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Chapitre I : Mouillage composite

I.3. Système acier inoxydable austénitique – sodium liquide

I.3.4. Mouillage de l'acier inoxydable austénitique par le sodium

Dans ce qui suit, l'influence des différents facteurs qui agissent sur le comportement de mouillage de l'acier inoxydable par le sodium est discutée. Ces facteurs sont les suivants:

− la rugosité de la surface, (cf § I.2 sur le cas général)

− la température du système qui contrôle la thermodynamique et la cinétique des

réactions chimiques de surface ainsi que la tension superficielle du sodium et la solubilité du gaz inerte,

− le temps associé à l'évolution de la réaction chimique d'interface et à la diffusion du gaz qui peut être piégé entre l'acier et le sodium dans le cas d'une interface composite,

− la composition du film d'oxydes à la surface de l'acier et donc par voie de conséquence

la composition de l'acier et en particulier sa teneur en chrome,

− la concentration en oxygène dissous dans le sodium,

− l'épaisseur de ce film d'oxydes, sa composition, sa structure, etc.

− la teneur en gaz inerte (argon dans la plupart des cas) dissous dans le sodium,

− la propreté de la surface de l'acier (présence de contaminants à la surface tels que graisse, gaz adsorbés, humidité, poussières).

I.3.4.1. Influence de la température sur des temps courts

Hodkin et ses associés [Hod73, 74, 76] ont étudié le comportement de mouillage de divers aciers, dont les nuances 316L et M316, grâce à la technique de la goutte sessile. Leurs résultats montrent que le comportement de mouillage diffère entre les températures basses et élevées. Les cas du mouillage dans des temps courts (quelques minutes) de surfaces polies mécaniquement en 316L et M316 par du sodium contenant 20 ppm d’oxygène est illustré au tableau I.2 et à la figure I.11. A basse température (inférieure à 300°C), le sodium est apparemment inerte et non-mouillant (

θ

* > 90), tandis qu'à température élevée il mouille de manière irréversible. La transition d'un régime à l'autre se produit à environ 300°C. Un excellent mouillage, défini par θ* 20°, n’est pas atteint à une température inférieure à

550°C. Il est intéressant de remarquer que l'allure des courbes des nuances d'aciers 316L et M316 (Fig. I.11) est très semblable à celle du chrome (Fig. A1.1).

Température en °C à laquelle Ra en µm θ* à ~ 160°C le comportement de mouillage change θ* = 90° θ* = 20° 0.033 146 280 310 560

Tableau I.2 : Comportement de mouillage par du sodium contenant 20 ppm d'oxygène de l'acier 316L. [Hod76]

Figure I.11 : Comportement de mouillage des nuances 316L (courbe 6) et M316 (courbe 7) par le sodium vis-à-vis de la température. [Hod76]

Addison et al. [Add68] ont attribué le changement de comportement de mouillage entre

basse et haute températures à l'influence des réactions chimiques à l'interface entre le sodium et le film d'oxydes présent sur tous les aciers.

I.3.4.2. Influence du couple temps - température

Hodkin et ses associés [Hod73] ont regardé l'influence du couple temps/température pour la nuance d'acier 316 (17% Cr, 12% Ni, 2,5% Mo). Comme l'illustre la figure I.12, le

temps nécessaire pour obtenir un excellent mouillage (

θ

* ≈ 20°) diminue avec la température.

Si la température du sodium est supérieure à 370°C, un excellent mouillage est obtenu en moins de 20 heures. Si la température du système se situe entre 320 et 370°C, un excellent mouillage est possible mais au bout d'un temps qui peut être beaucoup plus long. Il semblerait, à partir de ces données, qu'à une température inférieure à 300°C, un excellent mouillage ne se produise jamais, quelle que soit la durée de l'opération.

Figure I.12 : Température en fonction du temps pour atteindre un mouillage excellent de l'acier 316. [Hod73]

Une explication de cet effet est que la surface métallique est initialement couverte par un film d'oxyde dont la réduction chimique par le sodium est lente et détermine probablement la vitesse du processus de mouillage. La cinétique de réduction dépend de la température et de la nature de l'oxyde de surface. L'influence de second paramètre est examinée au paragraphe suivant.

