par une vue claire du but à atteindre et des difficultés à surmonter, nous puissions mettre chaque élément de la réforme à sa juste place et faire porter notre effort d'abord sur les améliorations les plus nécessaires.

Quant aux solutions, seules quelques indications générales pou-vaient être données ici. Nous nous sommes efforcé, en le faisant, de tenir compte des contingences actuelles et de ne perdre de vue ni la nécessité d'une amélioration à brève échéance, ni celle d'une

réforme plus durable et plus profonde, mais plus lointaine.

Nous pensons en effet que, pour être viable, la réforme doit être réalisée par étapes. Créer d'emblée un tribunal administratif de

·droit commun, ainsi qu'une cour d'appel, est certainement préma-turé. Il est plus raisonnable, en l'état de notre droit administratif, de commencer par l'octroi, au nouveau tribunal, de certaines com-pétences d'attribution, suffisamment nombreuses et importantes pour lui donner une assise solide et amorcer nettement le processus -de suppression des commissions spécialisées, mais néanmoins limitées, afin de lui permettre de s'affirmer peu à peu et de pré-tendre, au vu des expériences faites, à l'octroi de nouvelles attribu-tions.

A côté des problèmes juridiques, on le voit, la réforme pose des problèmes de politique législative qui ne doivent pas être négligés.

Similitude et divergence des procédures

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