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à leur prise en compte dans les politiques publiques (1975-2000)

La gestation du développement durable dans les milieux environnementalistes (1975-1994)

Avant même que l’idée de développement durable n’ait été clairement énoncée au niveau international, c’est dans les discours et les actions des différents courants environnementaux nationaux, tant au sein de l’administration publique que des milieux académiques ou de la société civile, que l’on peut en voir les prémices au Mexique. On a en effet assisté au développement parallèle et, dans certains cas, à la convergence de politiques environnementales précoces et d’une tradition de développement communautaire depuis la société civile.

Des politiques de conservation précoces qui correspondent à une logique d’affichage

A travers un bref historique des politiques environnementales de l’Etat mexicain, et plus particulièrement de celles qui sont liées à la biodiversité, on se rend compte que les orientations de ces politiques suivent de très près les grands courants et les grandes tendances internationales, même si en tant qu’Etat fort, présent sur la scène internationale, le Mexique se montre aussi acteur et parfois précurseur sur des thématiques comme celle de la biodiversité, comme ce fut le cas dans les années 1990. Il n’en demeure pas moins que, depuis les premières initiatives jusqu’à aujourd’hui, la politique environnementale mexicaine semble répondre à des initiatives technocratiques d’une élite plus ou moins éclairée, ou bien, plus encore peut-être, à une logique d’affichage vers l’international. Dans ces conditions, entre volontarisme revendiqué et actions concrètes relativement limitées, la reconnaissance institutionnelle des problèmes environnementaux, et plus particulièrement de l’érosion de la biodiversité est foncièrement ambiguë.

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Avant que l’idée de développement durable ne s’impose au niveau international, la conservation de la nature avait déjà fait l’objet d’un certain traitement politique au Mexique. Si le décret qui fait du Desierto de los Leones (a proximité de la ville de México) la première aire protégée du pays date de 1876, on peut faire remonter les prémices d’une politique conservationniste à la première partie du XXe siècle, en l’associant aux figures centrales de Miguel Ángel de Quevedo et de Lázaro Cárdenas. Le premier a fait pression sur tous les gouvernements du début du siècle, depuis l’époque de Porfirio Diaz, pour qu’ils mettent en

place des politiques de conservation, notamment en milieu forestier. Mais ce n’est vraiment qu’entre 1934 et 1940, sous la présidence de Cárdenas, lui aussi acquis à la nécessité de conserver la nature, que Quevedo va voir ses efforts partiellement récompensés par l’adoption d’une grande politique de reforestation et par la création de quarante parcs nationaux (Simonian, 1999 ; Dumoulin, 2003). Si ces mesures sont le résultat d’initiatives fortement marquées par les personnes qui les portent, dans un contexte socio-politique national largement indifférent aux questions de conservation1, elles sont aussi et déjà influencées par l’expérience

des politiques conversationnistes nord-américaines qui se développent presque au même moment. Dès son origine donc et malgré ses spécificités, le conservationnisme mexicain est sous influence nord-américaine et cette influence se fera sentir tout au long du siècle, jusqu’à aujourd’hui encore.

