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Quelle prise en compte de l’agriculture et de ses espaces dans le SCoT et dans les PLU ?

Chapitre 1 Agir sur la ressource et l’activité agricoles

B. Quelle prise en compte de l’agriculture et de ses espaces dans le SCoT et dans les PLU ?

Précisons que l’élaboration du SCoT de Nantes-Saint Nazaire s’est déroulée sur la période 2004-2007 et le projet a été approuvé en mars 2007, soit sept ans après que la loi SRU de 2000 ait instituée ce document. Le SCoT porte sur un grand territoire composé de cinq intercommunalités44 (57 communes) dont fait partie Nantes-Métropole. Sur les 800 000 habitants que comptent les territoires du SCoT, la majorité se trouve dans les deux pôles urbains de Nantes et de Saint-Nazaire. S’ajoutant aux nombreux autres périmètres existants sur le territoire, le périmètre retenu intègre deux aires urbaines mais celui-ci ne recouvre pas la totalité des deux aires. Par ailleurs, le traitement de la question agricole au niveau communautaire semble être, aux dires d’H. Garnier45, un élément qui facilite sa prise en compte dans le SCoT. D’après elle, dans le cas où les terres d’un exploitant sont dans une commune mais que son siège d’exploitation se situe dans une autre commune, les discussions entre communes s’en trouvent facilitées. L’échelle communautaire faciliterait également la prise en compte de l’agriculture d’un autre point de vue, du fait de ce que Helin et Struillou (2007, p.4) nomment « l’effet parapluie » : « Au niveau communal, la question du zonage est souvent très

conflictuelle. Aussi pouvoir recourir aux orientations du SCOT qui figent telles ou telles zones peut être intéressant pour certaines communes pour préserver dans les PLU certaines zones agricoles ou encore pour limiter le mitage ».

Le contexte posé, il s’agit maintenant d’étudier les modalités de prise en compte de l’agriculture au travers de ce dispositif de planification territoriale qu’est le SCoT de la métropole NantesSaint- Nazaire. La présente analyse s’appuie largement sur les sources suivantes :

- la lecture des documents validés (rapport de présentation, PADD, DOG) ;

- les entretiens que nous avons réalisés notamment auprès d’Hélène Garnier, chef du service coordination et cohérence urbain à Nantes Métropole ;

- la démarche AgriSCoT issue du projet AgriSCoT conduit par Terres en Villes qui a étudié celui de Nantes-Saint Nazaire entre autres46;

- les résultats de la mission que le Ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables (DGUHC) a confiée au Groupe de recherche sur les institutions, le droit de l'aménagement et l'urbanisme (GRIDRAUH) et qui portait sur l’évaluation des premiers SCoT.

Nous ne prétendons pas mener une analyse exhaustive du traitement qui est fait de l’agriculture à travers le contenu du document (nous ne traitons pas de l’implication des acteurs et de leurs interactions par exemple). L’objectif est, en reprenant chacune des parties qui constituent le SCoT, de faire ressortir les éléments les plus essentiels pour comprendre la place qui est faite à l’agriculture dans l’agglomération nantaise à la lumière de la situation que nous avons décrite dans la partie précédente.

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Depuis son extension en juillet 2010, le SCoT repose sur 6 intercommunalités regroupant 61 communes sur 1873m² pour 800 000 habitants et 350 000 emplois (source : diagnostic agricole de la CARENE).

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Entretien avec Hélène Garnier, chef du Service coordination et cohérence urbaine de NM (30 mai 2012). 46

Le projet AgriSCoT concerne la prise en compte de l’agriculture et de ses espaces dans la planification stratégique : SCoT, les Directives Territoriales d’Aménagement (DTA)… Il s’est déroulé en 2009-2010 et a abouti à la démarche AgriSCoT diffusée sous la forme de publication d’un cahier et d’un guide, en cours d’actualisation.

