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Liste des tableaux

II. HISTORIQUE DE LA TUBERCULOSE

2. Immunopathologie oculaire

2.3. Privilège immunologique de l’œil

Lřœil est un exemple classique de site immunologiquement privilégié. Le privilège immunologique permet de limiter les réponses immunes qui aboutissent à lřinflammation oculaire et ainsi préserve lřintégrité de lřaxe visuel et protège contre la cécité. Le privilège immunologique de lřœil repose sur des phénomènes actifs et passifs, sur des mécanismes centraux (tolérance centrale au niveau du thymus) et périphériques (tolérance périphérique, cellules régulatrices circulantes).

2.3.1. Séquestration des antigènes rétiniens

La séparation des antigènes rétiniens est un phénomène passif et elle est assurée par lřexistence dřune barrière hémato-oculaire, qui est constituée par lřépithélium pigmentaire de la rétine et les cellules endothéliales vasculaires rétiniennes [55, 56].

2.3.2. Immunosuppression locale

Les lymphocytes, les cellules NK (Natural Killer), les macrophages et les polynucléaires qui infiltrent lřœil pénètrent dans un milieu intraoculaire qui empêche leur activation et leur fonction selon plusieurs mécanismes :

-Inhibition par contact direct entre les lymphocytes infiltrant lřoeil et les cellules résidentes des tissus oculaires (cellules gliales de Müller de la rétine, cellules de lřépithélium pigmentaire de la rétine, cellules de lřépithélium de lřiris/corps ciliaire et cellules de lřendothélium cornéen).

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-Protéines et peptides immunosuppressifs produits localement dans les fluides oculaires [57] :

Des molécules immunosuppressives sont produites localement dans les fluides oculaires:

Transforming Growth Factors (TGFβ1 et β2), Vasoactive Intestinal Peptide (VIP), cortisol, α-Melanocyte-Stimulating Hormone (α-MSH), Calcitonin Gene-Related Peptide (CGRP), somatostatine et thrombospondine.

Ces molécules associées aux membranes comme TGFβ, galectine-1et thrombospondine ainsi que les interactions B7/CTLA-4 et Fas/ FasL inhibent lřactivation des lymphocytes :

-Mécanisme dřaction de Fas/FasL est lřélimination par apoptose des lymphocytes T activés portant à leur surface la protéine Fas, au contact de FasL exprimé sur les cellules parenchymateuses de la rétine et de lřuvée et au contact de FasL libre dans lřhumeur aqueuse au cours de lřuvéite antérieure. En effet, les cellules apoptotiques sont tolérogéniques et renforcent la tolérance au soi. Au cours du renouvellement naturel des cellules induit par apoptose, les cellules mortes entreraient dans le système de présentation dřantigènes et entraîneraient la délétion périphérique des cellules T réactives au soi.

-La protéine Programmed Death 1 (PD-1) est un récepteur appartenant à la famille CD28/CTLA-4 exprimé sur les thymocytes activés, les cellules T et B et les cellules myéloïdes. PD-1 a deux ligands : le Programmed Death Ligand 1 (PD-L1) et le Programmed Death Ligand 2 (PD-L2). PD-L1 et PD-L2 sont des glycoprotéines transmembranaires appartenant à la famille B7. PD-L1 est détecté dans les yeux normaux, notamment au niveau de lřépithélium, de lřendothélium cornéen, de lřiris/corps ciliaire et de lřépithélium pigmentaire de la rétine. PD-L1 contrôle lřinflammation oculaire en inhibant la production de cytokines pro-inflammatoires et de type Th2 par les cellules T activées.

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a b c

Figure 17: Expression de FasL dans le globe oculaire d’une souris normale B10-A a. Expression de FasL au niveau de l’épithélium de la cornée (pointe de flèche), des kératocytes

du stroma (astérisque) et de l’endothélium cornéen (flèche). b. FasL au niveau de l’épithélium des procès ciliaires (flèche). c. Toutes les couches de la rétine expriment FasL, ainsi que l’épithélium pigmentaire de la rétine (pointe de flèche). Coupes au cryostat, anticorps polyclonal

de lapin anti-FasL suivi d’un anticorps anti-lapin conjugué à la rhodamine. C, cornée ; CC, corps ciliaire, R : rétine. [57]

2.3.3. Immunosuppression systémique

2.3.3.1. Déviation immunitaire associée à la chambre antérieure

La chambre antérieure possède une immunité particulière appelée la déviation immunitaire associée à la chambre antérieure (ACAID). Lřhumeur aqueuse contient de nombreux immuno-modulateurs comme lřhormone stimulant les mélanocytes alpha (Alpha-melanocyte-stimulating hormone : α-MSH), le polypeptide vasoactif intestinal (Vasoactive intestinal polypeptide : VIP), le cortisol, le peptide lié à la calcitonine (CGRP), le facteur dřinhibition de migration des macrophages (MIF), la somatostatine, le récepteur antagoniste à lřIL-1 ou le TGF-β. Lřα-MSH, le TGF-β et le CGRP vont agir sur les macrophages. LřαMSH supprime la production de formes réactives dřoxygène et induit la sécrétion dřIL-10. Le TGF-β et lřα-MSH suppriment leur activation et le TGF-TGF-β supprime la production dřIL-12. Quant au CGRP, il inhibe la production dřoxyde nitrique. Au niveau des CPAs, le TGF-β et lřα-MSH inhibent la synthèse des signaux nécessaires à lřactivation des lymphocytes T auxiliaires 1. Le TGF-β provoque la production de lřIL-10 ce qui induit une inhibition de la réponse inflammatoire. De plus, il est nécessaire au maintien du statut immature des CPAs dans le centre de la cornée. Lřα-MSH supprime les fonctions effectrices des PNNs. La production et

