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La fragmentation des projets de la société civile et des programmes sectoriels

Nous l’avons vu dans la seconde partie, la notion de Développement Durable n’a pas attendu la ratification de la Loi de 2001 pour faire l’objet de processus divers d’appropriation et de mise en forme par différentes catégories d’acteurs et à différents niveaux d’expression territoriale. La LDRS, elle-même, a conduit à diverses formes d’institutionnalisation à l’échelle des administrations fédérales et des gouvernements des Etats de la fédération. La Sierra de Santa Marta, en tant que région très majoritairement peuplée de groupes indigènes et foyer d’une aire naturelle protégée, est particulièrement représentative de cette profusion de déclinaisons parallèles et parfois concurrentes du développement rural durable. À la lumière de la diversité des enjeux de durabilité qui s’y manifestent, ce chapitre s’attache à décrire la variabilité des sens et des contenus que différents groupes d’acteurs, au sein de la société civile, des communautés rurales et des administrations publiques, affectent au concept de développement durable. Il met en évidence une double tendance à la fragmentation de son contenu et des projets qui s’y rapportent.

D’une part, au sein de la société civile, différents mouvements, portés par des logiques relevant du militantisme politique, de l’environnementalisme social, ou d’une synthèse contemporaine de ces deux courants, ont débouché, au cours des vingt dernières années, sur des formulations de projets de développement local et régional ancrées dans le tissu social et communautaire de la région. Toutefois, la forte localisation des dynamiques observées, la variabilité des facteurs contextuels qui fondent les modes d’organisation, se traduisent, à la fois, par la cohérence interne des visions du développement durable que professent ces organisations et par la fragmentation de ces visions et de leurs logiques d’action, dans une mesure qui apparaît entraver leur mise en cohérence autour d’un projet de développement au niveau régional.

D’autre part, du fait de ses caractéristiques de forte marginalité socio-économique et de grande diversité culturelle et biologique, la Sierra de Santa Marta est l’objet d’interventions de la part de la quasi totalité des administrations fédérales opérant dans le milieu rural mexicain. Depuis la loi de 2001, toutes ces administrations revendiquent des actions relevant du développement durable. La construction et la mise en œuvre de ces interventions demeurent toutefois marquées par les logiques de ciblage thématique et socio-territorial des programmes et d’autonomie de leurs porteurs dans la définition de leur contenu et de leurs normes opératoires. Cette fragmentation de programmes, fortement thématisés en fonction des différentes perspectives des ministères de tutelle, témoigne de la prégnance des logiques sectorielles et de leur prévalence sur les discours et les logiques visant à encourager la transversalité de l’action publique.

Modernisation compétitive et enjeux de durabilité dans une région indienne marginalisée

Au moment d’étudier les formes de mise en œuvre concrète des politiques publiques de développement rural durable du point de vue de leur capacité à réaliser une articulation effective des trois piliers économique, environnemental et social du développement durable (DD), la focale que l’on propose ici, sur la région de la Sierra de Santa Marta (SSM)1 s’avère

particulièrement pertinente du fait des caractéristiques mêmes de cette région. Les politiques de DD s’y trouvent en effet confrontées à des défis majeurs relativement à chacun de ces trois piliers, puisque la région se distingue à la fois par sa marginalité économique et sociale, par les menaces qui pèsent sur ses richesses environnementales – avec notamment la présence du dernier massif de forêt tropicale mésophile d’Amérique du Nord – et par une diversité culturelle remarquable, liée à la présence majoritaire de deux groupes de population indigène, les Zoque-Popoluca et les Nahua.

D’un point de vue économique tout d’abord, la région est reconnue comme une des plus pauvres du pays et, comme telle, elle est définie comme zone prioritaire de l’intervention publique par la CONEVAL (Consejo Nacional de Evaluación Social)2. Une enquête récente

menée auprès de 175 ménages dans la région pour le compte de la Banque Mondiale révélait « le faible niveaux des revenus au regard de la moyenne observée au niveau national : dans […] la Sierra de Santa Marta, le revenu moyen se situe à des niveaux […] 7 fois inférieurs à celui du PIB per capita national » (Léonard, Palma & Brun, 2009). Selon les évaluations du CONEVAL, 67,3% de la population de la région vivait en 2005 en situation de pauvreté absolue (définie comme l’incapacité du ménage à subvenir à ses besoins alimentaires de base) et 75,2% en situation de pauvreté relative ou “de capacités” (définie par l’impossibilité de couvrir les besoins en santé et en éducation), alors que les moyennes nationales sont respectivement de 18,2 et 24,7%.