La portée de ce premier mouvement conservationniste doit toutefois être relativisée. En effet, les programmes de reforestation et la création de parcs n’ont que très marginalement enrayé le vaste mouvement de déforestation qui, à travers les concessions aux entreprises forestières étrangères ou paraétatiques, les grands mouvements de colonisation paysanne et, plus encore, les politiques volontaristes d’appui à l’élevage bovin, s’est poursuivi après les années 1940. De plus, au-delà de leurs effets concrets, les politiques de protection environnementale ont souffert d’un véritable défaut d’application jusqu’aux années 1970, puisque, au-delà de leur existence légale, les parcs nationaux n’ont disposé d’aucun moyen réel de fonctionnement, dans un contexte où, au-delà de quelques déclarations d’intention, la volonté politique était beaucoup plus au développementalisme qu’à la conservation. La « gestion fantôme des parcs de papier » (Dumoulin, 2003 ; 2009) permet vaguement d’afficher une politique environnementale, malgré une politique de développement agricole et industriel environnementalement très prédatrice. Après ce premier mouvement, antérieur aux années 1940, il faut donc attendre les années 1970 pour voir le gouvernement mexicain s’intéresser de nouveau à la question de l’environnement. Néanmoins ce n’est probablement pas un hasard si la première loi générale sur l’environnement date de 1972, l’année même de la conférence de Stockholm (Brand & Gorg, 2003). À travers ce premier texte légal, les autorités mexicaines semblent vouloir prouver que, contrairement à la majorité des pays du Sud, le Mexique est capable de synchroniser sa législation nationale avec les grands courants internationaux impulsés depuis les pays du Nord. Ce nouvel affichage environnemental semble porter ses fruits puisque, dans les années 1970, la “modalité mexicaine” des réserves de la biosphère est érigée en standard international duquel les autres pays doivent s’inspirer2 (Halfter, 1992 ; del Carmen Colmenero & Bravo, 1996). Cependant, si on regarde au-delà de la façade diplomatique toujours soignée, on se rend compte que l’application de cette législation et les mesures concrètement mises en œuvre ne suivent, là encore, absolument pas l’emphase des déclarations du gouvernement mexicain, ni l’enthousiasme international. En 1978, l’établissement par décret présidentiel, dans le cadre du programme MAB de l’UNESCO, de la réserve de la biosphère de Montes Azules, illustre clairement ce décalage entre le discours gouvernemental et les réalités locales. Cette mise en réserve était présentée comme un moyen efficace de préserver la forêt Lacandona du Chiapas, au sud du pays (l’une des régions les plus concernées et menacées par l’expansion de la

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Les questions de justice sociale, d’indépendance nationale (notamment dans la maîtrise des ressources

naturelles et leur mise en valeur) et de développement auto-centré figurent au premier plan de l’agenda politique au cours des années 1930.

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En fait la « modalité mexicaine » des réserves de la biosphère renvoie au rôle central du représentant mexicain devant le programme Man and Biosphere (MAB), Gonzalo Halfter, qui anticipe les changements de paradigme, en critiquant le conservationnisme strict des parcs nationaux et en dessinant des stratégies basées sur la participation locale et le développement (Simonian, 1999). Si Halfter a partiellement réussi à mettre en pratique ces principes dans les réserves de Mapimi et de La Michila dans l’Etat du Durango, au niveau national, le conservationnisme classique est resté dominant.

frontière pastorale). Mais la décision de sa création a été prise de manière autoritaire, technocratique et précipitée, sans étude technique préalable, sans prendre en compte les réalités socio-territoriales locales, ni mettre en place les moyens institutionnels et financiers pour assurer la protection de la zone (De Vos, 2002). Malgré la focalisation de l’opinion publique mexicaine sur cette zone hautement symbolique et malgré quelques programmes d’études de la diversité biologique, la réserve de Montes Azules va rester pendant au moins quinze ans une coquille politiquement presque vide, sans aucun plan de gestion établi, dans la continuité des “parcs de papier”. Cet exemple est loin d’être isolé. C’est au contraire un cas paradigmatique qui montre, d’une part, que l’approche essentiellement conservationniste excluait les populations locales et que les objectifs de conservation étaient très loin d’être atteints en l’absence de mesures concrètement appliquées. D’autre part, il montre qu’au-delà des effets d’annonce, la volonté politique de mettre en place une réelle politique environnementale était alors plus que fragile.

Dans les années 1980, il n’existe ainsi pas encore à proprement parler de ministère de l’environnement3

et la politique environnementale est rattachée à la politique urbaine au sein de la nouvelle SEDUE (Secretaría de Desarollo Urbano y Ecología), créée en 1982, année où la question environnementale est incorporée pour la première fois dans le Plan National de Développement (Alfie Cohen, 1993). Même si le lien entre écologie et urbanisme révèle que le problème crucial de cette époque est celui de la pollution de la ville de Mexico et des autres grandes métropoles du pays, un Système National d’Aires Naturelles Protégées (SINAP) est tout de même mis en place entre 1983 et 1988. Le SINAP entreprend notamment de multiplier les études scientifiques, d’étendre les surfaces protégées4 et de renforcer du cadre législatif, avec la refonte d’une nouvelle Loi générale de l’environnement. Ces progrès institutionnels ne se traduisent pas vraiment par la mise en œuvre de mesures concrètes et la SEDUE ne se donne

pas les moyens de ses ambitions (Carabias & Provencio, 1994). Il faut donc attendre les années 1990 et l’internalisation de la question environnementale pour voir émerger des politiques plus substantielles au Mexique dans ce domaine.

