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Prise en charge d’une embolie pulmonaire grave :

Diagnostic clinique :

2.4. Le diagnostic paraclinique :

2.5.1. Traitement de la TVP :

2.5.2.2. Prise en charge d’une embolie pulmonaire grave :

La mortalité précoce de l’EP sous traitement varie en fonction de l’importance de l’obstruction : de moins de 5 % dans les EP sans signes de mauvaise tolérance clinique ou hémodynamique (obstruction vasculaire 50 %), à près de 10 % en cas de signes de mauvaise tolérance clinique et échocardiographique sans état de choc (obstruction vasculaire 50 %) et jusqu’à 20 % en cas d’état de choc [32]. Dans ces formes massives d’EP, l’augmentation brutale des résistances artérielles pulmonaires est responsable d’une dilatation et d’une dysfonction du ventricule droit, d’une altération des fonctions systolique et diastolique du ventricule gauche due au mouvement paradoxal du septum interventriculaire et d’une baisse du débit coronaire à l’origine d’une souffrance myocardique. Cette dysfonction cardiaque est responsable de la majorité des décès qui surviennent dans les premières heures et souvent avant même l’hospitalisation. La plupart des études publiées ont montré une supériorité des thrombolytiques par rapport à l’héparine seule, dans le traitement des EP en termes de rapidité de désobstruction vasculaire et d’amélioration hémodynamique, mais au prix d’un risque

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hémorragique accru. Dans les études les plus récentes, la fréquence des hémorragies graves sous thrombolyse est de l’ordre de 11 %. Toutefois, en pratique quotidienne, le risque peut être plus élevé et atteint 22 % dans les registres MAPPET (Management strategy And Prognosis of PulmonaryEmbolism Trial)et ICOPER (International Cooperative Pulmonary Embolism Registry) dont 1,2 % d’hémorragies cérébrales dans MAPPET et 3 % dans ICOPER. De plus, une réduction de la mortalité à court terme n’a pas pu être démontréeen dehors des EP avec état de choc [32]. Cependant, les données récentes tirées des registres ICOPER et MAPPET suggèrent une diminution de la mortalité grâce à la thrombolyse en présence d’une dysfonction cardiaque droite échographique, sans signes cliniques de choc ; mais il s’agit d’études non randomisées ne permettant en aucun cas de faire des recommandations pour ce type de patients. Ainsi, actuellement, il est recommandé de réserver l’utilisation des thrombolytiques uniquement aux patients présentant une EP grave caractérisée par une instabilité hémodynamique, un état de choc ou un collapsus [32]en respectant les contre-indications (TABLEAU 12). L’incertitude persiste quant à l’intérêt de la thrombolyse dans les EP massives cliniquement bien tolérées, mais entraînant une dilatation du ventricule droit, pour lesquelles des protocoles randomisés prospectifs doivent être réalisés.

2.5.2.2.1. Thrombolytiques :

Les thrombolytiques disponibles sont le rtPA (altéplase), la streptokinase et l’urokinase, utilisés en perfusion veineuse périphérique, cette voie étant aussi efficace que l’injection intraartérielle pulmonaire. L’altéplase à la dose de 100 mg en 2 heures, comparée aux régimes classiques utilisant l’urokinase sur 12 à 24 heures, permet une amélioration hémodynamique plus rapide à la 2ème heure ; en revanche, à partir de la 12ème à la 24èmeheure, il n’y a pas de différence entre les deux traitements, tant du point de vue hémodynamique qu’en terme de désobstruction vasculaire (de l’ordre de 40 à 50 %). L’alteplase, à la dose de 0,6 mg/kg en 15 minutes (maximum 50 mg) semble un peu mieux tolérée. L’administration sur 2 heures de doses importantes d’urokinase (3 MU) ou de streptokinase (1,5 MU) se révèle aussi efficace d’un point de vue hémodynamique que 100 mg d’altéplase en 2 heures [4,18,24,40,51 ET 60].

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Contre-indications absolues

Hémorragie active ou récente. Antécédent d’hémorragie cérébrale.

Pathologie cérébrale ou médullaire (tumeur, abcès). Traumatisme crânien récent.

Antécédent neurochirurgical récent.

Contre-indications relatives

Hypertension artérielle sévère non contrôlée. Hémorragie digestive de moins de 6 mois.

Accident cérébral ischémique de moins de 15 jours.

Anomalies sévères de la coagulation ; thrombopénie inférieure à 100 000/mm3.

Chirurgie ou traumatisme majeur datant de moins de 7 jours.

Geste invasif (biopsie, ponction artérielle) de localisation non compressible datant de moins de 7 jours.

Tableau 13: Les contre-indications absolues et relatives des thrombolytiques [32].