L’activité économique principale est l’agriculture et elle est pratiquée par un tissu dense de petites exploitations familiales, dont la taille dépasse rarement 5 hectares. La SSM peut être caractérisée comme « une zone indienne de basse montagne, où la pulvérisation des structures foncières, les conditions topographiques et l’absence d’irrigation conduisent à la permanence d’une agriculture pluviale et manuelle » (Léonard et al., 2009). La caféiculture et la production de maïs sont deux activités historiquement très importantes. Depuis les années 1960, toutefois, l’élevage bovin extensif a connu un fort développement avec l’implantation de colons métis sur les versants maritimes de la sierra et la reconversion de certaines exploitations indiennes situées dans les terres basses des municipes de Soteapan et Pajapan.

Plus récemment, le démantèlement du dispositif public d’encadrement technique et de crédit agricole, ainsi que les incitations au développement des formes d’association avec les agro- industries privées ont conduit à un recentrage de l’activité agricole sur la production de maïs

8 D’un point de vue politico-administratif, la Sierra de Santa Marta est intège trois municipes plus anciens

(Soteapan, Mecayapan et Pajapan) et un nouveau, Tatahuicapan, formé en 1997 sur le territoire du municipe de Mecayapan. Les enquêtes de terrain ont essentiellement porté sur les trois premiers. La SSM couvre une superficie d’environ 1500 km2, et hébergeait une population totale de 68 708 habitants en 2005 (56 358 pour les trois municipes de référence).

1 Selon les indices de marginalité socio-économique établis par le CONEVAL, les municipes de Soteapan,

Mecayapan, Pajapan, auxquels cette étude se réfère, figurent respectivement aux 183e, 353e et 406e rangs parmi les 2454 municipalités du pays. L’indice moyen de marginalité pondéré par la population totale situerait la région au 273e rang national pour sa pauvreté.

(http://www.coneval.gob.mx/coneval2/htmls/medicion_pobreza/HomeMedicionPobreza.jsp?categorias=MED_ POBREZA,MED_POBREZA-mapas_2005).

blanc destiné à l’alimentation humaine A la différence de la plupart des autres zones rurales- indigènes du pays, cette production familiale n’est pas réservée à l’auto-consommation mais est au contraire de plus en plus orientée vers le marché3

. Cette évolution est liée, à la fois au démantèlement des appuis et des protections tarifaires dont bénéficiaient les producteurs agricoles mexicains, et à l’essor récent de formes d’agriculture contractuelle liant les petites exploitations familiales et des entreprises agro-industrielles. Dans le cadre de ces contrats, les producteurs familiaux sont associés à des opérateurs techniques et financiers qui, en amont, leur fournissent des crédits, des semences hybrides et des intrants et, en aval, achètent leur récolte pour la livrer aux industries de transformation du maïs4.

Ce modèle de spécialisation par l’insertion compétitive au marché national et international, qui s’est développé au cours des années 1990 est, depuis une dizaine d’années, nous l’avons vu dans la première partie, fortement encouragé par les politiques publiques agricoles. Il semble s’inscrire dans la continuité de la dynamique de modernisation des structures agraires et sociopolitiques qui, dans la Sierra de Santa Marta, a consisté au cours du 20ème siècle en un processus long et conflictuel – mais continu – de démantèlement des modes de gestion communautaire de la terre au profit du modèle ejidal, issu de la révolution et qui a supporté l’avancée du contrôle étatique (Léonard, 2004 et 2009 ; Léonard & Velázquez, 2009 ; Velázquez, 2006). Un second mouvement de modernisation, par l’insertion au marché semble ainsi succéder à une première phase de modernisation (plus institutionnelle que commerciale), par l’insertion à l’Etat Nation. Superposées à des facteurs structurels, tels que l’accroissement de la population, ces dynamiques de modernisation ont aussi généré une série d’impacts environnementaux.