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Dans l’optique de la négociation d’un traité de libre-échange, le Président Salinas se doit de répondre aux pressions des démocrates américains sur les questions environnementales qui s’imposent peu à peu comme une véritable clause de conditionnalité5

. Il crée en 1992 un nouveau ministère, la Secretaria de Desarrollo Social (SEDESOL), au sein duquel les questions

environnementales sont partagées entre le nouvel Instituto Nacional de Ecología (INE), doté des compétences scientifiques et techniques, et la Procuraduria Federal de Protección al Ambiente (PROFEPA), chargée du contrôle de la mise en œuvre de la politique

environnementale. Si cette nouvelle structure pose des problèmes de répartition de compétences et montre que les questions environnementales restent subordonnées aux questions sociales, elle lance néanmoins le mouvement volontariste qui va marquer les années 1990.

L’année de la création de la SEDESOL et du Sommet de Rio, est aussi créée la Comisión

Nacional de Biodiversidad (CONABIO). Selon José Sarukhan, ancien recteur de l’UNAM et l’un

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Déjà, en 1972 avait été créé un sous-secrétariat à l’Amélioration de l’Environnement, dépendant du ministère de la Salubrité et de l’Assistance et sans réel pouvoir décisionnel.

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En 1982, trois nouvelles réserves de la biosphère et 54 parcs nationaux sont créé,s puis, en 1989, encore cinq autres réserves de la biosphère et un corridor biologique. En 1995, le Mexique comptait 89 aires protégées, sous différents statuts, dont 18 réserves de la biosphère et 13 réserves spéciales de la biosphère.

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À tel point qu’au moment de la signature de l’ALENA en 1994, un accord environnemental tripartite est signé en parallèle. Est ainsi créée la Comisión para la Cooperación Ambiental (CCA).

des initiateurs de la CONABIO, l’idée de créer cette institution reposait sur la volonté de

centraliser, de systématiser et de rendre publique l’information sur la très riche biodiversité du pays6, pour établir un pont entre le monde universitaire, le gouvernement et la société. Le Président Salinas accepte d’autant plus facilement la proposition faite par Sarukhan qu’il souhaite anticiper Rio et afficher clairement un positionnement environnementaliste pour faire du Mexique l’un des leaders de la diplomatie environnementale (Glender & Lichtinger, 1994). Sarukhan explique ainsi : « Ce qui a aussi attiré le Président à cette époque, c’est qu’il pouvait arriver au Sommet de Rio en disant “Voici la Commission Nationale de Biodiversité” »7. Il est

vrai que cette initiative est très novatrice, puisqu’à cette époque, seule l’Australie, avec son Environmental Resources Information Network (ERIN)8

, et le Costa Rica, avec l’INBIO,

disposent d’une institution de nature similaire.

La CONABIO est donc créée comme une sorte de vitrine internationale de la capacité

scientifique, technique et politique du pays à connaître et à mettre en valeur sa biodiversité. La réunion qui marque sa création s’inscrit dans cette logique, et on peut la voir comme l’équivalent mexicain du forum de Washington sur la biodiversité de 1986 qui avait contribué à populariser ce concept. On y retrouve d’ailleurs les grandes figures scientifiques américaines9, mais aussi le gratin du conservationnisme international10

