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MARC IVALDI, Toulouse School of Economics

Les aéroports de province jouent un rôle important pour l’accessibilité des territoires, avec une quarantaine d’aéroports ayant un trafic supérieur à 200000 passagers par an. L’aéroport de Nice-Côte d’Azur dépasse les onze millions de passagers, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence et Toulouse- Blagnac venant ensuite avec des trafics dépassant les sept millions, puis une dizaine d’autres aéroports, qui dépassent le million. Le plus souvent, ceux-ci ont connu des évolutions de leurs trafics sur longue période supérieures à celles des aéroports parisiens.

Dans une vision économique traditionnelle, ces aéroports sont considérés comme un service public, pour les besoins des compagnies aériennes. Cette conception avait conduit à privilégier partout dans le monde une gouvernance publique : l’aéroport est propriété publique, il est régulé et géré par une autorité publique.

Cependant, des modèles alternatifs de concession sont apparus et la question de la privatisation des aéroports des grandes métropoles françaises est posée, l’Etat envisageant de céder sa participation dans certains d’entre eux. Celle-ci s’élève en général à 60%, les Chambres de commerce et d’industrie en détenant 25% et les Collectivités locales 15%.

Un premier projet avait été élaboré en 2011, qui envisageait à terme la privatisation de l’ensemble des plus grands aéroports, avec une première étape qui aurait mis sur le marché ceux de Lyon, Toulouse, Bordeaux et Montpellier. Le sens de l’arrivée d’investisseurs privés a alors fait débat, notamment pour les collectivités locales, ce qui a conduit à l’abandon du projet.

Il est repris aujourd’hui avec des modalités différentes, le Gouvernement ayant choisi de procéder aéroport par aéroport, en commençant par Toulouse. Mais il suscite des inquiétudes des collectivités territoriales de la région toulousaine. Celles-ci sont-elles légitimes ? Faut-il privatiser l’aéroport de Toulouse ?

Pour répondre à ces questions, il faut les replacer dans leur contexte économique.

La performance de la gestion aéroportuaire en question

La libéralisation du transport aérien a eu comme conséquence indirecte de soulever la question de l’efficacité de la gestion des aéroports, pour au moins deux raisons. D’une part, les compagnies aériennes, soumises à une concurrence très intense, cherchent à baisser leurs coûts d’exploitation qui comprennent les charges d’accès aux aéroports comme les redevances d’atterrissage et les frais d’utilisation des infrastructures aéroportuaires. D’autre part, le trafic aérien connaît une croissance forte et soutenue, qui favorise la congestion des aéroports et de l’espace aérien, ce qui se traduit par des retards qui, à leur tour, occasionnent des coûts pour les compagnies aériennes.

A tort ou à raison, ce contexte a conduit à faire porter la responsabilité de l’augmentation des charges et contraintes aéroportuaires sur la gestion publique des aéroports, l’idée étant que le maintien d’une gestion administrée de ces équipements empêchait de tirer tous les bénéfices de l’ouverture des marchés. Ceci a déclenché un mouvement de privatisation des aéroports en Angleterre, en Australie, en Nouvelle Zélande et au Canada. Ainsi les aéroports londoniens (Heathrow, Gatwick and Stansted) ont été privatisés. Au passage le désengagement des Etats leur a permis de disposer de moyens financiers pour investir dans d’autres domaines.

Les études empiriques sur l’impact de la privatisation des aéroports sont cependant ambiguës : certaines concluent que les prix d’accès aux aéroports ont ainsi baissé tandis que, pour d’autres, ces prix auraient augmenté du fait la privatisation. Des travaux théoriques et empiriques plus récents proposent une explication à cette ambiguïté.

L’économie des aéroports

Les économistes considèrent maintenant les aéroports comme des plateformes bifaces qui font rencontrer deux types d’utilisateurs, les compagnies aériennes d’un côté et les voyageurs d’un autre côté.

Des plateformes bifaces, il y en a partout : les moteurs de recherche sur Internet, les smartphones, les cartes de crédit. Dans ce type de structure, il y a une double interaction : plus il y a d’offre de liaisons aériennes proposées par les compagnies aériennes présentes à un aéroport, plus il y a de voyageurs utilisant les services de l’aéroport, comme les parkings ou les restaurants ; mais plus il y a de voyageurs, plus il y a d’incitations à élargir l’offre de liaisons aériennes. Cette double externalité a une conséquence : les redevances payées par les compagnies aériennes pour l’utilisation des infrastructures aéroportuaires ne sont pas indépendantes des prix payés par les utilisateurs pour utiliser les services de l’aéroport. Et vice-versa.

Or nos travaux empiriques sur les aéroports américains, qui, eux sont restés publics, montrent que les autorités aéroportuaires appliquent une tarification des services aéronautiques (atterrissage, parking sur le tarmac, etc) indépendante ou ressortant d’une logique économique différente de celle utilisée pour les services non-aéronautiques (comme le prix des parkings). De fait, les aéroports publics s’adaptent au principe de la « double-caisse » qui préconise de ne pas prendre en compte les revenus commerciaux dans la régulation des services aéronautiques. C’est la cause d’inefficacités économiques puisque cette approche n’intègre pas les externalités croisées.

L’efficacité des structures tarifaires

Parce que les aéroports privatisés ont pour objectif de maximiser leurs profits pour accroître leurs investissements et ainsi maintenir leur rang dans la concurrence entre aéroports, ils sont incités à proposer une tarification cohérente des services aéronautiques et non-aéronautiques prenant en compte la double externalité décrite ci-dessus.

Si la privatisation peut apporter de l’efficacité au travers d’une meilleure gestion, il ne faut pas oublier cependant qu’il y a un risque de monopolisation et d’abus de position dominante de la part d’une infrastructure qui n’est pas toujours soumis à une concurrence d’autres aéroports. Il y a donc des raisons pour que la puissance publique mette en place, au travers d’une autorité de régulation indépendante, des mécanismes de prix plafond pour inciter l’aéroport privatisé à ne pas pratiquer des prix trop hauts tout en lui permettant de bénéficier de ses gains de productivité. Pour se faire, l’autorité devrait suivre le principe de la « caisse simple » qui correspond mieux au « business model » des aéroports et qui consiste à tenir compte des revenus commerciaux dans la régulation des tarifs des services aéronautiques.

Soumis à ce type de régulation, au contrôle à posteriori de l’autorité de la concurrence ou faisant face éventuellement à des aéroports concurrents prêts à lui voler son trafic, la privatisation des aéroports peut se révéler une opération bénéfique pour tous les acteurs : l’Etat, les propriétaires et surtout les utilisateurs.

L’enjeu mérite d’être pris en considération pour l’aéroport de Toulouse, qui est un des facteurs clés de l’attractivité de la Région Midi-Pyrénées et de la future région qui verra le jour après la fusion avec la Région Languedoc-Roussillon.

ETAT DES LIEUX DES INFRASTRUCTURES D’EAU POTABLE