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Dans le rapport de présentation, un point nous semble important à soulever car en avance sur son temps : « Avant même l’adoption de l’article 36 de la loi du 5 janvier 2006 qui, désormais, impose aux

auteurs du SCOT de répertorier ces besoins [en matière d’agriculture], le diagnostic avait ici déjà pris en compte cet élément clé du SCOT » (Helin & Struillou, 2007, p.30). Le diagnostic en matière agricole

concerne par exemple l’état et l’évolution des terres et des exploitations, les grandes typologies de production, l’imbrication ville/campagne…Par ailleurs, le territoire agricole est perçu comme un « lieu d’enjeux forts » notamment du fait que « Nantes Métropole concentre pour sa part près du

quart des espaces classés à vocation agricole du SCoT »47.

L’analyse du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du ScoT permet de comprendre la vision de l’agriculture sous jacente et les attentes formulées envers celles-ci. Ce qui nous semble être une évolution majeure est que la démarche du SCoT témoigne de la volonté de reconnaitre l’espace agricole comme une composante du territoire et non plus comme une simple réserve foncière. De plus, l’agriculture est l’une des cinq orientations du projet politique du SCoT à savoir « Conforter l’activité agricole et valoriser un espace agricole pérenne » (PADD). Le fait qu’un volet à part lui soit consacré au sein du SCoT, qui plus est n’est pas obligatoire, permet de traiter de l’agriculture sous plusieurs angles : l’économie, l‘environnement, le foncier, le paysage, le territoire voire de poser les bases d’une politique agricole. Cette dernière remarque fait référence à un avis donné par le guide publié par Terres en Villes : « en qualifiant l’agriculture souhaitée sur le territoire,

c’est un projet agricole qui est défini »48. Toutefois, une fonction semble amplement développée dans le SCoT, la reconnaissance du rôle majeur de l’agriculture dans le fonctionnement global du territoire, comme en témoigne cette extrait : « Le Scot reconnaît le caractère tout à fait central des

questions agricoles dans la stratégie de développement du territoire » (PADD, p.37). Enfin, nous

pourrions être dubitatifs quant à la prise en compte de l’agriculture et de ses espaces puisque le PADD avance son ambition de développement de la métropole et a pour objectif de « conforter et

[d’]améliorer son positionnement européen » (p.7). Cependant, comme le signalent Helin et Struillou

(2007, p.38) « Si l’objectif développement semble ainsi prépondérant dans la fixation des objectifs des

politiques d’urbanisme, la "durabilité" du projet n’est pas pour autant totalement occultée ».

Après avoir énoncé « les grandes orientations générales de l’organisation de l’espace et de la

restructuration des espaces urbanisés » (p.2-6), dont l’enjeu est de limiter l’étalement urbain, le DOG

présente « les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces naturels agricoles ou forestiers » (p.6-8). C’est selon nous une manière, ne serait-ce que dans l’intitulé, de mettre en avant le lien entre urbanisme et agriculture. Trois grands principes structurent cet objectif d’équilibre entre espaces : économiser l’espace et assurer un développement cohérent, assurer la protection de l’espace agricole et développer les espaces forestiers. Afin de comprendre la déclinaison de ces principes, nous pouvons reprendre deux des entrées de la démarche AgriSCoT : les espaces agricoles et les activités agricoles. Ces éléments non exhaustifs sont à mettre en relation avec les insuffisances des anciens documents d’urbanisme évoquées dans la section I.A. de ce chapitre.

47 Syndicat mixte du Schéma de cohérence territoriale de la métropole Nantes Saint-Nazaire. Rapport de

présentation 2 - État initial de l’environnement

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Dans le DOG, la prise en compte de l’agriculture passe par la protection des espaces agricoles, supports de l’activité agricole. Le document mentionne différents moyens pour atteindre cet objectif. Le classement et la réglementation des espaces sont un premier moyen utilisé pour protéger l’agriculture. En effet, le DOG préconise trois types de zonages pour « garantir la vocation agricole

d’espaces cohérents » : les zones correspondant à l’habitat isolé (zones dites NH), les zones

d’agriculture non pérenne ou d’enjeux (zones dites NX) et les zones agricoles durables (zones dites A). L’analyse de ces trois zones s’appuie, de manière complémentaire au DOG du SCoT, sur l’entretien que nous avons eu avec Hélène Garnier49 et le document « Métropole verte et bleue »50 réalisé par Nantes Métropole suite à l’approbation des PLU. Même si la superficie consacrée aux zones NX est importante (895 hectares) par rapport à celle dédiée aux zones NH (475 hectares), la dimension agricole est assurée dans les PLU de 2006 car les zones A recouvrent 15 003 hectares51. Revenons un peu plus en détail sur chacune de ces zones. La création des zones NH autorise les constructions à usage d’habitation non liées à l’agriculture mais de manière très limitée car est instaurée une règle de 50 m² de SHOB52 qui encadre l’évolution des constructions existantes.

