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Prise en compte de l'évaporation dans les modèles de drainage saturés

Etat de l'art

3.3. Prise en compte de l'évaporation dans les modèles de drainage saturés

Les différents travaux menés pour prendre en compte l'évaporation dans les équations du drainage ont eu comme objectif l'augmentation des écartements entre les drains, afin de réduire les coûts des projets de drainage. Les approches reposent uniquement sur un critère d'excès d'eau, car la participation de l'évaporation au tarissement de la nappe accélère sa dynamique, d'où la nécessité d'une efficacité du drainage moindre, et l'augmentation des écartements prescrits. Ces travaux n'ont en revanche pas comme objectif la lutte contre la salinité et ne s'intéressent ni au calcul de la restitution du réseau de drainage, ni au contrôle du critère de fraction de lessivage.

La mise au point de modèles de tarissement de la nappe sous l'effet conjoint du drainage et de l'évaporation a généralement été effectuée par la combinaison d'une équation en régime

permanent à une équation de continuité. L'équation en régime permanent (du type de

l'équation de Hooghoudt (3.1)) est assimilable à une équation dynamique à l'échelle de la parcelle, car elle relie un débit à une hauteur de nappe à l'interdrain. L'équation de continuité, ou bilan hydrique, permet, à l'échelle de la parcelle également, de relier la variation de hauteur de nappe à l'interdrain, au débit et au prélèvement par évaporation dans la nappe. Cette approche parcellaire, qui conduit à une équation en régime variable, est donc fondée sur

l'hypothèse que le régime variable correspond à une succession de régimes permanents. Elle

suppose que le prélèvement dans la nappe ne peut agir sur la relation entre le débit et la hauteur de nappe à l'interdrain (nommée également relation Q(H) par la suite).

Les relations entre débit et hauteur de nappe ne sont dans ce cas pas fixées a priori. Les recherches fondées sur les deux approches sont développées dans cette section.

3.3.1. Relation entre débit et hauteur de nappe à l'interdrain fixée a

priori

Des modèles fondés sur la combinaison d'une équation en régime permanent à une équation de continuité ont été développé dans des zones géographiques bénéficiant d’un climat aride ou semi-aride : Chine ; Egypte ; Etats-Unis ; Inde.

Les équations dynamiques à l'échelle de la parcelle utilisées différent principalement selon

qu'elles reposent ou non sur l’hypothèse de Dupuit-Forchheimer. Cette hypothèse suppose l'écoulement horizontal dans la zone saturée. Dans ce cas, le gradient de charge hydraulique peut être assimilé à la pente de la surface piézométrique.

Pandey et Gupta (1990), Nikam et al. (1991) et Gupta et al. (1993) en Inde, et Skaggs aux Etats-Unis (1980) utilisent l'équation de Hooghoudt (3.1) et ipso facto, les hypothèses de Dupuit. Seul Hammad (1962) en Egypte, qui semble également être le premier auteur à avoir cherché à introduire une composante d'évaporation dans les formules de tarissement, développe une équation dynamique non fondée sur l'hypothèse de Dupuit. L'auteur résout l'équation de Laplace au sein du milieu saturé en supposant que la perte de charge au dessus des drains est faible devant la perte de charge totale. Il obtient, en régime permanent, une relation non explicite entre le débit aux drains et la hauteur de nappe à l'interdrain. Les chercheurs chinois ont produit une abondante littérature (non traduite) sur le thème du drainage sous évaporation depuis le début des années 1980. Ils semblent de plus être les seuls à utiliser un modèle prenant en compte l'évaporation dans leur pratique de conception. Wenyan et al. (1994), font la synthèse de ces travaux. Ils n'utilisent cependant qu'une équation dynamique de type conceptuelle, dans laquelle débit et hauteur de nappe sont proportionnellement reliés par un coefficient de « résistance à l'infiltration » (qui dépend de la profondeur de l'imperméable, de l'écartement et du diamètre des drains, et de la hauteur de nappe à l'interdrain), par la conductivité hydraulique, et par l'écartement entre les drains. Les approches diffèrent de plus par le type de prise en compte de l'évaporation dans l'équation

de continuité. La plus utilisée est la fonction (1.1) d'Averianov (1956). Cette fonction est

généralement simplifiée en une décroissance linéaire du prélèvement dans la nappe avec la profondeur de la nappe. Par exemple, Pandey et Gupta (1990) utilisent la fonction suivante :

P = E0 ( 1- b(H0-H)) (3.5)

où :

- P est le prélèvement dans la nappe (LT-1) ; - E0 est l'évaporation en bac d'eau libre (LT-1) ; - H est la hauteur de nappe à l'interdrain (L) ;

- b est un coefficient à ajuster (L-1).

