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Un des aspects que nous n’avons pas encore abordé concerne la prise en compte de la turbulence. C’est un aspect important dans notre cas, car les applications que nous envisageons se situent en régime pleinement turbulent (Re ≈ 107 à pleine échelle).

Il existe principalement trois classes d’approches pour le traitement de la turbu-lence. La première, appelée DNS (Direct Numerical Simulation), consiste à simuler toutes les échelles turbulentes présentes dans un écoulement donné. Elle requiert une discrétisation extrêmement fine du domaine de simulation. Cette méthode est très coûteuse en temps et en ressources informatiques ce qui limite son utilisation à des cas purement académiques.

Les deux autres méthodes permettent de palier à ce problème en modélisant tout ou partie de la turbulence.

Les méthodes RANSE (Reynolds Average Navier-Stokes Equations) permettent de modéliser dans leur entièreté les phénomènes turbulents. Elles consistent à dé-composer les champs en une partie moyenne qui représente la dynamique de l’écou-lement moyen et une partie fluctuante qui représente les « fluctuations turbulentes » autour de cet écoulement moyen. On appelle cette décomposition la décomposition en moyenne de Reynolds, qui donne d’ailleurs son nom à la méthode. Il est à noter que cette formulation diminue considérablement le temps de calcul par rapport à la méthode DNS. En revanche, les enjeux liés à la modélisation de la turbulence sont alors importants vu que cette dernière est totalement prise en compte par l’in-termédiaire d’un modèle, et non plus simulée directement comme dans le cas de la formulation DNS. Il conviendra donc de choisir un modèle de turbulence performant et adapté au cas de simulation que l’on souhaitera réaliser.

La méthode LES (Large Eddy Simulation ou encore Simulation des Grandes

Echelles), qui est à la croisée des chemins des deux premières méthodes, consiste à simuler les grandes échelles de la turbulence et à modéliser les échelles plus petites à partir d’une certaine fréquence de coupure. Cette technique passe par le filtrage des équations de Navier-Stokes, pour retirer de l’écoulement global les effets dissipatifs des petites échelles et pouvoir les modéliser par ailleurs (cf. figure 2.14).

Au regard de l’état de l’art du domaine de l’hydrolien, chercher à modéliser la turbulence complètement via une approche RANS ne semble pas être le meilleur des choix. En effet, les modèles RANS ont des difficultés à prendre en compte les effets fortement instationnaires. Or nos applications présentent des instationnarités dans les sillages et au niveau des modèles d’hydroliennes. De plus ils sont réputés être diffusifs, ce qui est gênant car on souhaite advecter des sillages lointains. Enfin, les limitations intrinsèques aux modèles RANS, associées à une sous-discrétisation des couches limites sur les pales conduira inévitablement à des résultats peu précis dans les régimes de fonctionnement décrochés. A contrario, la LES prend naturellement en compte la propriété d’instationnarité de la turbulence. Il existe également des formu-lations où les deux types de méthodologie de prise en compte de la turbulence sont utilisées. Ces méthodes dites hybrides tentent de coupler une formulation RANS, avec une formulation LES. Ceci permet de tirer partie des avantages propres à cha-cune des méthodes et de s’affranchir des problèmes limitants tout en permettant une meilleure représentation globale de l’écoulement. Par exemple, on choisira de mo-déliser entièrement la turbulence en proche parois au moyen d’une méthode RANS, ce qui permet de conserver une discrétisation relativement légère, et on choisira une formulation LES ailleurs dans le domaine, ce qui permet de bénéficier d’une prise en compte plus réaliste du transfert d’énergie des grandes échelles vers les petites, d’advecter le sillage plus fidèlement. Faire le choix d’un seul modèle de turbulence basé sur la méthode RANS serait donc préjudiciable car nous souhaitons conserver des perspectives d’évolution pour notre outil.

Nous avons donc orienté notre choix de modèle vers la méthode LES que nous enrichirons de modèles de sous-grille et de modèles de parois de plus en plus perfor-mants, ou qui sera couplée à une méthode RANS nous permettant éventuellement de tendre vers une méthode hybride.

2.3.1 Approche LES : formalisme général

En LES classique, les équations sont filtrées au moyen d’un opérateur de filtrage (par exemple Box filter, Gaussian et Sharp Fourier cutoff), pour en extraire les grandes échelles turbulentes. Dans notre cas, nous considérons que la grille du do-maine de calcul agit comme un filtre passe-bas. Un modèle de sous-maille (SGS :Sub-Grid Scale) est utilisé pour modéliser la turbulence des petites échelles.

