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Chapitre 1. Des déficits d’assurance face aux défis de la gestion des catastrophes : analyse du

1.1. Assurance et protection sociale : des incapacités qui limitent le transfert des risques.

1.1.2.2. Problèmes liés aux pratiques du marché

Comme principaux problèmes dans cette rubrique on peut retenir entre autres, au niveau des assureurs traditionnels : une concentration du marché des assureurs sur la branche IARD avec l’assurance automobile au premier rang et une méconnaissance généralisée de la population quant au mode de fonctionnement de l’assurance; ce qui nuit considérablement au développement de l’assurance et de la micro assurance [19]. En effet, les données recueillies entre 2008 et 2012 par la Direction des Assurances du Bénin et récapitulées par nous, donne pour :

 l’assurance IARD, un taux de pénétration moyen à 0.72% avec un pic à 0.74% en 2010 et 2009; et une densité moyenne (en franc CFA) de 2.736 avec un pic de 2.811 en 2011;  l’assurance vie, un taux de pénétration moyen à 0.28% avec un pic à 0.30% en 2010; et une

densité moyenne (en franc CFA) de 1.073 avec un pic de 1.174 en 2011;

 l’assurance toutes branches, un taux de pénétration moyen à 1% avec un pic à 1,03% en 2011; et une densité moyenne (en franc CFA) de 3.809 avec un pic de 3.985 en 2011. Depuis, le taux de pénétration n’a évolué que de 0,03%, de 2011 à 2013, pour une évolution d’ensemble de 0,33% entre 1999 et 2013 ; ou une évolution de 0,73% à 1,06% entre 1999 et 2013; soit pour une période de quinze ans [22] (voir le graphique ci-dessous).

Source DA/ DGAE, décembre 2014 ; DA, 2015

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Par ailleurs, du point de vue de l’actionnariat, le marché de l’assurance est animé par trois principaux acteurs : les compagnies d’assurances [14, dont dommage (7), vie et capitalisation (6), assurance agricole (1)], les sociétés de courtage en assurance (20) et les agences générales d’assurance (150) [22]. Pendant que les besoins s’amoncellent et que certains de leurs agents recèlent des expertises d’origines diverses; les compétences/capacités humaines disponibles ne sont pas exploitées à bon escient, pour offrir un terrain favorable à la mutualisation des expériences et pratiques et un ferment à l’éclosion des initiatives d’offre de produits prenant en compte les besoins effectifs des assurés et de potentiels consommateurs béninois ; comme par exemple face aux changements climatiques [22]. Le chiffre d’affaires du marché de l’assurance qui connaît depuis 1998 une nette progression et qui a plus que quadruplé sur une période de quinze (15) ans; passant de 9,6 milliards FCFA en 1998 à 43,3 milliards FCFA, ($CA 96.342.114,6) en 2013 ; soit un accroissement annuel moyen de 11%; sachant que « les branches vie et non vie représentent respectivement 26% (en régression de 3 points par rapport aux trois (03) derniers exercices) et 74% du chiffre d’affaires global en 2013 » [22].

Figure 2. Évolution du chiffre d’affaires des compagnies d’assurance de 1988 à 2013 (en milliards FCFA)2

2 Le 8 août 2016, 1,00 dollar canadien = 449,44 CFA, franc(s), selon un taux de change de 449,4382 (taux nominal).

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Les problèmes liés aux perceptions et accessibilité des produits d’assurance par les consommateurs

L’ensemble des données qui précèdent font donc état des faiblesses du secteur de l’assurance et de ses incapacités à combler les insuffisances pour un niveau de couverture satisfaisant [40]. Cette situation est aussi en partie la résultante des perceptions et de l’accessibilité des consommateurs aux différents produits d’assurance. En effet, au niveau des ménages et des entreprises, 74,2% de ceux qui connaissent les sociétés d’assurance, considèrent l’assurance comme étant une nécessité; et près de 14% pensent que les assurances sont un luxe, près de 5% estiment qu’elle n’a aucune importance ; alors que 61,4% des ménages ayant souscrit aux produits d’assurance trouvent leur coût élevé sur le marché, contre 32% qui le trouvent acceptable; pendant qu’au niveau des entreprises, près de 41% de celles n’ayant pas souscrit à une police évoquent l’insuffisance de ressources financières et tous les autres la trouvent trop chère et inutile [23].

