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2.2.1 Phase d’observation

Le recours aux simulations multi-agents participatives est une réponse à un pro- blème posé par la notion d’agent. En plus du malaise relevé par Carl Hewitt, dû à l’absence de consensus, cette notion pose un problème aux chercheurs en intelligence artificielle parce qu’ils programment leurs agents. Le concepteur de l’entité logicielle qu’est un agent, a du mal à trouver sa création autonome, pro-active ou guidée par un but parce qu’il a lui-même écrit le code déterministe et inerte qui régit les actions de l’agents. Il semble y avoir une coupure entre la notion d’agent dans la littérature et la réalité de la chose [Drogoul et al., 2002].

Le problème est encore plus criant lorsqu’il s’agit d’un agent réactif, très simple, dont le fonctionnement peut être résumé par un diagramme. Par exemple, la figure 2.1 représente quatre étapes de l’évolution d’un système multi-agents. Le comportement des agents “termites” qui constituent ce système peut être résumé par la figure 2.2.

FIG. 2.1: 4 étapes du rassemblement des jetons par les agents “termites”

FIG. 2.2: Automate représentant le fonc- tionnement d’un agent “termite”

Dans un environnement toroïdal donné avec des jetons répartis aléatoirement, une population de tels agents rassemble tous les jetons en un seul tas (figure 2.1).

La coupure entre, d’une part, le fonctionnement déterministe parfois très simple des agents et, d’autre part, ce qu’ils représentent pour les chercheurs qui tentent de les doter de relations de confiance ou de réputation, se retrouve classiquement à chaque fois que des chercheurs ont recours aux simulations informatiques. Deborah Dowling explique que le processus de simulation d’un phénomène par ordinateur suppose deux phases distinctes [Dowling, 1999]. La première phase consiste en la nécessaire mise en place des détails de la simulation, en codant les comportements individuels. La seconde phase, dite phase d’observation, consiste à faire abstraction des détails internes de la simulation, en considérant la simulation comme une boîte noire.

Lorsqu’Alexis Drogoul, Thomas Meurisse et Diane Vanbergue se demandent lé- gitimement “Où sont les agents ?”, ils regardent les détails internes, tels le diagramme représenté figure 2.2, et ils n’y voient ni l’autonomie, ni la pro-activité des agents qu’ils ont codés [Drogoul et al., 2002]. Ces propriétés ne sont visibles que lors de la phase “boîte noire” de la simulation. Ces propriétés, malgré l’anthropomorphisme de la no- tion d’agent, appartiennent exclusivement à la réalité qu’il s’agit de reproduire ou de mimer. Parce qu’ils en sont les concepteurs, les informaticiens s’intéressent d’abord aux

mécanismes et aux rouages des systèmes multi-agents, et non pas à l’interprétation qu’il est possible de faire de leur évolution lorsqu’on les observe en faisant abstraction des détails internes.

En d’autres termes, les agents donnent l’illusion d’agir tant qu’il est fait abstraction des mécanismes déterministes qui les meuvent.

2.2.2 La simulation multi-agents participative comme système multi-agents idéal

Les simulations multi-agents participatives sont une réaction à ce problème posé par la notion d’agent. Les agents des simulations multi-agents participatives qui sont contrôlés par des humains possèdent toutes les propriétés désirées des agents. Il n’y a aucune illusion puisque la réalité qu’il s’agit d’explorer, de modéliser ou de reproduire, est invitée dans le système.

En plaçant les joueurs au cœur de systèmes multi-agents, je ne restreins que leur mode de communication. Les interactions prennent la forme des interactions entre agents logiciels. Lorsque le canal de communication est suffisamment large, les agents que les joueurs contrôlent via l’interface graphique des différentes applications sont capables de s’adapter aux problèmes posés, et d’élaborer des stratégies collectives pour les résoudre (cf. chapitre 5).

Bien sûr, les agents qui reproduisent les comportements observés en laboratoire lors des expériences de simulations multi-agents participatives sont évidemment dé- terministes. Mais en effectuant des expériences avec des humains, le caractère illusoire de l’idée qu’il est possible de reproduire à l’identique l’intelligence sociale à l’œuvre lors des expériences, est d’autant plus criant. Cette méthode ne vise pas à reproduire toute l’intelligence sociale : les systèmes qui peuvent être conçus à l’aide des simulations multi-agents participatives se contentent de reproduire certains mécanismes observés, en les simplifiant pour les adapter aux problèmes posés. Le système multi-agents que j’ai créé à partir des expériences de simulations multi-agents participatives SimCafé, ne reproduit qu’une toute petite part des comportements des joueurs, mais cette part se révèle plus efficace que le modèle initial pour résoudre le problème donné (cf. cha-

pitre 7). La raison pour laquelle les simulations multi-agents participatives constituent un outil efficace, est qu’il n’est pas envisageable de reproduire la totalité des facul- tés des participants ; il s’agit de les confronter à un problème donné, pour observer les comportements sociaux mobilisés pour le résoudre, afin d’en reproduire des éléments. En d’autres termes, parce que les simulations multi-agents participatives sont des systèmes multi-agents idéaux (avec des humains pro-actifs, autonomes, intelligents, etc.), elles sont capables de résoudre des problèmes complexes et il est possible d’imi- ter les capacités de résolutions mobilisées.