2.3.1.1 Opérateurs de filtrage

L’idée de la LES est de filtrer les équations qui régissent un écoulement pour ne garder que les grandes échelles turbulentes et ensuite y ajouter des termes qui modélisent les petites échelles. Pour ce faire, un opérateur de filtrage (filtre passe bas), qui est en fait un noyau de convolution, est utilisé. Un produit de convolution entre ce noyau et les champs de vitesses est réalisé :

avec ∆ qui représente la plus petite échelle de turbulence résolue (un paramètre qui va caractériser à quelle échelle de turbulence la simulation laisse place à la modélisation).

2.3.1.2 Equations de Navier-Stokes filtrées

Nous définirons u0

comme étant le champ de vitesse de sous-maille, u le champ de vitesse total et ˜u le champ de vitesse filtré. Dans ce cadre, nous pouvons écrire :

u= ˜u + u0

(2.12) Si nous filtrons une deuxième fois l’équation 2.12 (par analogie avec les méthodes RANS où on moyenne une seconde fois), nous obtenons : ˜˜u(x, t) 6= ˜u(x, t) et donc

˜

u0 6= 0, car ces termes ne sont pas indépendant en temps et en espace. Nous ne pouvons donc pas faire les mêmes simplifications que pour les modèles RANS.

Voici les équations de Navier-Stokes filtrées : ∂u˜i ∂t + ∇(ugiuj) = 1 ρ˜p + ν∇2 f ui (2.13) avec, g uiuj =( ˜ui + u^0 i)( ˜uj+ u0 j) =u˜giu˜j +u˜giu0j +ug0iu˜j+ug0iu0j (2.14) Le premier terme de l’équation 2.14 est appelé « Leonard’s stress ». Il sera si-mulé car il ne contient pas de termes liés aux petites échelles. Contrairement à la décomposition en moyenne de Reynolds, les second et troisième termes ne sont pas nuls. Ils sont appelés « Cross stress terms » et seront modélisés car ils contiennent les petites échelles de la turbulence. Enfin le quatrième terme porte le nom de « Rey-nolds stress » par analogie avec la décomposition en moyenne de ReyRey-nolds. Il sera modélisé, mais pas de la même manière que dans un modèle RANS.

En général, l’équation de quantité de mouvement est ré-écrite de la manière suivante :

ρ(u˜i

∂t + ∇(˜ui˜uj)) = ∇˜p + 2µ∇2 f

ui− ∇(ugiuj˜ui˜uj) (2.15) Nous écrivons alors les différents termes comme suit :

Lij =u˜giu˜j˜ui˜uj Cij =u˜giu0j+ug0iu˜j Rij =ug0iu0j (2.16) Enfin, nous les réunissons sous un nouveau terme appelé contrainte de sous-maille (Sub-Grid Scale stress) τSGS = Lij + Cij + Rij =ugiuj˜ui˜uj,

avec :

– les termes de Leonard Lij, qui représentent les interactions entre les échelles simulées

– les Cross terms Cij, qui représentent les interactions entre les échelles simulées et les échelles modélisées

– les termes de Reynolds Rij, qui représentent les effets des échelles modélisées sur les échelles simulées.

2.3.2 Modèle de sous-maille (SGS) : Le modèle de

Smago-rinsky

Il est commun de considérer la turbulence des petites échelles isotropique et homogène (comparé aux grandes échelles). Les modèles utilisés pour la modéliser sont relativement simples comparés à ceux qui peuvent être employés dans des for-mulations RANS (où on modélise la turbulence dans son ensemble). Il existe trois catégories de modèles :

- Les modèles à viscosité turbulente, - Les modèles de similarité,

- Les modèles mixtes qui combinent les deux premiers.

Le modèle que nous avons développé fait partie de la famille des modèles à viscosité turbulente. En considérant l’équation 2.15, on peut, de manière analogue aux approches RANS de premier ordre utiliser l’hypothèse de Boussinesq, qui re-lie le tenseur des contraintes de Reynolds au tenseur des déformations filtrées par l’intermédiaire d’une viscosité turbulente de sous-maille νSGS.

Nous obtenons alors :

τSGS = νSGS(˜ui,j+ ˜uj,i). (2.17) En première approche, nous avons choisi d’utiliser le modèle de Smagorinsky introduit en 1963 [61]. Il s’écrit comme ceci :

τSGS = νSGS(˜ui,j+ ˜uj,i) = 2νSGSDfij, (2.18)

νSGS = (Csδ)2q2DfijDfij, (2.19) f Dij = 12(u˜i ∂xj +u˜j ∂xi), (2.20) Cs[0.1 − 0.24], (2.21) avec Cs la constante de Smagorinsky et δ la taille caractéristique du filtre, que nous avons choisi comme étant la plus petite dimension des cellules traitées.

Une version dynamique du modèle de Smagorinsky, appelée modèle de Germano [? ], existe. Dans ce modèle, Cs n’est plus fixée mais évaluée en fonction de l’écoule-ment. Il représente une piste de développement futur qui sera explorée suite à cette thèse.

2.4 Mise en place des simulations d’hydroliennes