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Chapitre II : Comportement des poches de gaz en régime quasi-statique

II.3. Le modèle de la crevasse en régime quasi-statique

II.3.2. Prise en compte de la pression hydrostatique

Jusqu'ici, les effets hydrostatiques ont été négligés. En réalité, en plus du niveau de saturation du liquide, la pression hydrostatique doit être prise en compte pour pouvoir déterminer les conditions de stabilité d'une bulle ou d'une poche de gaz dans une crevasse. Le cas général d'une cavité de gaz, qui peut être une bulle ou une poche de gaz dans une crevasse, située à une profondeur hL dans un liquide non saturé est maintenant considéré.

La pression interne pi dans la cavité de gaz est la somme de la pression partielle du gaz

pG et de la pression de vapeur du liquide pv :

pi = pG + pv. (II.16)

L'équilibre des contraintes normales s'exerçant sur l'interface de la bulle s'exprime grâce à l'équation de Laplace :

pi = pL(hL) + pγ (II.17)

pL(hL) désigne la pression du liquide à la profondeur hL. L'égalité des équations (II.16) et

(II.17) et l'utilisation de la relation (II.3) donne :

pG + pv = pL(0) + ρghL + γLV C (II.18)

Dans ce cas général, le même raisonnement que celui du § II.2.2.2 peut être tenu et la relation (II.13) peut être utilisé. L'introduction de (II.13) dans (II.18) et l'utilisation des relations (II.1) et (II.7) permet d'obtenir :

LV L g gh p C

γ

ρ

σ

− = . (II.19)

Atchley et Prosperetti [Atc89] ont négligé les effets hydrostatiques, ce qui revient à considérer hL = 0. Dans ce cas, la relation (II.19) équivaut à la relation (II.14). Lesueur

[Les04], quant à elle, a négligé les effets du niveau de saturation du liquide, ce qui revient à imposer

σ

= 0 dans l'équation (II.19), c'est-à-dire à considérer le liquide comme saturé.

Dans ce qui suit, la géométrie de la crevasse correspond à un cône de demi-angle d'ouverture

β

tel qu'illustré à la figure II.5. Le rayon de l'embouchure de la crevasse est noté r, et le rayon du cercle de contact du ménisque est noté rm. Dans la situation de la figure II.5, le

cercle de contact du ménisque est situé à l'embouchure de la crevasse si bien que rm = r. Le

rayon du cercle de contact est relié à

β

, au rayon de courbure R = 2/C du ménisque, et à l'angle local de contact d'équilibre

θ

que fait le ménisque avec la surface conique de la crevasse, suivant la relation :

rm = r = R cos(

θ

β

). (II.20)

Figure II.5 : Schéma d'une poche de gaz à l'intérieur d'une crevasse conique avec un ménisque situé à l'embouchure de la crevasse.

D'après (II.19) et (II.20), lorsque le cercle de contact du ménisque est situé à l'embouchure de la crevasse, l'angle de contact

θ

d'équilibre pour une poche de gaz stable vis- à-vis du niveau de saturation du liquide et de la pression hydrostatique est donné par :

(

)

(

)

L g LV p gh r σ ρ β θ γ cos − = 2 . (II.21)

Le critère minimum pour qu'une crevasse conique puisse piéger du gaz lors de l'immersion est donné par la relation (I.11), à savoir θA > β. Cependant, si ce premier critère

l'angle θ calculé à partir de l'équation (II.21) respecte la relation (II.15). A cause de l'effet de canthotaxie (cf. § I.2.4.1) qui ne se produit que dans ce cas particulier où le ménisque est à l'embouchure de la crevasse, la plage de variation de θ entre θA et θR est beaucoup plus grande que pour toute autre position du cercle de contact à l'intérieur ou à l'extérieur de la crevasse.