La Sierra de Santa Marta se caractérise en effet par un environnement naturel exceptionnel, mais en voie de dégradation avancée. Il s’agit d’une région montagneuse surplombée par deux volcans, le San Martín Pajapan et le Santa Marta, qui culminent respectivement à 1270 et à 1550m (voir la figure 7). Elle compose, avec le massif volcanique voisin des Tuxtlas, la forêt tropicale mésophile la plus septentrionale du continent américain. Du fait de la variété des paysages et des écosystèmes, qui se distribuent entre la frange côtière, les forêts de différentes altitudes et des zones basses inondables, la biodiversité qu’on y trouve est exceptionnelle. On y a recensé quelques 2833 espèces et 83 variétés de plantes, soit 30% de la flore du Veracruz et 10% de celle du pays (Ramírez, 1999). La faune est tout aussi riche avec 1328 espèces recensées, dont 28 sont endémiques (Martínez & Sánchez, 1997).

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L’étude mentionnée supra dans le cadre du programme Rural Struc, qui concerne des villages fortement spécialisés dans la production de maïs révèle que 90% de la production totale est commercialisée, principalement du fait des contraintes économiques et agronomiques relatives au mode d’insertion des exploitations paysannes dans la chaîne agro-industrielle (Léonard et al., cit.).

9 L’enquête Rural Struc (Léonard et al., cit.) montre que ce type d’intégration contractuelle dans les chaînes agro-

industrielles concerne 10,6% des ménages enquêtés dans la Sierra de Santa Marta. Mais elle révèle également que son incidence est beaucoup plus large, du fait des logiques de redistribution des intrants au sein des réseaux sociaux, qui conduisent par ailleurs les bénéficiaires de cette redistribution à accroître leur participation au marché, à la fois pour solder leur dette et du fait des faible potentiel de conservation des semences hybrides utilisées (voir également Kuhfuss, 2007 ; Brun, 2008).

Figure 7 : Situation de la Sierra de Santa Marta Soteapan Acayucan Coatzacoalcos Minatitlán San Andrés Tuxtla Golfe du Me xiq ue

Fond cartographique: Base Sotavento IRD-CIESAS Etat de Veracruz

Pajapan Mecayapan

Réalisation: Eric Léonard

Principaux centres urbains Soteapan Municipalités de référence

Réserve de la biosphère “Los Tuxtlas” Moins de 100 m. d’altitude Entre 100 m.et 300 m. Entre 300 m.et 700 m. Entre 700 m.et 1000 m. Plus de 1000 m. d’altitude Routes asphaltées 0 10 20 km. S ier ra de Sa nta Marta Volcan Santa M arta V olc an S

an Martin Pajapan Lo s Tuxtlas Jáltipan L. de Catemaco L. de Sontecomapan L. del Ostión Cosoleacaque Tatahuicapan A

À l’exception des parties les plus hautes des deux volcans, le couvert forestier a cependant été très largement dégradé par les processus de colonisation agraire et de développement des activités agricoles, en particulier sous l’effet du boum de l’élevage, à partir des années 1970. On estime qu’entre 1950 et 1990, 75% de la végétation forestière aurait disparu et qu’à la fin des années 1990, il ne restait plus que 26 000 hectares présentant une couverture forestière continue et 12 000 autres formant des taches de végétations éparses (Lazos & Paré, 2000). L’appauvrissement de la biodiversité ne concerne pas seulement la végétation naturelle : sous l’effet des programmes de modernisation productive et du développement du modèle commercial d’agriculture, l’agrobiodiversité représentée par la milpa, le champ vivrier traditionnel associant des variétés locales de maïs, du haricot, des courges, du piment et d’autres cultures alimentaires (manioc, tarot, condiments), a également été soumise à un processus d’érosion. Entre 1965 et 1995, les Popolucas auraient ainsi perdus 75% des plantes de la milpa (Blanco, 2006 ; Zurita Benavides, 2009).