, les plus éminents représentants de l’écologie et de la biologie mexicaine et, enfin, des représentants des principales institutions internationales (CNUCED, UNESCO) et des fondations privées (Packard et Mac Arthur). À la lecture des mémoires de cet évènement (Sarukhan & Dirzo, 1992), on est frappé par l’omniprésence de la perspective économiciste dans les présentations des différents intervenants. En s’adressant au Président Salinas qui a lui-même convié à cet évènement, Otto Solbrig, de l’université de Harvard, ouvre ainsi la cérémonie inaugurale en ces termes : « En faisant une analogie avec le monde de l’économie que vous connaissez si bien, monsieur le Président, la biodiversité est l’équivalent de la diversité des industries et des firmes qui caractérisent une nation ». Puis, après avoir comparé la compétition économique entre des entreprises nombreuses pour une économie saine à la compétition entre espèces pour des écosystèmes sains, Soldbrig explique que les causes réelles de la menace qui pèse sur la biodiversité « se trouvent dans un système économique mondial où les subventions et les barrières douanières créent des distorsions et des barrières au libre commerce». La conclusion s’impose alors : « Un marché commun entre le Mexique et les Etats-Unis, mieux, depuis la Terre de Feu jusqu’au cercle arctique, permettra aux producteurs de nos pays de mettre en œuvre leurs avantages comparatifs, ce qui provoquera une augmentation du prix de la terre et son usage plus efficace, y compris [dans le sens du] maintien de la diversité biologique » (Solbrig, 1992). Ce discours inaugural donne le ton d’un évènement que l’on doit replacer dans son contexte historique post-guerre froide, marqué par le libéralisme triomphant et les négociations entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis pour l’ALENA. La CONABIO demeure

cependant une institution proprement mexicaine qui, dans son approche scientifique de la biodiversité et dans sa volonté de la mettre en valeur au service du pays, reflète une perspective

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José Sarukhan insiste sur le fait qu’au-delà de sa très grande biodiversité, le Mexique, à la différence de

nombreux pays en développement, disposait d’un certain capital de connaissances, du fait de l’effort de taxonomie entamé depuis le XIXème siècle, et du fait d’une communauté de biologistes et d’écologues relativement importante.

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Jose Sarukhan, entretien personnel, 3/02/2005.

8

Toujours selon Sarukhan, c’est sur le modèle australien d’ERIN, beaucoup plus que sur le modèle INBIO, que la CONABIO se serait développée.

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Notamment Anne et Paul Ehlrich, Thomas Lovejoy, Peter Raven et Michael Soulé.

10

En particulier le directeur général de l’IUCN, Martin Holdgate, le président de Conservation International, Russel Mittermeier, la présidente du WWF/US, Kathrin Fuller, et le vice-président de The Nature Conservancy pour l’Amérique Latine, Geoffrey Barnard.

technocratique et nationaliste (Brand & Gorg, 2003), typique d’une partie de la communauté scientifique mexicaine.

Dans le souci de soigner son image moderne face à la communauté internationale et de coïncider avec les exigences environnementales des négociations de l’ALENA, le Mexique se

devait donc de mettre en place une politique environnementale audacieuse et avant-gardiste (Dumoulin, 2009), telle que l’incarne une institution comme la CONABIO. Si celle-ci a été en

bonne partie créée dans cette optique, la mise en place d’un nouveau ministère de l’environnement aux compétences accrues constitue sans doute le pas le plus déterminant dans l’élaboration d’une politique environnementale autonome. La création d’un véritable ministère de l’environnement en 1994 constitue ainsi la véritable entrée du référentiel de développement durable dans les politiques publiques mexicaines. Mais cette institutionnalisation s’est toutefois préalablement nourrie d’un environnementalisme social dynamique.

Le laboratoire de l’environnementalisme social mexicain : tradition intellectuelle et développement communautaire

Au-delà des institutions environnementales et de leur création sous influence internationale, on peut repérer une autre source d’émergence et de formulation du développement durable dans ce qu’on peut appeler “l’environnementalisme social” mexicain. Celui-ci se manifeste aussi bien dans certains courants de réflexion proprement mexicains, que dans la mise en œuvre d’expériences originales et pionnières qui vont contribuer à dessiner certains standards des programmes de développement durable à venir. Moins institutionnel et plus directement issu de la société civile, à la confluence des milieux universitaires, d’initiatives politiques et des communautés locales, l’environnementalisme social mexicain représente sans doute la contribution la plus originale du Mexique aux différentes praxis du développement durable. C’est en cela que l’on peut parler du Mexique comme un laboratoire du DD au sens où s’y sont dessinées certaines représentations et certaines pratiques propres d’un développement qui se veut plus intégral.

