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Priorités de recherche en santé publique pour le développement à grande échelle de l’accès aux ARV

Intégration des ARV dans le système de soins de santé

La faisabilité des programmes d’accès aux ARV a été démontrée dans le cadre d’expériences pilotes conduites sur un nombre limité de patients. La généralisation de l’accès aux ARV soulève plusieurs questions liées à la capacité des systèmes de soins de santé, souvent sérieusement limitée, à développer une activité nouvelle complexe qui demande des ressources humaines et financières et des conditions de mise en place optimales. Le processus doit être appuyé par le développement d’une recherche opérationnelle permettant d’identifier les obstacles majeurs et de contribuer à la recherche de solutions.

L’extension de l’accès aux ARV dans les pays en développement va de pair avec celui de

l’accès au test VIH. Les activités de conseil devraient également être intensifiées, pas seulement dans les centres de dépistage, mais aussi dans tous les centres où des diagnostics cliniques sont faits, et particulièrement grâce à la formation des équipes médicales locales.

Avant de transformer les centres de dépistage et conseil en unités offrant des services de diagnostic et de soins, il serait nécessaire d’évaluer leurs capacités.

Plus généralement, l’extension de l’accès aux ARV ne peut pas reposer uniquement sur les mécanismes de soins et de traitement existants. Elle doit également compter sur les programmes de santé dans d’autres domaines (santé maternelle, santé reproductive, lutte contre la tuberculose, la diarrhée et de la malnutrition) et sur les infrastructures associées (centres de consultations périnatales, dispensaires, Centre de Récupération et d’Education nutritionnelle), qu’elles soient périphériques ou non. En effet, les programmes qui ne le font pas encore devraient s’orienter pour encourager le dépistage du VIH et délivrer les soins et thérapeutiques aux personnes infectées par le VIH. Pour ce faire, trois stratégies sont proposées : 1) formation des personnels soignants (sur des questions médicales simples, sur la stigmatisation) ; 2) liaison des programmes VIH avec les autres programmes ; et 3) standardisation des protocoles et outils pour le dépistage VIH et les traitements. Ces stratégies doivent être évaluées.

La même approche est prônée pour les centres de planification familiale, à condition que leur accès soit élargi, en particulier aux mères qui allaitent.

Finalement, et toujours dans la perspective de l’amélioration des soins et du traitement des personnes vivant avec le VIH, l’évaluation de l’application de ces stratégies par des centres qui ne s’occupent pas spécifiquement du VIH devrait fournir des réponses à de nombreuses questions pratiques, comme en particulier :

Quels « points d’entrée » du système de santé sont les plus efficaces, acceptables et pratiques pour proposer les soins et le traitement avec ARV (centres de TME, de conseil et test volontaires (CTV), pour les maladies sexuellement transmissibles (MST) ou la tuberculose, ou dispensaires de consultations externes) ?

Quel point d’équilibre peut être trouvé entre prise en charge intégrée des soins et traitements et spécialisation (qualité et continuité des soins, acceptabilité) ?

Quel impact peut avoir la gestion des ARV sur celle des autres médicaments essentiels (tuberculose, MST, etc.) dans les centres de santé ?

Comment la charge de travail et le temps des personnels soignants pourront-ils être partagés entre les différentes unités de soins ? Combien de consultations par médecin ? Quel type de formation ? Quel niveau d’accès aux tests de

laboratoires ?

Quelles peuvent être les implications pour les organisations à base communautaires dans les centres ?

Comment les services de soins médicaux peuvent-ils être coordonnés avec ceux des centres de soutien psychologique et juridique ?

Quelle prise en charge nutritionnelle peut être développée ?

Comment peut-on gérer l’information médicale de façon optimale (utilisation de dossiers médicaux, modalités de référence et de non-référence) ?

Comment les équipes en place peuvent-elles garantir un contrôle efficace de la confidentialité ?

Pour préserver l’accès aux ARV, la recherche doit être concentrée sur les systèmes d’approvisionnement et de distribution des médicaments afin d’éviter les vols, l’usage abusif de médicaments non prescrits et la perte de médicaments due à des problèmes de stockage.

