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Chapitre I : Mouillage composite

I.2. Cas général

I.2.4. Conditions pour générer une interface composite

Il s'agit ici de préciser, pour une surface rugueuse, dans le cas d'un système non- mouillant, les critères géométriques à respecter pour que l'interface entre celle-ci et une goutte soit composite. Après avoir précisé les effets des discontinuités de pente de la surface rugueuse, les cas d'une rugosité à géométrie idéale puis celui d'une rugosité réelle sont traités.

I.2.4.1. Discontinuités de pente

Johnson et Dettré [Joh69] montrent que les anfractuosités de la surface solide susceptibles de piéger du gaz sont caractérisées par des discontinuités de pente supérieures à

π−θY. L'explication en est donnée dans les paragraphes qui suivent.

Lors du déplacement du liquide sur la surface solide, à l'échelle des hétérogénéités, ou plus précisément à une échelle suffisamment petite pour que l'hystérésis de l'angle de contact soit nulle, la relation de Young s'applique partout sur la surface. Dans son déplacement, le liquide peut rencontrer une hétérogénéité caractérisée par une discontinuité de pente convexe

de contact atteint cette discontinuité, l'angle de contact par rapport à l'horizontale peut prendre toutes les valeurs comprises entre l'angle de Young θY (Fig. I.8.a) et π − ϕ + θY (Fig. I.8.b). Cet effet est appelé canthotaxie [Bic00].

Figure I.8 : Effet de canthotaxie observée à une discontinuité de pente convexe du point de vue du liquide. a) l'angle de contact prend la valeur θY. b) l'angle de contact prend la valeur

π−ϕ+θY.

Dans le cas d'un créneau par exemple, comme sur la figure I.5, où ϕ vaut π/2, l'angle de

contact sur cet angle droit peut varier entre θY et π/2 +θY. Comme θY est lui-même supérieur à

π/2 pour un système non-mouillant, l'angle π est une des solutions possibles. Cela justifie d'avoir pu considérer planes, sur la figure I.5, les interfaces liquide-gaz sous la goutte.

Si, dans son déplacement, la ligne de contact atteint cette fois une discontinuité de pente concave du point de vue du liquide, alors cela signifie que l'angle d'inclinaison ψ de la

discontinuité est inférieur à π−θY (Fig. I.9). Le liquide pourra alors dépasser la discontinuité

en conservant partout son contact avec le solide. Il est en effet impossible pour la ligne de

contact d'approcher une discontinuité concave dont l'angle d'inclinaison est supérieur à π−θY

à une distance sensiblement inférieure à la longueur capillaire du liquide. La longueur capillaire lc [Bou24] représente une échelle de longueur au-delà de laquelle les effets de la gravité deviennent importants par rapport aux effets de la capillarité. Elle se définit comme suit : g l LV c

ρ

γ

= , (I.10)

avec

ρ,

la masse volumique du liquide, et g, l'accélération de la pesanteur. La taille de la goutte sur laquelle sont généralement faites les mesures d'angle de contact est de l'ordre de la longueur capillaire. Cette longueur capillaire est d'environ 2,7 mm pour l'eau.

Figure I.9 : Liquide au niveau d'une discontinuité de pente concave du point de vue du liquide telle que

ψ

<

π−θ

Y.

Il est évident, d'après cette remarque, que si la rugosité de la surface solide comporte des discontinuités de pente dont l'angle d'inclinaison est supérieur à

π

θ

Y, alors l'interface sous une goutte posée sur la surface sera composite.

I.2.4.2. Rugosité à géométrie idéale

Il est supposé ici que la rugosité possède une géométrie idéale caractérisée par des crevasses creusées dans une surface plane. Par simplicité, la géométrie de la crevasse est telle que le montre la figure I.10 : elle possède des parois lisses et son demi-angle d'ouverture est noté

β

(Fig. I.10). En idéalisant quelque peu le remplissage de la crevasse, il apparaît que seules les crevasses dont la largeur est sensiblement inférieure à la longueur capillaire du liquide et telles que l'angle d'avance respecte :

θ

A > constante ×

β

, (I.11)

peuvent piéger du gaz. Il existe des critères supplémentaires à respecter pour obtenir une interface composite dans le cas d'une surface solide immergée dans un volume de liquide. Ils seront précisés au chapitre suivant. La constante est égale à 2 pour une crevasse en forme de rainure de section triangulaire et peut être égale à 1 pour la forme conique [Atc89].