En résumé, les plages de température à retenir concernant le comportement de mouillage du système acier inoxydable 316/sodium sont les suivantes :

− non-mouillage permanent : température du sodium < 300°C,

I.3.4.3. Influence de la constitution du film d'oxydes : teneur en chrome

Selon Rousseau et Riggi [Rou75], la composition des oxydes de surface est fixée par la composition de l'acier lui-même. Or Longson et Prescott [Lon73] font remarquer que le comportement de mouillage de l'acier inoxydable de type M316 est assez différent de celui du fer et du nickel pur. En effet, contrairement aux cas du fer et du nickel, l'angle de contact n'est jamais inférieur à 30° même au bout d'un temps très long. De plus, la vitesse de diminution de l'angle de contact n'augmente pas avec la teneur en oxygène du sodium et dans certaines expériences l'addition d'oxygène induit l'effet opposé. Addison [Add84] en déduit alors que la seule propriété de l'acier de type 316 susceptible de contribuer à ce comportement de mouillage est sa teneur en chrome. La valeur importante de l'angle de contact à l'équilibre suggère que c'est un film d'oxyde, plutôt qu'un métal propre, qui est partiellement mouillé par

le sodium. Il est rappelé que le chrome forme un oxyde ternaire NaCrO2 qui n'est pas réduit

par le sodium à basse température.

La nature du processus chimique impliqué n'est pas clairement identifiée mais la corrélation entre composition de l'acier et comportement de mouillage montre que le chrome joue un rôle significatif [Hod74].

I.3.4.4. Influence de l'épaisseur du film d'oxydes

La surface des aciers inoxydables est recouverte d'un film d'oxydes (Fig. I.13) dit film passif protecteur pratiquement imperméable et non poreux d'une épaisseur de plusieurs dizaines d'angströms [Rab71] constitué principalement d'oxydes de fer et de chrome [LeB00]. Les films formés par passivation électrolytique, traitement couramment employé dans la fabrication de structure en acier inoxydable, ont une épaisseur généralement comprise entre 1 et 10 nm [LeB00].

Figure I.13 : Représentation schématique d'une surface d'acier inoxydable. [Rou75] Il est important de remarquer que l'épaisseur de ce film d'oxydes est très inférieure aux dimensions caractéristiques de la rugosité (de l'ordre de quelques µm). Ceci signifie qu'une réduction de ce film d'oxydes par le sodium liquide n'entraînerait pas une diminution de la rugosité puisque le film d'oxydes suit le profil de rugosité.

Comme le montre le tableau I.3, l'augmentation de l'épaisseur du film d'oxydes sur les surfaces des substrats de 316L, réalisée par pré-oxydation à 700°C, tend à augmenter les angles de contact à basse température mais aussi légèrement la température à laquelle le mouillage se produit [Hod76].

Température en °C à laquelle Durée d'oxydation à 700°C en heures Epaisseur du film estimée en angströms θ* en ° à ~ 160°C le comportement de mouillage change θ* = 90° θ* = 20° 0,1 1 10 78 118 390 131 133 160 280 320 220 350 340 375 500 510 520 Tableau I.3 : Influence de l'épaisseur du film d'oxydes, contrôlée par pré-oxydation à 700°C

pendant diverses durées, sur le comportement de mouillage de l'acier 316L. [Hod76]

I.3.4.5. Influence de la concentration en oxygène dissous dans le sodium

Selon Hodkin et Nicholas [Hod76], plus la concentration en oxygène dissous dans le sodium est importante, plus la formation des films surfaciques est favorisée, et plus θ* est

élevé à basse température (inférieure à 250°C). Par ailleurs, d'après Longson et Prescott

[Lon73], la vitesse de diminution de θ* n'augmente pas avec la concentration en oxygène du

sodium, contrairement au cas du fer et du nickel, et dans quelques expériences l'addition d'oxygène provoque même l'effet inverse.

