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Les enseignants sont amenés à échanger et à travailler avec différents types d’acteurs du système éducatif. Les relations que l’enseignant noue en début de carrière que ce soit avec ses collègues - et notamment l’accueil que ceux-ci lui réservent - le directeur d’école, le formateur, les élèves et les parents d’élèves jouent un rôle significatif dans l’insertion professionnelle du jeune maître et dans son développement professionnel. Les relations qu’il va entretenir vont lui permettre de se créer un place dans l’établissement qui lui est attribué et d’être reconnu sur un plan personnel et professionnel. Les potentiels problèmes et difficultés qui peuvent être liés à ces relations sont développés d’après les différents acteurs du milieu scolaire : les relations avec les élèves, avec les collègues et l’institution puis avec les parents d’élèves.

Les relations avec les élèves

La première confrontation entre l’enseignant débutant et ses élèves est souvent vécue douloureusement. « Le jeune maître se perçoit d’abord comme un jeune plutôt que comme maître » (Huberman, 1989, p.253). Dès lors, un malaise s’installe chez l’enseignant novice qui vit des conflits de rôles entre ses différents statuts. Il se questionne quant à son rôle envers

ses élèves : est-il un parent, un grand frère, un ami, un ancien écolier ? On retrouve la même idée chez Baillauquès (1990, p.226) pour qui le jeune maître

doit, tout de suite, montrer aux enfants qu’il est un adulte et se proposer comme référence identificatoire alors qu’il est lui-même en plein travail de désillusion, de recherche de soi dans la remise en cause de ses images d’enfance et de l’enfant, et de ses modèles parentaux et magistraux. (in Riopel, 2006, p. 13)

Pour bien assumer ses fonctions, le novice doit donc assurer une bonne distance entre lui et ses élèves. L’étudiant, devenu jeune maître, représente l’institution dans laquelle il travaille. Il doit adopter une posture plus normée et en adéquation avec son nouveau statut. Le débutant doit se montrer comme un adulte responsable.

En plus de la gestion de cette relation, Huberman (1989) souligne que de nombreux facteurs peuvent entrer en ligne de compte comme une certaine pression de la hiérarchie (formateurs et directeur), des évènements de la vie privée (déménagement, mariage, divorce), voire des problèmes psychologiques (angoisse, timidité). Ainsi, cette période est fréquemment vécue négativement et engendre des moments de panique et d’angoisse. A cela s’ajoute une relation perturbée avec les élèves. L’enseignant novice se montre soit trop sévère soit pas assez, tout se mélange, les élèves le ressentent et ainsi se crée un infernal cercle vicieux. Huberman (1989) évoque également l’incertitude de cette attitude qui varie entre trop de sévérité, d’indulgence ou trop de familiarité. Il souligne aussi l’inexpérience comme facteur non négligeant dans les problèmes que peuvent avoir les jeunes enseignants lors de leur rencontre avec leurs élèves. Pour cet auteur, le problème du rapport du jeune enseignant avec ses élèves est au centre des difficultés qu’il rencontre.

La relation enseignant-élève - et tous les problèmes qu’elle peut comporter - joue également un rôle dans l’évolution professionnelle de l’enseignent. En effet, lorsque les enseignants évoquent « leur passage d’une phase à l’autre et leur évolution personnelle, ils décrivent fréquemment parallèlement, ou comme rapport de cause à effet, la modification de leur relation aux élèves » (Huberman, 1989, p. 318). L’enseignant novice n’arrivant pas à assumer le nouveau rôle social de sa profession, manque ainsi d’assurance ce qui expliquerait ses difficultés face à ses élèves. « L’enseignement l’oblige à redéfinir sa relation à l’autre, mais aussi à comprendre qu’il s’agit d’une relation particulière, souvent vécue, au début en tout cas, comme une aventure, une exploration, un tâtonnement continuel » (Huberman, 1989, p.

318). La recherche menée montre également que les jeunes enseignants semblent plus proches

des élèves que leurs collègues expérimentés et donc plus âgés. Les jeunes enseignants ont ainsi tendance à trop sortir de leur rôle et ne séparent pas assez la sphère privée de la vie scolaire.

Les relations avec les collègues et l’institution

Lors de leur entrée dans le métier, les enseignants débutants cherchent à recevoir des conseils et des commentaires d’enseignement expérimentés ainsi que l’appui du directeur et des collègues. Mukamurera et Tardif (2004) décrivent la collaboration entre les enseignants expérimentés et les enseignants débutants comme limitée à de simples échanges de services.