La richesse environnementale de la SSM ne se limite pas à cette biodiversité menacée. Ses ressources hydriques sont aussi stratégiques dans la régulation de l’équilibre de la région du sud du Veracruz. Son rôle de captation de l’eau pluviale est fondamental pour l’alimentation du lac de Catemaco et des lagunes de Sontecomapan et de l’Ostión, qui hébergent une végétation de mangrove menacée ; d’un point de vue socio-économique, les sources hydriques de la Sierra

sont essentielles pour l’approvisionnement des centres urbains et industriels que sont Minatitlán, Coatzacoalcos, Cosoleacaque et Jáltipan, dont la population totale dépassait 765 000 habitants en 2005.

Du fait de son importance écologique, le territoire de la région de la Sierra de Santa Marta bénéficie d’un statut environnemental particulier puisqu’il se situe dans la zone tampon de la Réserve de la Biosphère qui a été créée en 1998 et qui se distribue sur les trois sommets de la chaîne volcanique de Los Tuxtlas (voir la figure 7 et le chapitre 3).

Le territoire de diversité que représente la Sierra de Santa Marta ne se limite pas à la dimension biologique, mais concerne sa richesse culturelle. En 2005, les quatre municipes de la SSM abritaient une population indigène de près de 55 400 individus, soit presque 81% de la population totale de la région (INEGI, 2005). Les Popolucas et Nahuas y sont très majoritaires.

Les premiers sont essentiellement présents dans le municipe de Soteapan et les seconds dans ceux de Mecayapan, et Pajapan. Le municipe de Tatahuicapan, quant à lui, est habité par des Popolucas, des Nahuas et des populations métisses, principalement installées sur le versant côtier de la Sierra, à l’occasion du processus de colonisation agro-pastorale des années 1970 et 1980. Il existe certaines formes de rivalité entre les Popolucas et les Nahuas, qui sont liées à l’histoire du peuplement et au déplacement graduel des centres de gravité politique et économique de la région au cours de la période récente5, mais qui s’expliquent aussi par

d’importantes différences culturelles. Si l’espagnol est employé comme langue franche entre les deux ethnies, le zoque-popoluca et le nahua, encore très largement parlés, ne sont absolument pas inter-compréhensibles puisqu’ils sont rattachés à deux ensembles linguistiques différenciés, le Zoque du groupe Maya-Totonaque, et le groupe Uto-Aztèque, auquel sont apparentées les deux variantes de nahua6

parlées respectivement a Mecayapan et Pajapan. Les différences de fonds culturelles entre Popolucas et Nahuas se traduisent par une grande diversité de croyances, de coutumes, de rituels et de fêtes. Si le catholicisme est bien ancré dans la religion popoluca, c’est sous une forme syncrétique qui laisse une part importante à des figures préhispaniques comme Hurakan, le dieu du vent ou encore Jomchuk, le dieu du maïs (Blanco, 2006). Bien que le carnaval ou fête du maïs qui s’étendait au long de la semaine sainte ait disparu dans les années 1930 (Velázquez, 2006), des rituels individuels de purification à l’encens au moment des semis sont toujours pratiqués et la figure de Jomchuck/Jésus Christ continue d’être célébrée collectivement dans les différentes communautés popolucas, témoignant d’un attachement religieux au maïs toujours bien présent. Ces rituels accordent une place importante à la figure des chaneques, des génies associés aux sources d’eau et à la pluie, qui sont à la fois craints et vénérés à travers des sculptures préhispaniques dont on a retrouvé de nombreuses exemplaires dans la Sierra. L’une d’elle, représentant un jaguar et installée au sommet du San Martín a été transférée en 1962 au musée d’anthropologie de Xalapa ; une autre pierre préhispanique représentant une figure humaine avec une ceinture de serpent est assimilée à la figure du Saint catholique Saint Cyrile dans la communauté de Tatahuicapan : San Cirilito

B Historiquement, les Popolucas de San Pedro Soteapan ont exercé une prééminence politique dans la Sierra, qui

s’est prolongée bien longtemps après l’installation de groupements nahuas, expulsés des zones côtières du bas- Coatzeacoalcos et de l’actuel Tabasco par les excursions de pirates, entre la fin du XVIe et le XVIIe siècles. La création de municipalités indépendantes au début du XIXe siècle, puis les politiques de restructuration territoriale et de développement agropastoral entreprises au cours du XXe siècle ont érodé graduellement l’influence politique de Soteapan. La colonisation agraire de la Sierra, en particulier, a favorisé la consolidation de bourgs a majorité nahua, tels que Tatahuicapan et Pajapan, comme centres administratifs et économiques concurrents de Soteapan, le premier devenant un chef-lieu municipal en 1996, par démembrement des muncipalités voisines de Soteapan et Mecayapan (voir Velázquez, 2000 et 2006).