Figure I.10 : Illustration du remplissage initial de la crevasse : la surface du liquide avance avec un angle de contact d'avance

θ

A [Atc89].

D'après ce raisonnement, de par leur géométrie, les rainures de section rectangulaires

(constante = 1 et

β

= 0) et les trous cylindriques (constante = 2 et

β

= 0) sont susceptibles de

piéger du gaz quel que soit la valeur de

θ

A. Cependant, il sera montré au chapitre suivant que

les poches de gaz piégées ne sont pas forcément stables. Leur stabilité dépend en effet de

θ

A,

des conditions de pression et de la teneur (niveau de saturation) en gaz dissous dans le liquide. Par ailleurs, dans certaines situations comme celle d'une goutte déposée sur une surface dont la rugosité est faite de plots, ou bien encore de rainures de longueur supérieure à la taille de la goutte, le gaz est alors libre de s'échapper lors de la pénétration du liquide dans la rugosité. Dans ce cas, du gaz ne pourra être présent sous la goutte que si l'angle d'avance est tel que :

θ

A

β

+

π

/2. (I.12)

Si cette relation n'est vérifiée nulle part dans la zone sous la goutte, alors le liquide épousera parfaitement la surface rugueuse et la loi de Wenzel pourra s'appliquer.

I.2.4.3. Rugosité de surfaces réelles

D’après les discussions précédentes sur les cas d'une rugosité à géométrie idéale et les interprétations d'expériences réalisées avec des rugosités aléatoires [Hit81, Riv86, DeJ90a, 90b, 93], la pente des aspérités de la surface en tout point représente le paramètre crucial vis-

à-vis du piégeage du gaz. Dans [Hit81, DeJ90a, 90b], le rapport des paramètres Ra/

λ

a a par

exemple été utilisé pour caractériser la rugosité (

λ

a étant la longueur d’onde moyenne entre les aspérités de la surface). Ce rapport représente une mesure moyenne de la pente des

La rugosité peut être caractérisée par des paramètres normalisés. Cependant, ils semblent insuffisants pour décrire la géométrie locale de la surface. Ils n'offrent qu’une description moyennée sur une longueur (ou surface pour la norme ISO 25178) d'évaluation beaucoup plus grande que les dimensions des motifs élémentaires de la rugosité. En effet, contrairement aux surfaces modèles présentées précédemment, une surface rugueuse réelle possède une distribution aléatoire de pics et de creux dont les pentes sont variables. Une même valeur d’un paramètre de rugosité peut donc caractériser deux surfaces de topologie différente et ceci a une influence sur les valeurs des angles de mouillage [Rup04].

Là-encore, dans le cas où le gaz est libre de s'échapper de l'espace entre le liquide et le solide, l'étude du respect de l'inéquation (I.12) en tout point de la surface permettrait de déterminer les régions où l'interface est composite et celles où le liquide épouse la surface solide. Si le gaz n'est pas libre de s'échapper, il faudrait alors étudier en plus la stabilité des poches de gaz vis-à-vis des conditions de pression et de la teneur en gaz dissous dans le liquide. Cette méthode n'est bien évidemment pas applicable en pratique sauf à connaître parfaitement la topologie et la valeur de l'angle de Young sur toute la surface d'intérêt. Il faudrait aussi connaître les différents paramètres déjà évoqués contrôlant la stabilité des poches de gaz aux endroits où le gaz ne peut s'échapper.

Ainsi, pour une surface à rugosité aléatoire, il est difficile de savoir si l'interface piège du gaz et de connaître la proportion d’interface liquide-gaz sous le liquide puisque les paramètres de rugosité mesurés ne décrivent pas la géométrie locale de la surface réelle. Cependant, il est clair que pour une rugosité dont les pentes des aspérités sont suffisamment douces, c'est-à-dire inférieures à

π

θ

Y, l'interface entre le solide et le liquide sera non composite. Ainsi, si l'on souhaite réduire au maximum la fraction surfacique de gaz à l'interface, il faudra privilégier les traitements de la surface solide permettant de réduire les variations de pente de la rugosité.