2.5.2.2.2. Embolectomie chirurgicale :

L’embolectomie chirurgicale est la désobstruction vasculaire en urgence sous circulation extracorporelle (CEC). Elle ne doit être envisagée que chez des patients présentant une EP proximale bilatérale en état de choc, ayant une contre-indication à la thrombolyse ou une résistants à celle-ci ou en cas d’état hémodynamique extrêmement sévère réfractaire au traitement symptomatique ne permettant pas d’attendre le délai d’efficacité de la thrombolyse (1 à 2 heures environ). Elle nécessite une équipe chirurgicale et anesthésique entraînée. La mortalité de l’embolectomie chirurgicale sous CEC est lourde, estimée à 40 % dans une série de 85 patients [71], expliquant ses indications exceptionnelles. Il ne faut cependant pas oublier qu’il s’agit d’EP très graves, 20 % des patients ayant présenté un ou plusieurs arrêts cardiaques avant l’opération.

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2.5.2.2.3. Traitement symptomatique :

Il est toujours nécessaire et doit être institué le plus rapidement possible, associant oxygénothérapie à fort débit par sonde nasale ou masque à haute concentration, intubation et ventilation mécanique si l’hypoxie est majeure, remplissage modéré de 500 ml [39], traitement inotrope par dobutamine en commençant à des doses de 10 à 15 ng/kg/min. En cas d’hypotension persistante, la noradrénaline à doses progressives peut être utilisée.

2.6. La prophylaxie :

Le supplément de Chest dédié aux recommandations de l’ACCP sert de repère tous les trois ou quatre ans aux spécialistes intéressés par la thrombose artérielle et/ou veineuse. Ce qui est devenu une institution dans le monde de la thrombose, existe maintenant depuis vingt-deux ans, et c’est la 8èmeédition qui a été publié en 2008 [87]. Chaque numéro est attendu avec impatience par les spécialistes à l’affût des nouveautés. Le supplément de 2008 est beaucoup plus volumineux que le précédent (2004), beaucoup plus détaillé. Sa qualité a encore augmenté, la méthodologie s’est clarifiée, améliorant ainsi le niveau de lisibilité des recommandations [88,89].

La classification du niveau de risque est passée de quatre groupes à trois. Le chapitre comprend maintenant 115 recommandations sur la thromboprophylaxie, et depuis le dernier numéro de 2004, près de trois cents nouvelles références ont été ajoutées [91]. Le principe de ces guidelines est simple : c’est une vision internationale, avec une revue extensive de la littérature et avec un certain nombre de critères d’inclusion et d’exclusion pour les études ayant servi de support. L’objectif est de fournir un guide pour les praticiens intéressés.

Pour chaque groupe de patients, le risque d’événement thromboembolique personnel et le risque chirurgical ont étéévalués. L’approche vis-à-vis de cette thromboprophylaxie est à la fois individuelle, en privilégiant l’étude du risque personnel et en choisissant une prophylaxie spécifique pour ce risque, mais elle est aussi de groupe en assignant un patient à un groupe et en choisissant de prescrire la même prophylaxie pour tous les membres du groupe. La méthode choisie pour grader les recommandations est homogène pour l’ensemble du supplément de Chest. C’est la méthode Grade qui a été encore simplifiée comparativement au supplément de 2004.

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Un chapitre entier rédigé par Gordon Guyatt l’explique en détail [88]. Le principe général est finalement assez simple : le risque/bénéfice est-il clair? Si la réponse est « oui », c’est un grade 1 qui est choisi et les auteurs recommandent («werecommend») en faveur ou contre une technique ou un traitement, si la réponse est « non », et s’il n’existe pas de rapport risque/bénéfice clair, les auteurs vont simplement suggérer («wesuggest»). La qualité méthodologique de l’évidence sous-jacente est évaluée par trois lettres : la lettre A pour un haut niveau de qualité, la lettre B pour une qualité intermédiaire, la lettre C pour une qualité faible. Ainsi, une recommandation de grade 1A a peu de chance de changer. Elle est argumentée par une littérature solide, par une ou plusieurs grandes séries randomisées en double aveugle, et elle emporte la conviction. Une recommandation de grade 2C est la plus mauvaise des six niveaux de recommandation ; c’est une suggestion qui repose sur une littérature faible (TABLEAU 14)[87].

Enfin, quelques recommandations a priori ont été adoptés par le groupe d’auteurs du chapitre[88,89] :

La prophylaxie de groupe est plus simple àétablir que la prophylaxie individualisée ; La prophylaxie mécanique n’est utilisée qu’en cas de haut risque d’hémorragie ; L’aspirine n’a aucune place dans la prévention de la MTEV;

La prophylaxie par anticoagulants est compatible moyennant un certain nombre de précautions ;

Les doses des anticoagulants, notamment des héparines de bas poids moléculaire (HBPM), ne sont pas données, laissant ainsi les lecteurs se reporter aux recommandations locales ou nationales.

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Evidence pour une prophylaxie

Elevé Faible/indéterminé Forte Prophylaxie de routine

[Grade 1A]

Recommandation contre une prophylaxie de routine [Grade 1A] Décision individuelle

Faible ou absente Prophylaxie de routine [Grade 1C]

Recommandation contre une prophylaxie [Grade 1A]

Tableau 14: Exemple d’application de la méthode GRADE : risque d’événement thromboembolique veineux clinique majeur[88].