Ainsi, à cause d'une sous-saturation plus importante du liquide et/ou une augmentation de la pression hydrostatique l'angle calculé à partir de (II.21) peut atteindre la valeur θA

mesuré sur la surface conique de la crevasse. Si σ diminue encore et/ou hL augmente encore,

alors le cercle de contact du ménisque se déplacera spontanément vers le fond de la crevasse

en conservant l'angle θA. Cet évènement peut entrainer une dissolution d'une partie du gaz de

la poche dans le liquide. Si θA > β + π/2, le déplacement du ménisque s'arrêtera lorsque le

rayon de son cercle de contact rm aura atteint la valeur donnée par :

(

)

(

)

L g m A LV gh p r

σ

ρ

β

θ

γ

cos − = 2 . (II.22)

En effet, les termes de gauche et de droite de cette équation sont forcément négatifs. Lorsque

σ diminue et/ou hL augmente, la valeur absolue du terme de droite augmente. Par conséquent,

la valeur absolue du terme de gauche peut équilibrer celle du terme de droite grâce à une

diminution de rm. En revanche, si θA≤β + π/2, dans ce cas les termes de gauche et de droite

de cette équation sont forcément positifs. Lorsque σ diminue et/ou hL augmente, la valeur absolue du terme de droite cette fois diminue. En conséquence, l'augmentation de la valeur

absolue du terme de gauche, liée la diminution de rm due au déplacement vers le fond, ne peut

plus être équilibrée par le terme de droite. Le déplacement de la ligne de contact est alors mécaniquement instable mais la vitesse de déplacement de la ligne de contact est limitée par la vitesse de diffusion du gaz au niveau du ménisque. A terme, cette situation conduira à une dissolution complète de la poche de gaz.

Figure II.6 : Schéma d'une poche de gaz à l'intérieur d'une crevasse conique avec un ménisque avançant vers le fond de la crevasse en conservant un angle θA.

A de basses températures et pour un liquide fortement sous-saturé, la pression de vapeur et la pression partielle de gaz dans la crevasse peuvent être rendues négligeables. Et donc à première vue, il sembleraît qu'une augmentation de pression du liquide permettrait de remplir la crevasse de liquide et ainsi la désactiver (suppression du nucleus). Si l'on effectue alors une expérience d'ébullition ou de cavitation, la cavité restera inactive. Pourtant, en pratique, il est impossible de désactiver les sites de nucléation même en imposant des pressions très importantes [Har44]. Comme le stipule la relation (II.22), si les parois de la cavité sont suffisamment abruptes, c'est-à-dire β suffisamment petit, et si θA est suffisamment grand (et

en tout cas supérieur à β + π/2), alors la pression de Laplace pourra équilibrer une pression du

liquide infiniment grande ou supporter un dégazage total lorsque rm tendra vers zéro au fond

de la crevasse. L'équilibre peut même être obtenu sans gaz du tout (gaz incondensable

s’entend), la différence entre pL et pv à l'équation (II.18) étant complètement équilibrée par la

pression de Laplace.

Si initialement le cercle de contact du ménisque est situé entre le fond et l'embouchure de la crevasse, le cas inverse peut aussi être envisagé. En effet, l'angle calculé à partir de (II.21) où r est remplacé par rm, peut atteindre la valeur θR, par exemple à cause d'une

sursaturation plus importante du liquide et/ou une diminution de la pression hydrostatique. Le

du liquide vers la poche de gaz. Si θR > β + π/2, le déplacement du ménisque s'arrêtera

lorsque le rayon de son cercle de contact rm aura atteint la valeur donnée par l'équation (II.22)

dans laquelle θA est remplacé par θR. Si θR < β + π/2, là encore, le déplacement sera mécaniquement instable mais la vitesse de déplacement de la ligne de contact sera limitée par la vitesse de diffusion du gaz au niveau du ménisque. Lorsque la ligne de contact aura atteint l'embouchure, si la croissance instable de la poche de gaz se poursuit, elle peut conduire à la nucléation d'une bulle libre [Tre87].

A noter que sur les figures II.5 et II.6, le ménisque a été représenté concave du point de vue du liquide. Néanmoins, le raisonnement précédent a été appliqué aussi pour un ménisque convexe.

Atchley et Prosperetti [Atc89] ont négligé les effets hydrostatiques. Ainsi, dans le cas d'un liquide saturé (σ = 0), ils font remarquer que, si l'angle de contact ne présente aucune hystérésis (c'est-à-dire si θ = θA = θR), seuls les nuclei dont l'ouverture est définie de la manière très restrictive telle que β = θR−π/2 = θA−π/2 (cf. équation (II.21) avec hL = 0) peuvent être stables. Ils ajoutent que, comme vraisemblablement il n'y a qu'un nombre limité de tels nuclei, la cavitation devrait être plutôt rare, au contraire de l'expérience. Ils en concluent que le mécanisme responsable de l'hystérésis de l'angle de contact agirait aussi à l'échelle des nuclei.

II.3.3. Application du modèle à des géométries particulières de motifs