En conclusion, la mouillabilité à basse température s'améliorera si la concentration en oxygène dissous dans le sodium diminue [Hod76]. Il serait intéressant d'étudier ce comportement grâce à une expérience de mouillage en sodium où la concentration en oxygène dissous dans le sodium serait contrôlée et mesurée. Celle-ci permettrait d'observer si le

mouillage (

θ

* < 90°) de l'acier 304L peut être obtenu à une température inférieure à 300°C,

voire à une température avoisinant les 180°C, lorsque la concentration diminue.

I.3.4.6. Interprétation par la thermodynamique chimique

Plusieurs oxydes peuvent se trouver à la surface d'un acier inoxydable austénitique. Les principaux sont l’oxyde de chrome Cr2O3, l’oxyde de nickel NiO, les oxydes de fer, mais aussi des spinelles et des hydroxydes (plus de détails sont fournis dans [LeB00]).

Les oxydes ternaires connus NaNiO2 et Na2NiO2 sont réduits par le sodium liquide.

L'oxyde ternaire Na4FeO3 n'a été observé que dans du sodium saturé en oxygène. Le composé

NaFeO2 est réduit à 260°C. En revanche, la chromite NaCrO2 est stable à presque tout niveau

d'oxygène. La chromite NaCrO2 serait donc le seul oxyde stable dans du sodium à faible concentration en oxygène et à une température supérieure à 260°C [Add84].

Rousseau et Riggi [Rou75] appliquent alors au 304L le même raisonnement que celui fait pour le chrome (cf. annexe 2) et expliquent alors que le mouillage du 304L apparaît à environ 100°C de moins que celui du chrome. Le mouillage de l'acier 304L serait lié à l'absence de formation de la chromite de sodium et à la réduction des oxydes de chrome lorsque la température est suffisamment élevée.

Une autre interprétation basée sur le raisonnement d'Addison [Add84] consiste à considérer le cas opposé. C'est-à-dire que le mouillage de l'acier inoxydable serait lié à la réaction de surface menant à la formation de chromite mais aussi de chrome, ce dernier étant responsable de l'amélioration du mouillage. Dans ce cas, le passage d'un comportement non- mouillant à un comportement mouillant dépendrait de la cinétique de cette réaction de surface. Cette cinétique serait très lente pour des températures inférieures à la température de mouillage du chrome.

Là encore, le manque d'informations concernant la cinétique de mouillage du chrome et de l'acier et l'influence de la teneur en oxygène du sodium ne permet pas de conclure sur la validité de ces deux raisonnements.

I.3.4.7. Influence de divers traitements de surface sur le mouillage

Les traitements de surface peuvent influer sur la propreté de la surface de l'acier, la rugosité de la surface, la nature du film d'oxydes à la surface de l'acier, et l'épaisseur de ce film d'oxydes.

Les divers traitements de surface étudiés lors du programme expérimental mené par Hodkin et Nicholas [Hod76] ont eu plus ou moins d'effet sur le comportement de mouillage des aciers inoxydables. Les données obtenues dans ce programme sont insuffisantes pour permettre de généraliser, mais il semble que les effets observés soient plutôt dus aux changements de la composition des films surfaciques plutôt qu'à l'érosion des aspérités de la surface. De manière générale, les méthodes permettant de diminuer la rugosité induisent une diminution de l'angle de contact pour des températures inférieures à 250°C. Les méthodes qui consistent à diminuer l'épaisseur du film d'oxydes ont, quant à elles, l'avantage de diminuer le temps nécessaire pour obtenir le mouillage à des températures supérieures à 400-500°C. Le bombardement ionique est l'une de ces méthodes, et elle permettrait même, semble-t-il, d'enlever complètement la couche d'oxydes afin d'obtenir un mouillage immédiat [Bar69]. Il pourrait être intéressant d'examiner la faisabilité de l'application industrielle de ce procédé au traitement du diaphragme des TUSHT.