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Le Nahua est la première langue indigène parlée au Mexique avec près de 1,5 millions locuteurs. Elle se décline selon une douzaine de variantes principales et un très grand nombre de dialectes.

voyage de maison en maison et on lui attribue notamment le pouvoir de faire pleuvoir (Blanco, Paré & Velázquez, 1996). Bien qu’elles soient menacées par le processus de modernisation, ces croyances restent donc largement vivantes. Loin de vouloir les réduire à leur dimension folklorique, nous voulons signaler l’importance de les prendre en compte dans la perspective de l’appropriation endogène de n’importe quelle dynamique de changement institutionnel tel que le proposent les politiques de développement durable.

La Sierra de Santa Marta apparaît donc comme un terrain particulièrement pertinent pour évaluer la capacité du dispositif mexicain de développement rural durable à relever les défis d’intégration des dimensions productive, sociale, environnementale et culturelle du DD, ainsi que pour en analyser les formes d’endogénisation résultant de la « mise en actes » de ce dispositif. Une contrainte structurante de ce point de vue réside dans l’absence d’une instance légitime de coordination supra-municipale qui fasse sens pour les acteurs locaux. Aucune organisation indigène régionale n’a émergé de la longue histoire de confrontation entre les revendications d’autonomie des communautés locales – les Popolucas en particulier – et le projet d’intégration de l’Etat-Nation post-révolutionnaire (Velázquez, 2006 ; Léonard & Velázquez, 2009), alors que la période récente de démocratisation et de remise en cause du modèle d’Etat régulateur a conduit à l’effondrement des organisations corporatives (de paysans, d’éleveurs) qui assumaient les fonctions de mise en rapport entre les intérêts locaux et les instances étatiques.

Les dynamiques politiques contemporaines sont ainsi marquées par le factionnalisme et la conflictualité des processus électoraux, alors que le clientélisme demeure un principe structurant de la gouvernabilité aux échelons local et municipal. Les trois municipes sur lesquels nous avons centré notre analyse – Soteapan, Mecayapan et Pajapan – sont représentatifs de cet émiettement politique, puisqu’au moment de notre enquête ils étaient dirigées par des autorités se réclamant respectivement du PRI, du PRD et du PAN. L’implantation de ces partis au niveau local correspond à des dynamiques propres à la région de la SSM. Ainsi, on peut distinguer un PRI « institutionnel » classique, dominé par l’élite locale des maîtres d’école syndicalistes, d’un PRI plus paysan et basiste, qui a été largement investi par l’organisation Antorcha Campesina, dont on verra l’influence dans le municipe de Soteapan. Le PRD, quant à lui, s’est implanté dans la région à travers les réseaux issus des « communautés ecclésiales de base» inspirées de la Théologie de la libération (voir la partie suivante), de différentes organisations sociales et de maîtres d’école en rupture avec le syndicat officiel. Le PAN, pour sa part, n’avait pas d’existence organique dans la région, jusqu’à la résurgence d’un figure emblématique du corporatisme d’Etat, Círilo Vázquez, ancien dirigeant du syndicat des éleveurs du Sud de Veracruz, tombé en disgrâce et exilé au début des années 1990, puis revenu dans le jeu politique régional à l’occasion de l’alternance de 2000, pour réactiver ses vastes réseaux clientélistes sous la bannière du parti du président Fox7.

Si ces divisions politiques ne contribuent évidemment pas à l’émergence des projets de développement régional, elles sont parfois dépassées lors de mobilisation défensives aussi brèves qu’intenses. Ces actions collectives ont porté, au début des années 1990, sur le rejet d’un projet de monoculture d’eucalyptus (voir infra) et, plus récemment, sur le refus de payer

3 A l’occasion des élections municipales de 2004, Círilo Vázquez a été le grand organisateur de la campagne du

PAN dans le Sud de Veracruz. Grâce aux réseaux et aux loyautés qu’il avait bâtis au cours des années 1980, il