Incapacité des compagnies et l’impossible innovation fondée sur les pratiques endogènes de transfert de risques

La plupart des publications qui portent sur l’assurance dans la zone CIMA, à notre connaissance, comme celle de Desjardins, évoquent ou comparent des pratiques traditionnelles de solidarité et de transfert de risque (tontine, groupe d’entraide, etc.) comme si elles étaient fondées sur les mêmes principes que l’assurance. Pourtant, dans les pratiques de tontine, c’est le montant qu’on cotise qu’on retire obligatoirement, ce qui n’est pas le cas dans l’assurance, où pour l’assuré le payement de primes n’entraine pas d’office une indemnisation. Cette différence constitue un obstacle à l’adhésion ou à la souscription à une assurance par une certaine frange de la population. La Direction des Assurances du Bénin considérait d’ailleurs que ces pratiques traditionnelles étaient une menace à la souscription à l’assurance [21].

Selon l’analyse de Kamega, A., la solidarité traditionnelle, faite de générosité et transmise de génération en génération, est une valeur morale et sociale essentielle, au même titre que l’assurance qui est désormais une obligation morale et sociale ; en ce sens que la solidarité traditionnelle et l’assurance peuvent toutes deux faire face au risque; et surtout qu’elles désignent plutôt aujourd’hui pour l’Homme une façon d’être collectif ou solidaire en société

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[44]. Toutefois, s’il est reconnu dans les sociétés occidentales que l’hospitalité ou la solidarité exclut tout parasitisme, pour ainsi rester cohérente avec l’équilibre des systèmes de solidarité socioéconomiques présentes [44], qui semble avoir permis le développement des assurances, il importe de noter la dichotomie entre les contextes de l’Afrique Subsaharienne et de l’occident. C’est dire que face à une solidarité susceptible de s’estomper au fil des années [45;44] – tend à se manifester plus au sein de la sphère privée et s’illustrer notamment par le déclin de la solidarité spontanée (solidarité familiale intergénérationnelle) et par le développement de la solidarité organisée (solidarité communautaire intra générationnelle, à travers des associations et tontines) – alors qu’elle rassurait les individus en ce qui concerne leur protection et leur sécurité à travers les aides matérielles ou financières qu’elle pouvait apporter en cas d’événement heureux ou malheureux [44]. D’autant plus que ces changements sociaux et l’évolution de la société ont maintenu, voire fortifié, certaines formes de solidarité organisées telles que les tontines – système d’entraide populaire d’épargne ou de crédit – qui sont des associations ou regroupements de solidarité d’ordre familial, régional, socioprofessionnel, amical, linguistique, etc.; et parce qu’ils ont l’avantage de fournir des services financiers de manière extrêmement souple, tout en maintenant un respect des traditions et coutumes (à travers leur mode de fonctionnement, leurs fêtes annuelles généralement organisées, leur mode de célébration d’événements, etc.) [44] ; le fait de ne pas exploiter ces opportunités, pose un problème d’incapacités à s’appuyer sur ce qui existe, surtout quand on est pauvre, pour construire de nouveaux produits de micro assurance et de protection sociale.

Faiblesses et menaces de l’environnement de la micro assurance climatique

Au nombre des faiblesses, on peut noter : des croyances et perceptions des populations par rapport aux risques et à l’assurance, des perceptions et attitudes ou de la psychologie des assurables vis-à-vis de la mort, des incapacités des acteurs à transformer leurs faiblesses en forces et les menaces en opportunités, des incapacités des acteurs à organiser et exploiter le potentiel du secteur informel, de l’inexploitation des opportunités qu’offre le marché international, du manque de sincérité des commerciaux, de la non application de stratégies de prévention, les conflits après la souscription, les effets multiplicateurs des ruptures de contrats, de l’absence de subventions et de la mauvaise organisation administrative des assureurs [21].

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Quant aux menaces on peut retenir : les produits inadaptés, la routine, l’absence d’innovation et de diversification des produits, la quête de profits trop importants au détriment de la clientèle, les mauvaises prestations des compagnies présentes et la frustration des clients, la corruption qui fait passer les dédommagements comme une faveur et non un droit des assurés ; la persistance de perceptions négatives, la concurrence déloyale entre compagnies, la faible implication de l’État et absence de subventions, l’absence d’intégration de la micro assurance dans les autres secteurs comme instrument de transfert de risques, la régression de la solidarité et la pauvreté ou la faiblesse du revenu. D’un point de vue plus global, les problèmes que pose la protection sociale ne semble pas non plus des moindres.

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