Les zones d’agriculture non pérenne (Nx) sont des zones où l’usage agricole n’est pas garanti au-delà du PLU. Il s’agit de zones naturelles aujourd’hui à vocation agricole mais dans lesquelles est interdite la construction des sièges d’exploitation pour éviter qu’il y ait de nouveaux agriculteurs qui s’installent alors que la viabilité sur le long terme n’est pas assurée (pas de repreneur, friches alentours…). D’après H. Garnier, c’est une manière de figer ces espaces le temps d’avoir une vision prospective suffisante. Elle ajoute que, dans le cadre du Grenelle, Nantes Métropole est amenée à mettre en place un PLU intercommunal qui doit être approuvé avant le 1er janvier 2016 ; la révision générale des PLU est donc prévu pour fin 2012-début 2013. Ce sera alors l’occasion, nous dit elle, de redéfinir la vocation de ces espaces qui seront alors reclassés soit en zone agricole ou en zone d’urbanisation future soit seront maintenues en zone Nx.

La définition des zones agricoles durables est un élément clé du SCoT. Vouées exclusivement à l’activité agricole avec un engagement pris pour vingt ans, ces zones donnent une lisibilité à l’agriculteur en s’engageant sur un terme plus long que les documents d’urbanisme. Alors que les extensions mesurées des habitations étaient possibles dans les zones NC des POS antérieurs, celles-ci ne sont désormais pas autorisées en zone A.

Une autre particularité du SCoT réside dans la création de zones de forêts urbaines qui représentent au total 1 416 hectares. Il s’agit de zones dans lesquelles il y avait de la déprise agricole au sens où ces territoires n’étaient pas viables pour l’agriculture. Pour autant le souhait émis était de ne pas favoriser l’étalement urbain et donc de ne pas les rendre constructibles. L’objectif suivi était de leur donner une vocation afin qu’ils ne se transforment pas en friches car ces dernières autorisent une pression accrue pour l’urbanisation. Ce concept de forêt urbaine, inscrit dans la Directive Territoriale d’Aménagement estuaire de la Loire – niveau supérieur au SCoT –, est encore en projet mais à terme il s’agit de développer l’agroforesterie dans un contexte de changement climatique (diversification des modes de production d’énergie…).

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Entretien avec Hélène Garnier, chef du Service coordination et cohérence urbaine de NM (30 mai 2012). 50

Le document « Métropole verte et bleue » porte sur les éléments inscrits dans les PLU concernant la thématique de la trame verte et bleue dont une grande partie traite de l’agriculture (DGDU-SCCU-2009). 51

Ibid. 52

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Le DOG utilise également la quantification et la délimitation des espaces agricoles pour protéger ces derniers.

Il définit un stock de surfaces à préserver pour l’agriculture car il fixe comme objectif de pérenniser, au minimum, à plus de vingt ans, 69.000 hectares d’espaces agricoles pérennes (zonage A au sens de l’article R 123-7 du code de l’urbanisme) sur les 78.000 recensés en 2004 mais ce chiffre ne semble plus être d’actualité53. Nous regrettons de n’avoir pu éclaircir ce dernier point.