Elle devrait dans le même temps prêter attention à la circulation de tous les médicaments antirétroviraux (y compris les médicaments « traditionnels »), et en particulier sur les points suivants : 1) détournement des indications, utilisation de médicaments périmés, contrefaçons ; 2) lieux et conditions de prescription et de vente des médicaments ; et 3) prescripteurs et utilisateurs de ces médicaments.

Pour s’assurer de la plus grande implication possible des familles et communautés, il est nécessaire d’identifier les meilleures formes de soins à domicile. En outre, le rôle des organisations à assise communautaire dans l’accompagnement et l’amélioration de l’observance devrait également être évalué (avec une attention particulière sur leur disponibilité, leur acceptabilité par les patients et les soignants, ainsi que sur les conséquences d’une éventuelle reconnaissance de leur statut sur le sujet).

Observance et DOT

Cette réflexion nous amène naturellement à envisager le suivi des traitements dans la perspective d’un accès à grande échelle aux ARV.

La question des facteurs déterminants de l’observance des traitements et de la continuité des soins, parmi toutes les populations concernées, doit être étudiée. Cette analyse ne peut être limitée au seul comportement du patient. Les conditions de soins et de traitement, la relation entre le fournisseur de services et l’organisation du système de santé, et la distribution des traitements sont autant de facteurs à prendre en considération. De même, il est important d’évaluer le mon-tant des dépenses qu’une famille peut effectivement consacrer aux traitements antirétroviraux.

Il faudrait également évaluer les différentes méthodes d’intervention au regard des patients et professionnels de santé. De là, les différents modèles de DOT qui peuvent apporter un appui à l’observance devraient être évalués, comparés l’un à l’autre, mais aussi aux autres types de suivi des patients sur le terrain. Par exemple, est-ce que l’idée de « rendre responsable » le patient qui choisit son propre « compagnon », lors de la prescription du DOT, serait plus profitable qu’un autre type de DOT en terme d’observance du traitement ?

De telles interventions doivent être adaptées au contexte socioculturel du patient. La recherche doit contribuer à l’étude de ces contextes afin d’assurer une plus grande cohérence entre les actions réalisées et le contexte.

Enfin, il faut analyser l’impact des ARV sur la qualité de vie.

Evaluation économique

Dans le cadre de l’évaluation économique d’un accès élargi aux ARV, des analyses coût-efficacité, basées sur les données de cohortes cliniques, devraient aider à mieux définir les critères d’accès aux traitements. Cela devrait également faciliter les comparaisons en profondeur, sur le plan économique, des différentes stratégies thérapeutiques entre elles.

Ces analyses doivent tenir compte des coûts « indirects » associés à la maladie (dont la perte de production due à la morbidité et mortalité) et de la réduction de ces coûts avec le traitement. L’impact sur les budgets nationaux doit aussi être évalué. De même, il faudrait réaliser une étude exhaustive sur les mécanismes de financement (secteur privé, sécurité sociale, systèmes d’assistance) qui pourraient assurer la continuité de l’accès élargi.

Relier soins et prévention

La généralisation de l’accès aux ARV soulève le débat de sa relation avec la prévention. Une recherche doit être menée pour documenter ce débat de manière rigoureuse. Les thèmes prioritaires sont les suivants :

Changements d’attitudes et de comportements au regard des risques associés au VIH, parmi les personnes vivant avec le VIH et parmi les personnes séronégatives, et accès au dépistage (cette question doit être examinée en particulier parmi les couples sérodifférents).

Attitudes et comportements des personnels soignants envers les personnes vivant avec le VIH, comportement des soignants, et évaluation des connaissances des professionnels dans les domaines de la prévention, des recommandations pour le dépistage et conseil, du traitement des maladies opportunistes et du VIH lui-même.

Gestes de prévention des personnels soignants dans le cadre de l’exposition professionnelle.

Identification et évaluation des interventions, basées sur l’approvisionnement en ARV avec pour résultat une réduction de la stigmatisation, à l’intérieur de la famille et du couple, aussi bien que dans les centres de soins.

Evaluation et modélisation de l’impact à long terme des ARV sur l’épidémie (ces analyses devront tenir compte à la fois de la réduction de la transmissibilité du VIH, des modifications de comportement et de l’espérance de vie après mise sous traitement du patient).