A l’inverse, la collaboration entre enseignants novices tend à plus de partage et de discussion sur le plan pédagogique et expérientiel. Ces auteurs distinguent les générations d’enseignants et estiment que certains facteurs structurels, organisationnels et personnels simplifient les rapports entre enseignants et entre les générations, tandis que d'autres participent à la rupture intergénérationnelle.

Concernant l’accueil reçu par les collègues, bien que divers enseignants débutants affirment avoir été satisfaits de celui-ci, il arrive aussi souvent qu’ils s’en plaignent, mettant en évidence un manque d’aide, de soutien, de collaboration et parlant même d’isolement.

Veenman (1984) place le problème des relations avec les collègues en dixième positon des problèmes habituels et montre ainsi qu’il s’agit d’un problème assez important. Huberman (1989) souligne pour sa part, un manque d’aide expliqué peut-être par la jalousie des anciens enseignants envers les débutants qui réussissent trop bien, ou à certains désaccords concernant les méthodes choisies, peut-être dus à des formations différentes.

Par ailleurs, Huberman (1991) soulève un aspect surréel face auquel les jeunes enseignants se retrouvent souvent lors de la prise de fonction. L’auteur relève le fait que l’enseignant débutant est placé dans la même situation de difficulté et d’incommodité que l’enseignant expérimenté. Fréquemment, le jeune maître se retrouve même dans une situation bien plus complexe puisqu’il se voit recevoir la charge d’une classe dont personne ne voulait, une volée très difficile. Les enseignants expérimentés jouant sur leur primauté due à leurs années d’enseignement plus nombreuses s’attribuent souvent les volées les plus désirées. L’auteur soupçonne là un rite de passage mais relève pourtant que cette façon de faire peut causer de nombreux dégâts auprès du jeune maître. Celui-ci risque de vivre très difficilement sa

chevronné de l’établissement risquerait de vivre une année infernale, s’il se retrouvait avec le même groupe d’élèves que celui attribué au jeune maître. Cette expérience peut avoir des conséquences sur l’enseignement du débutant. « En effet, il existe plusieurs études empiriques qui montrent que, dans de telles conditions, le jeune enseignant a recours aux procédés plutôt répressifs, justement pour « survivre », procédés dont il se défait très difficilement par la suite » (Huberman, 1991, p.16).

Les potentielles difficultés relevées ici montrent un manque de professionnalisme de la part des enseignants expérimentés mais sont-ils les seuls responsables ? Baillauquès et Breuse (1993), pour leur part, soulignent que l’isolement ressenti par les novices ainsi que les difficultés liées au domaine relationnel peuvent provenir des débutants eux-mêmes. Ces derniers, centrés sur leurs problèmes, peuvent ne pas comprendre qu’ils ne sont pas les seuls à en avoir et peuvent être rapidement déçus de voir que leurs collègues ne s’intéressent pas à eux mais préfèrent profiter d’un moment de pause pour « oublier » les divers soucis du moment. A l’inverse, les débutants, parfois trop timides, n’osent pas aller demander de l’aide, de peur de monter une faiblesse ou un quelconque manque de pratique. Nous pouvons de ce fait conclure que les difficultés d’intégration des nouveaux enseignants peuvent provenir d’une crainte réciproque. Les enseignants expérimentés peuvent craindre d’être trop sollicités par les débutants. Les débutants, quant à eux, tout en cherchant à s’adapter, peuvent se sentir déstabilisés par le nouveau milieu de travail.

Les relations avec les parents d’élèves

Comme le témoignent plusieurs enquêtes, les jeunes enseignants se plaignent du peu de contact avec les parents d’élèves mais les redoutent à la fois. En effet, la prise de contact avec les parents d’élèves est une source d’angoisse chez une grande partie des débutants. Veenman (1984) classe ce problème en cinquième position dans les difficultés rencontrées en début de carrière. Lantheaume et Hélou (2008) relèvent, pour leur part aussi, une relation tendue entre enseignants et parents. Leur analyse menée auprès d’enseignants montre qu’ils espèrent une relation idéale qui malheureusement se heurte

à la réalité d’un jugement scolaire qui est discuté ; à la diversité des parents, ceux qu’il faut enrôler et qui se dérobent, ceux qui s’imposent et du jugement desquels il faut se défaire ; à la difficulté scolaire qui met en défaut l’expert ; à la mise en doute de l’expertise avec la discussion des choix du professeur. (p. 51)

La relation parent-enseignant semble alors marquée d’incompréhension. Les enseignants novices ont l’impression que les parents d’élèves sous-estiment les difficultés rencontrées par les enseignants, ne prennent pas en compte les efforts qu’ils déploient et ne sont pas soutenus dans leur enseignement. Ils reprochent aux parents d’élèves un manque d’ouverture en matière de pédagogie, de ne pas les soutenir dans leur conception pédagogique et ont le sentiment qu’ils idéalisent les méthodes traditionnelles qu’ils ont connues étant jeunes et préféreraient que leur enfant soit suivi par des enseignants plus expérimentés. Dès lors, il en résulte une relation méfiante où le partage éducatif semble délicat.