De plus, le DOG fixe une proportion à respecter dans le temps entre espaces urbains et espaces agricoles et répartit par territoires des surfaces à protéger. Il s’agit de maintenir les 85% d’espaces agricoles ou naturels que compte le territoire. La répartition du foncier agricole se fait par intercommunalité par le biais des schémas de secteurs qui fixent à leur tour la répartition par commune, ce qui laisse une marge d’interprétation pour l’adaptation des limites des espaces à protéger au contexte local. H. Garnier nous livre quelques précisions à ce sujet54. Nantes Métropole n’a effectivement pas de schéma de secteur car les vingt-quatre PLU qu’elle compte sont considérés comme équivalents à celui-ci. Néanmoins, Nantes Métropole dispose d’un service chargé de la coordination de ces vingt-quatre PLU et de pérenniser au moins 14 400 hectares d’espaces agricoles (deuxième rang sur les cinq intercommunalités qui composent le SCoT) pendant au moins vingt ans. Compte tenu de cette obligation, un système de compensation se met en place s’il se produit la suppression d’une terre agricole. Dans ce cas, une terre agricole dans une zone Nx peut être amenée à être reclassée en zone à vocation agricole A si un repreneur a été trouvé par exemple. A notre connaissance, ce principe n’a pas encore été mis en application (information non vérifiée). L’objectif de réduction de 10% de consommation annuelle d’espace par l’urbanisation est un autre exemple d’orientation chiffrée qui reflète la volonté d’économiser l’espace et d’aller vers une densification accrue des centres urbains.

Enfin, le DOG localise les espaces où l’agriculture joue un rôle stratégique à travers une carte des enjeux agricoles du territoire. Le document informe que les schémas de secteurs et les PLU sont amenés à préciser et délimiter plus finement les espaces concernés. Cette carte indique notamment le maintien des coupures vertes entre les bourgs et les centres urbains, le maintien d’une activité agricole dans les couronnes urbaines des pôles urbains, la préservation des espaces agricoles situés autour du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, et notamment ceux situés entre le site du projet et l’agglomération nantaise.

Par ailleurs, le DOG localise des limites pour l’urbanisation et ce de deux manières : en délimitant les extensions urbaines et en définissant trente-six coupures vertes (emprise non connue). Les coupures vertes identifient et localisent les grandes coupures paysagères le long de certains grands axes de communication (toute nouvelle urbanisation y est interdite) pour éviter une « urbanisation

linéaire »55. De plus, le DOG identifie, qualifie et localise les lieux susceptibles d’accueillir une urbanisation diffuse (écarts, hameaux et villages) et fixe des règles pour limiter cette dernière. Ces règles consistent par exemple à imposer aux PLU la prise en compte « [du] potentiel de densification

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Séminaire du groupe « Gestion de l’espace » - Réseau Rural Français - 31 mai 2010. 54

Entretien avec Hélène Garnier, chef du Service coordination et cohérence urbaine de NM (30 mai 2012). 55

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du centre-ville et [du] potentiel résiduel de construction dans les hameaux et villages »56 avant d’envisager des extensions urbaines.

Parallèlement à la protection des espaces agricoles, le DOG prescrit des mesures concernant la protection des sièges d’exploitation et de l’activité agricole.

En effet, il protège les sièges d’exploitations et l’activité agricole en imposant notamment aux PLU de « définir la distance maximale entre les bâtiments d’exploitation et le logement de fonction et à

défaut les conditions d’implantation des logements en continuité du bâti existant le plus proche (écart, hameau, village) » (DOG, p.7).

De plus, il réglemente la localisation de l’urbanisation à proximité des exploitations notamment en limitant « la construction d’habitations aux abords des sièges d’exploitation » (p.7) y compris les logements de fonction. Il interdit toute construction en zone NH et n’autorise en zone naturelle que « les constructions légères nécessaires pour les pâturages et la gestion des prairies humides » (DOG). Par ailleurs, le DOG limite « la fragmentation des exploitations agricoles par les infrastructures » (p.7) et prend en compte les impacts de l’urbanisation sur la desserte des espaces agricoles : « L’extension

des villages doit être limitée et ne doit pas entrainer un agrandissement de la zone agglomérée sur les voies d’accès ni contraindre les activités agricoles » (DOG). Même si ce sont des règles générales,

celles-ci contribuent à donner davantage de visibilité à l’activité agricole en s’intéressant aux conditions de son exercice et à territorialiser la politique agricole57.

C.

Limites relatives à la prise en compte de la question agricole dans le SCoT et