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CHAPITRE II : Etude de l'activité glutamatergique dans le cortex préfrontal médian chez un modèle

A. Privation automatique de SP

La grande majorité des études de privation de SP utilisent la technique du « pot de fleur inversé » comme méthode de privation, pour des durées allant jusqu’à 72h (McDermott et al., 2003; Renouard et al., 2015). Cette méthode a de nombreuses fois été remise en cause, principalement en raison du stress d’immobilisation engendré par ce protocole. Elle a été souvent améliorée notamment par l’ajout de deux autres plateformes permettant à l’animal de bouger. Cependant, dans ces conditions, le niveau de stress reste élevé à cause de la présence d’eau autour des plateformes (Clément et al, 2012). Le stress étant lui-même un important modulateur de la mémoire, l’interprétation du rôle du SP dans la mémoire dans les études utilisant cette méthode de privation se trouve donc être biaisée.

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En conséquence, des méthodes alternatives de privation plus douces ont été développées ces dernières années. Des méthodes de privation ont été utilisées comme l’enrichissement de l’environnement par de nouveaux objets (Vyazovskiy et al., 2007). En effet, dans un tel environnement, l’animal, stimulé par la nouveauté, passe beaucoup plus de temps à explorer qu’à dormir. Néanmoins, ce protocole a également des inconvénients et il ne permet pas de faire une privation sélective de SP. Pour la privation sélective de SP, trois méthodes ont été récemment proposées : 1) la méthode de gentle handling utilisée dans une précédente étude de notre équipe (Ravassard et al., 2016), 2) celle développée dans les études de Datta (Datta et al., 2004) et 3) la méthode de privation automatique développée au laboratoire (Libourel et al., 2015) et utilisée pour l’étude décrite dans cette thèse. Les méthodes 1) et 3) de Ravassard et Libourel sont comparables puisqu’elles consistent à appliquer une légère secousse sur la cage de l’animal lorsque celui-ci entre en SP. Cependant, la privation automatique, par définition, ne nécessite pas la présence d’un expérimentateur qui pourrait être une source de stress ou de bruits parasites gênant pour le sommeil de l’animal. La méthode automatique n’entraîne pas d’augmentation de la concentration plasmatique de corticostérone après 48h de privation, ce qui suggère fortement qu’il s’agit d’une méthode non stressante (Arthaud 2017, en préparation). Néanmoins, nous ne pouvons pas exclure que les premières heures de privation puissent engendrer un stress, qui disparaitrait ensuite lorsque les animaux s’habituent aux secousses. Nous prévoyons de déterminer la concentration de corticostérone plasmatique après une privation courte de 6h. Dans l’étude de Ravassard et al, la quantification de la cortisone plasmatique ne montre cependant d’augmentation de cette hormone après 4h de privation. Deux observations suggèrent que la méthode de privation que nous avons utilisée est peu ou pas stressante sur une courte période. La première est que les animaux présentent une latence d’endormissement de seulement quelques secondes après une secousse. La deuxième observation est que notre protocole de privation n’a causé aucun effet sur les performances comportementales ou l’activité cérébrale des animaux lors du rappel 24h après le conditionnement. Un stress intense aurait certainement entrainé des modifications de l’un ou l’autre de ces paramètres (Uwaya et al., 2016).

La méthode automatique repose sur un décodage presqu’en direct des signaux EEG et EMG sur des époques de 1 seconde pour l’attribution des états de vigilance. Le caractère

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probabiliste de l’attribution des états de vigilance peut amener une confusion si la qualité des signaux subit de légères modifications au cours des enregistrements de longue durée. Dans notre étude en particulier, à la période de conditionnement, les enregistrements sont arrêtés. Cette procédure peut entraîner une légère modification du signal, notamment EMG, qui peut altérer la discrimination de ces états par le logiciel de détection automatique, notamment celle entre éveil et SP (car l’EEG est similaire entre ces deux états). Ainsi cette méthode comporte plus de risques de non spécificité de la privation que la méthode manuelle qui repose sur l’expertise de l’expérimentateur. Ceci peut parfois conduire à une légère privation de SL, comme nous avons pu l’observer dans certaines de nos expériences (figures 22 et 23). Malgré tout l’ensemble de nos résultats montrent l’efficacité ainsi que la spécificité importante de cette penthode de privation.

Les méthodes de privation de SP ne permettent pas à elles seules de disséquer la fonction mnésique du SP. Une approche complémentaire est l’approche corrélationnelle, très utilisée chez l'Homme et maintenant chez les rongeurs (Datta, 2000, 2004; Fraize et al., 2016; van der Helm et al., 2011; Nishida et al., 2009; Popa et al., 2010), qui permet de mettre en évidence des liens éventuels entre différents paramètres du sommeil et du comportement. Nous l’avons utilisée pour certains aspects de notre étude (figure 1 de l'article ; figures 19 et 20). Cette approche repose sur les variabilités interindividuelles et a l’avantage de permettre l’étude d’un sommeil de base, en l’absence de mécanismes de régulation homéostatique subséquents à la privation. Les autres stades de sommeil peuvent en effet être modifiés par une privation de SP, même si celle-ci est non stressante et spécifique. C’est ce que suggèrent nos résultats concernant l’étude du sommeil de transition (ST) dont la quantité est corrélée aux performances des animaux seulement en cas de privation de SP, suggérant un effet compensateur de ce stade de sommeil (figure 19). Cependant les études corrélatives ne permettent pas de mettre en évidence un lien causal entre deux paramètres. Une méthode alternative est la manipulation de certains processus pendant les épisodes de SP, qui permet alors de mettre en évidence un lien causal entre un paramètre particulier du SP et l’objet de l’étude (performances mnésiques par exemple). L’outil optogénétique est très bien adapté à ce type d’étude comme le montre l’étude récente de Boyce et collaborateurs dont nous avons déjà parlé dans ce manuscrit (Boyce et al., 2016). Boyce et ses collaborateurs ont réalisé une inhibition des oscillations de rythme thêta au cours du SP grâce à l’inhibition

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optogénétique des interneurones du septum. Cette inhibition provoquait une altération des performances lors du rappel d’un CPc 24h après le conditionnement. Ces résultats mettent donc en évidence un lien causal entre oscillations thêta du SP et consolidation d’un CPc, même s’il est possible que l’absence de ces oscillations modifie également d’autres paramètres du SP, comme sa neuromodulation particulière. Cette approche pourrait être mise en place pour étudier plus précisément le rôle du SP dans la consolidation systémique de mémoires émotionnelles anciennes qui était l’objet de cette thèse.