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II. Le syndrome de Marfan

5. Prise en charge médicamenteuse

Le traitement est essentiellement préventif avec l’utilisation de bêtabloquants (BB) en première intention. Shores et al. est le premier à avoir montré un bénéfice des BB, en 1994, dans une étude randomisée en ouvert en comparant 32 patients atteints du syndrome de Marfan traités par propanolol contre 38 contrôles non traités. Il était observé une

diminution du diamètre de l’aorte ascendante dans le groupe traité avec une diminution du nombre d’événements cardiovasculaires (46). Chez l’enfant, aucune étude prospective n’a été réalisée, mais une étude rétrospective sur 155 enfants âgés de moins de 12 ans

retrouvait les mêmes résultats (47).

D’un point de vue physiopathologique, les BB diminuent la fréquence cardiaque et par conséquent le nombre de distensions aortiques par minute. Il y a également une diminution de la force de contraction du ventricule gauche et donc de la vitesse d’augmentation de

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pression et de volume dans l’aorte en systole. Ils diminuent également la pression artérielle moyenne appliquée sur la paroi aortique au repos mais également à l’effort (48).

Les BB sont donc recommandés en première intention, chez tout patient atteint du

syndrome de Marfan, quelle que soit la taille de l’aorte, y compris chez l’enfant (4). Le choix du BB se tourne maintenant plus vers des BB cardiosélectifs, afin de minimiser les effets indésirables, comme l’Aténolol, malgré l’étude princeps qui utilisait un BB non cardiosélectif. La cible tensionnelle doit être inférieure à 120 mmHg de systolique et inférieure à 110 mmHg pour les patients aux antécédents de dissection. Pour la fréquence cardiaque, la cible de repos est de moins de 70 battements par minute et inférieure à 100 par minute pour un effort sous-maximal. Le traitement doit être maintenu à vie, y compris après chirurgie de l’aorte (49). En effet, l’ensemble de l’aorte est modifié par la maladie et une dissection peut intéresser les segments de l’aorte non opérée.

En cas de contre-indication aux BB ou d’intolérance, il a été longtemps recommandé d’utiliser en deuxième intention des inhibiteurs calciques bradycardisants, pouvant mimer les effets physiologiques des BB. Cependant, une étude récente a montré son effet délétère sur les souris atteintes du syndrome de Marfan, avec une progression plus rapide des anévrysmes et la survenue de dissections aortiques plus fréquentes (50). Il a été retrouvé une augmentation du taux de Smad-2, faisant partie de la cascade de signalisation du TFG- Béta. L’examen des registres de patients traités par inhibiteurs calciques bradycardisants irait dans le même sens avec un taux de complications aortiques et de chirurgie plus élevé. D’autres études sont nécessaires, mais l’on peut penser que les inhibiteurs calciques bradycardisants ne font plus partie d’une alternative thérapeutique acceptable.

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Une nouvelle alternative aux BB semble être possible avec les inhibiteurs du système rénine angiotensine par un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II).

L’étude expérimentale de Habashi et al. sur le modèle de souris KI a montré une

augmentation du signal de la voie du TGF-béta. Cette augmentation a été traitée par des anticorps anti-TFG-béta ou des inhibiteurs des récepteurs à l’angiotensine II (losartan) ayant comme effet similaire une diminution du signal de la voie du TGF-béta. Les ARA II, en se fixant sur ses récepteurs de type 1 au niveau des CML, inhibent la synthèse d’angiotensine II, en cause dans l’activation de la voie des TGF-béta et la synthèse des MMP. Les souris

traitées par placebo, losartan ou BB ont été comparées. Il a été observé une diminution du diamètre de l’aorte pour les souris traitées par BB et losartan (44). Cependant, seules les souris traitées par losartan avaient une diminution de l’atteinte histologique de la matrice extra cellulaire. De nombreuses études ont été ensuite réalisées pour étayer ces résultats, avec des protocoles différents et des résultats parfois contradictoires. Dans une petite étude de Brooke et al., il était comparé l’évolution de la taille de l’aorte ascendante chez 18

enfants atteints du syndrome de Marfan avant et après introduction d’un traitement par losartan en plus des BB. On retrouvait une diminution de la taille de l’aorte ascendante une fois le traitement par losartan introduit (51). Une plus grande étude, réalisée sur 604 enfants traités par aténolol ou losartan, ne montrait pas de différences significatives en terme de dilatation de l’aorte ascendante ou dissection au terme des 3 années de suivi (52). On pourrait dire que le losartan est au moins aussi efficace que les BB.

Deux études européennes randomisées de plus grande échelle ont été réalisées en comparant le losartan versus placebo. Le traitement par BB était maintenu dans les deux groupes. Une étude française, qui comportait 303 patients, ne retrouve pas de diminution

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significative de la taille de l’aorte ascendante dans le groupe losartan (53). Une étude allemande, qui comportait 233 patients, retrouve, elle, une diminution significative de la taille de l’aorte dans le groupe losartan sans différence sur le taux de dissection aortique, de chirurgie préventive de l’aorte ou de décès cardiovasculaire (54).

Une méta-analyse est en cours de réalisation qui reprendra 11 études qui ont été réalisées sur le sujet avec un total de 2300 patients (55).

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et leur effet antagoniste sur les récepteurs AT1 et AT2 qui sont tous les deux activés dans le syndrome de Marfan, font l’objet également de recherche. Une étude randomisée a été réalisée par l’équipe d’Ahimastos, en comparant le périndopril versus placebo chez des patients Marfan déjà traités par BB, sur un total de 17 patients. Ils retrouvent une diminution de la dilatation de l’aorte ainsi qu’une diminution de la rigidité et du taux de TGF-béta (56). Nagashima et al. retrouvait également une

augmentation de l’apoptose des CML de la paroi aortique chez des patients atteints du syndrome de Marfan qui serait due à une activation des récepteurs AT1. L’adjonction d’IEC en pré-opératoire permettait une diminution de cet effet (57).

Enfin, des recherches sont en cours sur l’efficacité de la doxycycline qui induirait une diminution directement de la synthèse de MMP2 et 9 (58).

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Tableau 3 : Schéma récapitulatif des différentes cibles des traitements médicamenteux (59)

Comme autres mesures préventives non médicamenteuses, l’éducation des patients à la pratique sportive est essentielle. Les patients sont contre indiqués aux efforts avec une forte contrainte isométrique pour lesquels il est observé une variation brutale de la pression artérielle et donc des contraintes appliquées à la racine de l’aorte. Les sports avec

décélérations et accélérations brutales sont également interdits, ainsi que les sports de contact pour les risques oculaires. Le sport à l’école est autorisé. En compétition, il sera autorisé uniquement la pratique des sports de classe Ia et IIa de la classification de Mitchell, en l’absence d’antécédents familiaux de mort subite, de dilatation de l’aorte et

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