• Aucun résultat trouvé

A ce jour il n’y a pas de réel traitement curatif ou préventif de la PNMAR. Le sepsis étant un élément clé de la pathologie, la prise en charge de ce dernier peut avoir un intérêt majeur. Le « guide international de la prise en charge du sepsis et du choc septique » (édition 2016) recommande par exemple une caractérisation du sepsis avec une évaluation de sa source, afin d’émettre le meilleur diagnostic et d’appliquer l’antibiothérapie la mieux adaptée. De plus il faut mettre en œuvre une restauration hémodynamique avec administration de fluide pour palier à l’hypovolémie avec ou sans vasopresseurs, une utilisation modérée de

53 glucocorticoïdes, une dialyse s’il y a défaillance rénale, le contrôle de la glycémie et une prise en charge nutritionnelle des patients, que ce soit en nutrition entérale ou parentérale [110].

Du fait de l’importance de la réaction inflammatoire, de nombreux essais cliniques ont étudié la possibilité d’utiliser des inhibiteurs spécifiques. Cela a été fait avec des anti-TNF-α (anticorps (Ac) contre le TNF-α ou contre son récepteur), des anti IL-1, des anti PAF (pour platelet-activating factor), des anti LPS, ou l’utilisation de pentoxifylline (inhibiteur de la libération de TNF-α [111]. Aucune de ces études n’a obtenu de résultats encourageants pour permettre une utilisation thérapeutique. Seuls les anti-TNF-α (Ac anti TNF-α) ont permis d’obtenir une réduction de la mortalité de 3% [49].

L’utilisation de la pharmaco-nutrition peut également avoir un intérêt dans la prise en charge du sepsis. Des effets bénéfiques ont été observés avec les AGPI-3 (Acide gras poly insaturé 3) chez les patients en service de réanimation, avec diminution de la mortalité et des infections [113]. Chez l’animal, les AGPI-3 ont un effet anti inflammatoire à la fois local, intestinal et plasmatique avec diminution de la quantité d’IL-1β, TNF-α et IL-6. Néanmoins, dans une étude utilisant de la dexametasone, il a été montré que les AGPI-3 n’avaient pas d’effets bénéfiques sur la perte de masse musculaire, et même majoraient fortement l’expression de MAFbx et MuRF1 [114]

L’utilisation des antagonistes β2-adrenergiques peut être une voie d’action intéressante dans la prise en charge de la perte de masse musculaire lors du sepsis [115]. La stimulation des β1-adrenergiques, qui ont un effet opposé à celui des β2-adrenergiques, a montré des effets délétères sur la survie des patients en réanimation et sur la fonction cardiaque [116]. A l’opposé, l’utilisation de β2-adrenergiques dans d’autres pathologies a montré des effets bénéfiques sur la masse musculaire, comme lors de cachexie cancéreuse sur l’animal avec du formoterol [117], mais également suite à l’injection d’endotoxine sur 5 jours avec du clenbuterol [118]. Il y a aussi des effets bénéfiques sur la dysfonction diaphragmatique lors du sepsis (CLP de 16h) avec la terbutaline qui augmente la force de contraction ainsi que la vitesse de contraction [119].

Concernant les TGF-β, il n’y a ce jour aucune étude qui ait montré l’impact d’un inhibiteur de cette voie, ou d’une molécule comme la myostatine, sur la masse musculaire lors du sepsis. Du fait de son intérêt dans d’autres pathologies impliquant la perte de masse musculaire, comme expliqué précédemment, nous avons choisi d’étudier cette voie. Elle constitue la thématique du dernier article présenté dans cette thèse.

54 En conclusion, l’altération de la fonction musculaire est la résultante de plusieurs facteurs tels que l’atteinte de l’excitabilité membranaire, une modification de l’homéostasie calcique ou encore des modifications du métabolisme. L’ensemble de ces éléments est représenté dans la Figure 23.

Figure 23 : Mécanismes impliqués dans l’atteinte musculaire de la polyneuromyopathie acquise en réanimation.

55

III. La cachexie cancéreuse

A. Généralités

Le terme cachexie vient du Grec « kakos » et « hexis » qui signifie « mauvais état ». Elle se définit comme un syndrome multifactoriel clinique et métabolique entrainant une perte de poids progressive. La cachexie peut apparaitre dans de nombreuses pathologies chroniques telle que l’insuffisance cardiaque chronique, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’insuffisance rénale chronique, le sepsis et le cancer [121].

En 2011, Fearon propose une définition de la cachexie cancéreuse : « Cancer cachexia

is defined as a multifactorial syndrome characterised by an ongoing loss of skeletal muscle mass (with or without loss of fat mass) that cannot be fully reversed by conventional nutritional support and leads to progressive functional impairment. The pathophysiology is characterised by a negative protein and energy balance driven by a variable combination of reduced food intake and abnormal metabolism» [122]. Cette cachexie cancéreuse est indirectement responsable de 30% de la mortalité des patients atteints de cancer et par ailleurs, plus de 50% des patients qui meurent suite à leur cancer, présentent une cachexie [123]. Sa prévalence peut aller jusqu’à 83% pour les cancers de l’estomac et du pancréas, 79% pour le cancer de l’œsophage et 50-66% pour le cancer du poumon [124], avec une corrélation négative entre le pourcentage de perte de masse et la survie [125].

Chez ces patients, la cachexie va induire une augmentation des effets secondaires des traitements, l’incapacité de traiter les patients avec des cycles complets de thérapies, la réduction de la réponse aux traitements et par conséquent une diminution de la survie [126]. A cela il faut rajouter une diminution dramatique de l’activité physique qui impacte directement la qualité de vie des patients [127]. Les signes cliniques caractéristiques qui vont apparaitre sont : une fatigue générale (asthénie), une anorexie, une modification du métabolisme entrainant une perte de poids, avec une perte de masse grasse et surtout la perte de masse musculaire qui entraine un épuisement musculaire. Son diagnostic est rendu d’autant plus difficile que la première définition de la cachexie n’a été établie qu’en 2008, caractérisée par un panel de scientifiques [121]. Ils ont identifié comme critères la perte de poids >5% dans les 12 mois (ou IMC<20), associé à au moins 3 des 5 critères suivants : diminution de la force musculaire, fatigue, anorexie, indice de masse maigre faible et biochimie anormale (marqueurs de l’inflammation élevés (CRP (protéine C réactive), IL-6), anémie et faible albuminémie) (Figure 24). Un autre système de notation a été proposé en 2011 : le Cachexie SCOre (CASCO) [128], validé en 2017 sur un panel de 281 patients [129]. Ce score prend en

56 compte des paramètres tels que le degré de perte de masse, les marqueurs de l’inflammation, l’activité physique et un questionnaire sur la qualité de vie des patients. Cet index a même été proposé sous une forme simplifiée (MiniCASCO) afin d’éviter un nombre trop important de mesures à effectuer par le personnel de santé sur ces patients qui pourrait limiter son utilisation.

Figure 24 : Critères de diagnostic de la cachexie cancéreuse. Proposition selon par Evans et al. [121].