Ainsi, dès sa première rencontre avec les parents d’élèves, le novice est confronté à sa responsabilité ainsi qu’à l’importance de son travail. Il arrive fréquemment que l’enseignant débutant, désireux de faire ses preuves, craigne en même temps que ses compétences soient mises en doutes par les parents. Baillauquès et Breuse (1993) relèvent d’ailleurs le manque de confiance des parents envers les capacités du nouvel enseignant qu’ils perçoivent comme une personne inexpérimentée. Le nombre d’années d’enseignement étant, à leurs yeux, la qualité première pour être un enseignant efficace. Les deux auteurs soulignent par ailleurs que les parents d’élèves jugent l’enseignant débutant en fonction de la discipline qu’il arrive à instaurer dans sa classe. Suite aux critiques des parents, les jeunes enseignants remettent donc facilement en cause leurs capacités pédagogiques et se sentent déstabilisés dans la construction de leur professionnalité. De plus, ces différentes critiques et réactions de la part des parents d’élèves peuvent avoir une influence sur les choix pédagogiques des débutants en les amenant à changer leur manière de travailler en classe. Elles peuvent aussi jouer un rôle dans la manière dont l’enseignant va gérer les relations familles-école. Peu conscient de sa responsabilité dans ces relations, l’enseignant débutant manque de solidité dans ses arguments pédagogiques pour défendre ses pratiques et gestes professionnels. En fait, s’il est vrai que certains enseignants débutants montrent une image confiante et ouverte, d’autre se replient sur eux-mêmes et montrent une attitude défensive voir agressive.

Au terme de cette deuxième partie sur les difficultés rencontrées, nous pouvons constater que les différentes recherches menées à ce sujet mettent en évidence une certaine homogénéité dans les difficultés auxquels le jeune enseignant se voit confronté dès sa prise de fonction.

Néanmoins, bien qu’il s’agisse d’une phase problématique de la carrière, il convient de rappeler qu’il faut faire la part entre les difficultés « attendues » qui relèvent en général d’une

particulières, qui peuvent être mal vécues au point d’entraîner des effets néfastes, comme la gestion d’une classe dite « difficile ».

Ces quelques pages ont permis d’exposer les difficultés les plus relevées par les débutants lors de leur entrée dans le métier. A première vue, beaucoup de souffrance est mise en évidence dans ce début de carrière, pourtant certains aspects positifs pourraient être soulevés. En effet, une certaine souffrance peut être relativisée dans le sens où les débuts dans le métier engendrent une part d’enthousiasme auprès des débutants. L’envie d’y être, d’avoir sa propre classe, des responsabilités et de faire partie d’un établissement sont toutes des sources de motivation qui peuvent aider le jeune enseignant à surmonter les difficultés rencontrées. En effet, après plusieurs années d’étude, les jeunes enseignants, heureux de pouvoir enfin enseigner, peuvent se sentir davantage concernés que des enseignants expérimentés et donc s’investir plus dans leur travail.

3.3 LA CONSTRUCTION DUNE IDENTITE PROFESSIONNELLE

Pour se développer professionnellement, le novice doit s’engager activement et être attentif.

Le jeune maître doit chercher à se perfectionner tout en tenant compte de ses intérêts et besoins personnels. Holborn, Wideen et Andrews (1993) pensent que « la vie professionnelle d’un enseignant commence au moment où il décide de s’inscrire à un programme universitaire de formation des maîtres » (p.36). Les idées du rôle d’enseignant, ses responsabilités ainsi que la vison de l’enseignement que se construit chaque étudiant au cours de sa formation vont influencer ses priorités professionnelles et son engagement dans son processus de développement professionnel et continu.

Cette troisième et dernière partie, consacrée à la construction de l’identité professionnelle est divisé en cinq parties. Tout d’abord, l’influence de la formation sur la construction de l’identité professionnelle est développée. Après une présentation des notions d’identité personnelle et professionnelle, les composantes de l’identité professionnelle ainsi que les phases du processus de socialisation professionnelle à l’enseignement sont relevé. Pour finir, ce chapitre se termine par l’insertion professionnelle des enseignants débutants.