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L’analyse d’enregistrements de comportements collectifs, tels que la formation de coalitions sur le marché du café, montre que les machines de Mealy, et par conséquent les programmes Q, ne sont pas les modèles les plus simples des interactions. Les pro- grammes Q qui reproduisent certains types d’interactions sont inutilement compliqués.

6.3.1 Machines de Mealy en parallèle

Le modèle des cues, qui est un modèle fondé sur la réaction à un stimulus, corres- pond bien aux interactions. Le problème se situe dans la gestion de plusieurs stimuli en parallèle. Lorsqu’un joueur tente de former une coalition, il va négocier avec plu- sieurs autres joueurs en même temps. Cette négociation prend la forme de plusieurs interactions menées en parallèle.

FIG. 6.10: Paillasson “irasshaimase” de combini

Le langage Q et les machines de Mealy ne permettent pas de décrire un compor- tement pourtant plus simple que celui de l’initiateur de coalitions : le comportement de l’employé du combini. Les combini (dérivé de l’anglais convenience store) sont des

magasins japonais ouverts 24h/24 qui vendent toutes sortes de biens et de services, de l’épicerie à la teinturerie. Comme dans la plupart des magasins au Japon, les em- ployés des combini souhaitent la bienvenue aux clients qui entrent avec une formule consacrée, parfois inscrite jusque sur le paillasson : irasshaimase (いらっしゃいませ, figure 6.10). La formule est prononcée quelle que soit l’activité de l’employé lorsque le client entre : encaissement, réassort, relations avec les fournisseurs, etc. Dans mon quartier, un des combini est tenu par une famille qui finit par avoir une relation parti- culière avec le voisinage. Lorsque le client est un habitué, la formule consacrée, qui est accompagnée d’un regard pour voir qui entre dans le magasin, est suivie d’un bonjour ou bonsoir cordial et souriant.

un client veut payer aller à la caisse

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un client entre (sonnette) dire いらっしゃいませ

sinon le client est un habitué

dire bonjour

un client entre (sonnette) dire いらっしゃいませ

sinon le client est un habitué

dire bonjour

FIG. 6.11: Modélisation “Mealy” des interactions de l’employé du combini

Ces interactions se modélisent assez difficilement avec une machine de Mealy. Pour les modéliser, il faut doubler chaque état et ajouter une transition supplémentaire. La figure 6.11 représente une telle machine de Mealy. En revanche, ces interactions peuvent se modéliser beaucoup plus simplement si on a recourt à plusieurs machines de Mealy fonctionnant en parallèle (figure 6.12).

L’exemple très simple de l’employé du combini donne un aperçu de certaines pro- priétés qui manquent au langage Q pour qui souhaite modéliser les interactions dans le cas des simulations multi-agents participatives. De la même manière que l’employé du combini réagit de manière spécifique à des stimuli tels que remarquer qu’un client veut payer ou entendre la sonnette de la porte, les agents impliqués dans des compor-

un client veut payer aller à la caisse

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un client entre (sonnette) dire いらっしゃいませ

sinon le client est un habitué

dire bonjour

FIG. 6.12: Plusieurs machines de Mealy pour modéliser les interactions de l’employé du combini

tements collectifs ont des réactions spécifiques à certains messages. Dans SimCafé, les joueurs, tout en poursuivant leurs négociations, redémarraient la production de café à chaque fois que l’interface graphique leur indiquait qu’une production venait de se terminer.

Les réactions sont parfois conditionnées par l’état de l’agent. Par exemple, l’em- ployé du combini ne dira pas irasshaimase lorsqu’il est au téléphone. De la même manière, un joueur ne relancera pas la production de café s’il n’a plus de café cereza à transformer en café pergamino.

6.3.2 Extension de Q

Le langage Q a plusieurs propriétés qui en font le candidat idéal pour décrire les interactions entre les joueurs des simulations multi-agents participatives [Ishida et Fuku- moto, 2002; Ishida, 2002]. Par exemple, le fait de ne pas se fonder sur les motivations ou les stratégies des joueurs permet de ne pas interpréter ce que font les joueurs à partir d’un modèle informatique inadapté. Il n’est pas question avec Q de prêter aux joueurs des motivations ou des objectifs ni même un modèle calculable a priori de leur comportement. Un autre avantage est l’extrême lisibilité des cartes d’interaction qui

regroupent, sous forme de scènes, les interactions en fonction de leurs contextes. L’exemple du combini ainsi que l’analyse des enregistrements des simulations multi- agents participatives montrent qu’il faut ajouter à Q la possibilité de gérer plusieurs actions en parallèle. Pour créer des scénarios qui peuvent être interprétés de ma- nière déterministe, le langage pourrait par exemple inclure des nœuds activate qui reprennent le principe des nœuds go. Ces nœuds activeraient des réactions qui se feraient en parallèle d’un autre comportement. Ces réactions devraient pouvoir être inhibées avec des nœuds deactivate.

L’idée d’une telle extension a été discutée avec les membres de l’équipe de Toru Ishida qui travaillent sur l’interprète Q. Sa mise en œuvre requiert de complètement ré-écrire une large part de l’interprète. Pour ajouter la possibilité de réactions en pa- rallèle, il faut modifier le cœur du processeur Q. Il faut également que le nœud guard soit conforme à la spécification du langage, et ne procède pas par attente active et interrogation séquentielle des cues comme c’est actuellement le cas.

À l’heure actuelle, l’ajout de ces extensions à Q est toujours en discussion.

6.4

Conclusion : trois propriétés de la modélisation informatique