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Sans qu’il soit encore explicitement question de développement durable, certains penseurs mexicains ont préparé le terrain à l’articulation des questions sociales et environnementales dans différents champs, marquant des générations d’universitaires qui vont être par la suite acteurs de l’environnementalisme social et, de différentes manières, porteurs du concept de développement durable.

Un de ces personnages clés de cette tradition intellectuelle est notamment Efraím Hernández Xolocotzí, à la fois pionnier de l’ethno-botanique et de l’agro-écologie au Mexique. Formé à l’université de Cornell aux Etats-Unis, Hernández Xolocotzí a enseigné au Colegio de Postgraduados de l’université de Chapingo, l’un des principaux centres d’études agronomiques du pays. Xolocotzí fait tout d’abord figure de pionnier de l’ethno-botanique par ses approches et ses méthodes multidisciplinaires très novatrices pour l’époque, qui empruntent aussi bien à l’agronomie, à la botanique, à l’écologie, qu’à l’anthropologie. Il ouvre ainsi la voie au développement d’une importante école mexicaine d’ethno-botanique dont les principaux noms seront Alfredo Barrera Marín, Martínez Alfaro, puis, dans les décennies 1980 et 1990, Arturo Gómez Pompa et Victor Manuel Toledo (Dumoulin, 2003). Tous ces scientifiques de l’école mexicaine viennent des sciences de la vie plus que des sciences sociales. Dans des régions et selon des approches un peu différentes, ils s’intéressent avant tout aux plantes agricoles et/ou

médicinales utilisées par les populations indigènes (Ibid.). Cette appartenance première à la communauté des sciences de la vie ne les empêche pas d’adopter une certaine perspective politique, soucieuse de « rendre les savoirs traditionnels aux communautés » (Toledo, 1982), dans une optique participative (Hersh-Martínez & González Chávez, 1996), mais aussi, dans la mesure du possible, de développer des produits pharmaceutiques proprement mexicains (Gómez Pompa, 1982). Dans une perspective nationaliste (Hayden, 2003), l’ethno-botanique mexicaine se veut au service du développement du pays grâce notamment à une grande proximité au terrain.

Les travaux d’Efraím Hernández Xolocotzí, dès les années 1970, ont aussi contribué à la revalorisation des pratiques traditionnelles paysannes et/ou indigènes et à l’émergence d’une importante école d’agro-écologie. Alternative à l’agriculture moderne, l’agro-écologie ne se veut pas pour autant un retour à l’agriculture traditionnelle, mais plutôt une redécouverte ou une réinvention de cette dernière, notamment dans les pays du Sud, où la modernisation largement inachevée de l’agriculture a laissé de larges espaces où se maintient ce type de pratiques agricoles. Partant du constat que l’agriculture mexicaine était de plus en plus traversée par la dichotomie entre une agriculture moderne, fondée sur la science et la technique, et une agriculture traditionnelle, s’appuyant sur l’accumulation sur le long terme de savoirs empiriques, Xolocotzí a cherché à montrer l’importance d’étudier les agro-écosystèmes traditionnels (Hernández Xolocotzí, 1998d & e) depuis une perspective écologique, insistant sur la co-évolution entre l’homme et son environnement naturel (Hernández Xolocotzí, 1998c). Longtemps perçue par l’agronomie moderne comme “arriérée” et irrationnelle, notamment pour son supposé manque de productivité, l’agriculture traditionnelle se voyait en quelque sorte réhabilitée, à travers la prise en compte de sa rationalité socio-économique, culturelle, environnementale, et même productive. De plus, Xolocotzí montrait qu’on ne pouvait la comprendre que dans le contexte de la marginalisation socio-économique des populations paysannes, fruit de processus historiques de long terme (Hernández Xolocotzí, 1998c & f). Selon lui, le manque de ressources économiques et matérielles (en particulier la quantité et la qualité de la terre) qui découle de cette marginalisation peut être en partie compensé par un ensemble de pratiques culturelles (Hernández Xolocotzí, 1998d) et productives, adaptées au milieu environnemental et aux conditions de production. Ainsi, si la productivité absolue de ce