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6. LA SPECTROSCOPIE RAMAN

6.2. Principes

Comme la spectroscopie infrarouge, la spectroscopie Raman repose sur l’observation des états vibrationnels des molécules constituant l’échantillon. Dans le cas de l’étude Raman, la recherche repose sur la diffusion inélastique de la lumière qui survient avec une fréquence estimée à 1 photon sur 100 millions lors de l’interaction entre une molécule et la radiation lumineuse. Ce phénomène nécessite que la molécule puisse produire une polarisabilité.

6.2.1. Bases de la spectroscopie Raman

Lorsque l'on illumine une substance gazeuse, liquide ou solide par une source monochromatique intense (ou excitatrice), l'analyse spectrométrique de la lumière diffusée renseigne sur la composition de cette substance.

Plusieurs raies correspondant aux diffusions élastiques et inélastiques sont alors visualisables : - une raie intense de même fréquence σ0 que la radiation incidente ou raie de Rayleigh (même énergie). Seule la direction de cette radiation lumineuse correspondant à la diffusion Rayleigh est modifiée

- des raies de fréquence σi, d'intensité beaucoup plus faible et disposées symétriquement autour du pic principal. On y distingue les raies Anti-Stokes, dont les fréquences sont inférieures à σ0 et les raies Stokes dont les fréquences et intensités sont plus intenses.

En effet, si l’on considère un photon d'énergie hυ0 rencontrant une molécule ayant deux niveaux d'énergie E0 et E1, et que l’énergie du photon est suffisante pour atteindre l’état excité virtuel E1 (ΔE=E1-E0=h υc ). Trois possibilités se présentent alors :

- le photon est diffusé avec la même énergie et donc la même fréquence, c'est un choc élastique donnant le pic de Rayleigh.

- soit il cède de l'énergie aux molécules pour les porter au niveau énergétique supérieure E1 et il est diffusé avec la fréquence υ0 - υc et produit les raies Stokes.

- soit il prélève de l'énergie aux molécules pour les porter à un niveau vibrationnel plus faible, ici de E1 à E0, et est diffusé avec une fréquence correspondant à υ0 + υc et produit les raies Anti-Stokes.

FIGURE 30 : DIAGRAMME DE JABLONSKI APPLIQUE A LA DIFFUSION RAMAN

Pour un système en équilibre thermique, la répartition des populations issues de chocs inélastique est définie par la loi de Boltzmann qui nous donne, si ΝE1 et ΝE0 sont les populations des niveaux E0 et E1

Rayleigh

DIFFUSION RAMAN - Diagramme de Jablonski

Fluorescence Phosphorescence

D’après cette équation et à température ambiante, le niveau d’énergie inférieur est donc le plus peuplé (300 K), expliquant la plus grande probabilité d'observer les transitions Stokes par rapport à la transition Anti-Stokes. De même cette relation explique les variations d’intensité des pics correspondants.

6.2.2. Modèle ondulatoire de l'émission Rayleigh et Raman

Pour une onde monochromatique de fréquence ν0 frappant un échantillon. Le champ électrique de cette onde est donné par la relation suivante:

E=E0 cos(2πν0t) où E0 est l'amplitude de l'onde.

L'interaction entre ce champ électrique et le nuage électronique de l'échantillon va créer un moment dipolaire induit m défini par :

m=αE

où α est la polarisabilité de l'échantillon.

Pour que l'échantillon donne lieu a un effet Raman, la polarisabilité de l'échantillon doit être de la forme :

où α0 est la polarisabilité de l'échantillon à la distance internucléaire d'équilibre req, et r la distance internucléaire à tout instant.

En substituant les deux dernières relations dans la première en appliquant la formule de trigonométrie cosx cos y = ½ (cos(x+y) + cos(x-y)) : on obtient :

Le premier terme de cette équation représente la raie Rayleigh, alors que les deux derniers représentent respectivement les raies Stokes et Anti-Stokes.

6.2.3. Exemple de changement de polarisabilité pour 2 molécules simples H2O et CO2

H2O :

cette molécule linéaire et triatomique présente 3 modes normaux de vibrations permis dont 2 modes d'élongation et 1 mode de déformation [76].

Les schémas suivants montrent ces différents modes de vibration :

La colonne centrale de l’illustration suivante montre la position d'équilibre de l'ellipsoïde de polarisabilité de la molécule d’eau, tandis que les colonnes de droite et gauche représentent les extrêmes dans chaque mode de vibration

Pour ces trois modes de vibration de la molécule d’eau, on constate donc :

¾ Pour l’élongation symétrique 1: lors de l’étirement de la liaison, les électrons sont moins fermement tenus par le noyau rendant les liaisons plus polarisables ce qui implique que l'ellipsoïde de polarisabilité devienne de plus en plus petite sans changer de forme et vice-versa.

¾ Pour la déformation 2, c'est la forme de l'ellipsoïde qui change durant la vibration. Lorsque les liaisons sont étirées et les hydrogènes éloignés, les liaisons deviennent plus polarisables. L'ellipsoïde de polarisabilité est écrasée en longueur et s'aplatit au fur et à mesure que les hydrogènes se rapprochent.

¾ Pour l’élongation antisymétrique 3, la forme et taille de l'ellipsoïde restent constantes mais la direction de l'axe majeur change.

6.2.4. Les principaux avantages de la spectroscopie Raman

La spectroscopie Raman présente de nombreux avantages par rapport aux analyses conventionnelles.

Elle ne nécessite aucune préparation de l'échantillon avant de réaliser l’acquisition des spectres et ne requiert que de faible quantité d’échantillon qui peuvent être de l’ordre du µg.

L’analyse est non destructive et permet donc la répétition des acquisitions ou la confrontation des résultats avec d’autres techniques d’investigation.

L’étude de molécules en solution aqueuse est possible puisque l’eau interfère peu en Raman.

Pourtant l’analyse de certains résultats pour les molécules biologiques peut être rendue plus difficile en raison des faibles perturbations liées à d’eau.

Les lasers modernes permettent d’obtenir une résolution spatiale proche du micron. Elle est essentiellement fonction de la source laser utilisée.

L’évolution des dispositifs optiques et des fibres optiques permet d’envisager des applications ex vivo ou in vivo.

Ces avantages sont toutefois contrebalancés par la gêne provoquée par quelques phénomènes tels que :

- l’émission de fluorescence, beaucoup plus intense que l’effet Raman lorsqu’elle se produit mais qui peut être évitée en utilisant une excitatrice (laser) moins puissante.

- une sensibilité moins bonne qu'en infrarouge et un bruit plus présent.

- l’émission du corps noir par échauffement de l’échantillon qui peut être corrigé en partie lors du traitement des spectres.

- la possibilité, dans certains cas particuliers de réactions photochimiques décomposant certaines substances colorées par exemple.

Certains de ces inconvéniants trouvent une réponse dans l’utilisation de spectromètres Raman à Transformée de Fourier :

- le problème de fluorescence ne se pose plus en raison de l’utilisation d’une raie excitatrice peu énergique (radiation à 1064 nm du laser Nd:YAG dans le proche infrarouge)

- les substances colorées ne sont plus alors décomposées pour la même raison.

- l’analyse est plus rapide car tous les éléments spectraux sont mesurés simultanément

- la sensibilité est meilleure car une plus grande quantité de photons est détectée dans le même temps

- les fréquences sont déterminées avec précision grâce à un laser qui mesure la position du miroir mobile de l’interféromètre.