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lřactivation des cellules Natural Killer sont inhibées par les TGF-β et leur activité de lyse cellulaire par le MIF. Le TGF-β et lřα-MSH vont convertir les lymphocytes T auxiliaires qui entrent dans la chambre antérieure en lymphocytes T régulateurs et inhibent lřactivité suppressive des lymphocytes T. La VIP, la somatostatine et le TGF-β suppriment la capacité de prolifération des lymphocytes T. Lřα-MSH inhibe la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires comme lřinterféron gamma (IFN-γ) par les lymphocytes T. Le récepteur antagoniste de lřIL-1 est sécrété par les cellules épithéliales et stromales de la cornée en réponse à lřIL-1 et pour en limiter les actions. Chacun de ces immunomodulateurs agit seul ou en synergie avec dřautres afin de supprimer en partie la réaction immunitaire innée et la réaction dřhypersensibilité retardée. Le complément est toujours activé à bas bruit dans la chambre antérieure. Cette activation est nécessaire pour le maintien du privilège immunitaire de lřœil. En effet, le complexe iC3b active la sécrétion des cytokines TGF-β et IL-10 par les cellules présentatrices dřantigène. Cependant, lřactivation du complément est finement régulée par la présence de protéines régulatrices du complément (CRPs) comme la protéine cofacteur de membrane (MCP ou CD46), la protéine inhibant le complexe dřattaque membranaire (CD59) ou le DAF (CD55). LřACAID est une réponse immunitaire systémique déviée. Lors de lřintroduction dřun antigène dans la chambre antérieure, les cellules présentatrices dřantigène locales vont le capturer. Les CPAs vont ensuite migrer vers la zone marginale de la rate par la voie systémique. Elles vont alors présenter lřantigène aux cellules de lřimmunité induisant ainsi lřactivation des cellules lymphoïdes. Les CPAs vont sécréter une chimiokine, la MIP2 (macrophage inflammatory protein 2) qui va recruter des cellules Natural Killer. Les CPAs et les cellules Natural Killer vont créer un microenvironnement riche en TGF-β et en IL-10. Ce phénomène va conduire à la formation de lymphocytes B sécrétant des anticorps ne fixant pas le complément et surtout de deux populations de lymphocytes T régulateurs, la population afférente de lymphocytes T régulateurs CD4 + et la population efférente de lymphocytes T régulateurs CD8 +. La première population va supprimer lřactivation des lymphocytes T auxiliaires 1 et donc la réaction dřhypersensibilité retardée au sein des organes lymphoïdes secondaires. La deuxième va inhiber lřaction des lymphocytes T auxiliaires 1 et 2, directement dans la chambre antérieure, évitant ainsi une réaction inflammatoire[58].

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2.3.3.2. Déviation immunitaire associée à la cavité vitréenne [57]

Le segment postérieur de lřœil bénéficie aussi du privilège immunologique et les antigènes placés dans lřespace sous-rétinien ou dans le corps vitré déclenchent eux aussi une réponse immunitaire systémique déviée (figure 18). Des macrophages chargés dřantigènes migrent depuis le vitré vers la rate et induisent une tolérance systémique [38]. Les hyalocytes, qui sont des cellules présentes dans le vitré de souris normale, distribuées à la surface de la rétine, expriment F4/80, ce qui suggère quřelles pourraient être des cellules présentatrices dřantigènes responsables du VCAID.

Figure 18: Migration et réponse immune déviée induite par des cellules présentatrices d’antigènes ou des antigènes libres au cours de l’ACAID et du VCAID

ACAID ou VCAID surviennent lorsque des antigènes provenant de tissus oculaires circulent, soit phagocytés par les cellules présentatrices d’antigènes oculaires soit sous forme libre selon deux voies de drainage. La voie de drainage conventionnelle aboutit à la rate, où ces cellules présentatrices d’antigènes rencontrent dans la zone marginale des cellules NKT qui, lorsqu’elles

sont activées, produisent des facteurs immunosuppresseurs, tels que TGFβ et IL-10, ce qui résulte en la génération de cellules T CD4 + et CD8+ régulatrices. La voie de drainage non conventionnelle (voie de drainage uvéosclérale de l’humeur aqueuse), via les lymphatiques

conjonctivaux, aboutit aux ganglions lymphatiques de la tête et du cou. Il en résulte la suppression de l’induction et de l’expression de lymphocytes Th1, Th17 et Th2 et la protection

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VCAID et ACAID exigent la présence de cellules présentatrices dřantigènes oculaires et de cellules NKT CD1d-restreintes qui, lorsquřelles sont activées, produisent des facteurs immunosuppresseurs, tels que TGFβ et IL-10.