Nikam et al. (1991) utilisent la même procédure que Pandey et Gupta (1990) en utilisant une succession de segments de pentes différentes pour décrire la décroissance avec la profondeur du rapport entre le prélèvement dans la nappe et l'évaporation en bac ; Hammad (1962) suppose de plus que le coefficient b est égal à l'inverse de la profondeur de la nappe (b = H1

0). Skaggs (1980) suppose que la totalité de l'évaporation est prélevée dans la nappe jusqu'à concurrence du flux limite ; à partir d'observations réalisées sur de longues périodes, Wenyan et al. (1994) notent la non validité de la loi conceptuelle (1.1) d'Averianov (1956) dans le calcul de l'écartement des drains, qui serait dans ce cas surestimé ; leurs résultats montrent que le rapport entre le prélèvement dans la nappe et l'évaporation en bac d'eau libre n'est pas uniquement fonction de la profondeur de la nappe, mais aussi de la valeur de l'évaporation ; ce rapport diminue lorsque l'évaporation augmente. Wenyan et al. (1994) optent pour une modélisation conceptuelle, fondée néanmoins sur le concept de flux limite. Ils proposent la formulation suivante : P = ql (1 - e-ηE0/ql) (3.6) où : η = e-(1/ql)n' (3.7) 0 1 2 3 4 0 2 4 6 8 10 12 P r of onde ur de na ppe ( m) F lu x ( mm/ j)

Flux limit e Flux pr é le vé da ns la na ppe

Figure 3.4. Exemple de décroissance du prélèvement dans la nappe avec sa profondeur (d'après Wenyan et al., 1994).

conductivité hydraulique non saturée définie par la relation (1.4) ; (2) à la conductivité hydraulique non saturée définie par la loi de Gardner (1.4a). Un exemple de la décroissance du prélèvement dans la nappe avec sa profondeur est donné figure 3.4. Cette approche est intéressante car elle présente de nombreuses similitudes avec les observations réalisées à la section (2.2.2.) : les flux prélevés dans la nappe décroissent dès que la profondeur de la nappe n'est plus nulle, d'abord indépendamment du flux limite, puis ils tendent vers ce flux lorsque la profondeur augmente.

Lorsque le choix de la fonction de prélèvement par évaporation dans la nappe est réalisé, l'écriture de l'équation de continuité (ou bilan hydrique) s'effectue de la façon suivante (Pandey et Gupta, 1990) :

Q + E0 ( 1- b(H0-H)) = - µ C dH

dt (3.8)

où :

- µ est la porosité de drainage ; - Q est le débit aux drains ;

- C est un facteur de forme de nappe.

Le facteur de forme de nappe, C, utilisé par les auteurs est inspiré des travaux de Bouwer et van Schilfgaarde (1963). Il correspond au ratio du rabattement moyen de la nappe entre les drains sur son rabattement à l'interdrain ; sa valeur est comprise entre 0,8 et 1. Le facteur de forme de nappe est également utilisé par Skaggs (1980) ainsi que par Wenyan et al. (1994). Une définition plus rigoureuse des facteurs de forme de nappe sera donnée à la section suivante, tandis que l'importance de leur rôle dans le calcul du débit aux drains sera mis en évidence au chapitre 4.

On notera par ailleurs que le concept de porosité de drainage est étendu, sans discussion de la part des auteurs, à la phase de prélèvement dans la nappe dans l'équation de continuité (3.8). Implicitement, cette hypothèse signifie qu'un prélèvement dans la nappe agit de manière identique sur le rabattement de la nappe qu'un drainage gravitaire. Nous avons cependant montré, au chapitre 2, que le mécanisme de rabattement d'une nappe sous l'effet de l'évaporation était complexe et ne pouvait être pris en compte par une simple porosité indépendante de la profondeur de la nappe et qui, de plus, serait identique à la porosité de drainage gravitaire.

L'équation (3.8), combinée à l'équation de Hooghoudt (3.1) et intégrée, fournit l'équation de tarissement suivante : t CL K d E bL Ln H H K H K d E bL K H K d E bL = μ + + + + + ⎛ ⎝ ⎜ ⎠ ⎟ 2 1 0 2 0 2 1 0 2 2 0 1 0 2 2 2 2 (3.9)

où t est le temps nécessaire pour un rabattement de nappe de la nappe affleurante à l'interdrain H0 à la hauteur H. L'équation (3.9) est explicite. Les équations développées par Hammad (1962) et par Wenyan et al. (1994) ne le sont en revanche pas, car les équations dynamiques utilisées n'expriment pas explicitement le débit en fonction de la hauteur de nappe à l'interdrain. Le calcul de l'écartement entre les drains s'effectue alors par itérations successives. Les équations de tarissement de la nappe développées uniquement pour calculer l'écartement entre les drains selon un critère d'engorgement des racines, peuvent également être résolues en débit. Cependant, malgré les différences significatives qu'elles présentent, ces équations

reposent toutes sur la même hypothèse de relation Q(H) fixe. Cette hypothèse signifie que les

formes de la nappe et les relations entre débit et hauteur de nappe sont identiques dans deux situations très différentes : (1) en régime permanent, lorsque l'intensité pluviométrique est égale au débit aux drains ; et (2) en tarissement influencé par l'évaporation, lorsque l'évaporation « pompe » dans la nappe. La pertinence de cette hypothèse ne peut être analysée que par la recherche d'une solution du régime variable par l'intégration d'une équation différentielle telle que l'équation de Boussinesq (1904) qui combine localement équation de continuité et équation dynamique.

3.3.2. Relation entre débit et hauteur de nappe à l'interdrain non