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2. L’AORTE NORMALE

2.6. Constituants de la paroi aortique

2.6.2. La matrice extracellulaire du tissu aortique

2.6.2.1. L’élastine

Macromolécule aux propriétés peu communes, l’élastine est le constituant principal de la paroi de l’aorte ascendante. Elle donne à l’aorte son élasticité et permet d’absorber l’énergie de l’onde systolique et de la restituer pendant la diastole. Les variations de contraintes tout au long de l’aorte s’accompagnent de modifications dans sa composition pariétale. Les travaux de Halloran [27] ont montré que la quantité d’élastine par unité de surface diminue tout au long de l’aorte pour ne plus être que le cinquième de sa concentration initiale au niveau de l’aorte abdominale terminale.

a- La synthèse de l’élastine

L’élastine est produite par les cellules de la paroi aortique et en particulier par les cellules musculaires lisses lors du développement embryonnaire et chez l’enfant. Chez l’adulte et dans des conditions normales, la quantité d’élastine totale est fixée et n’est donc pas soumise à renouvellement. Cette caractéristique, peu commune dans l’organisme, sous-tend une résistance aux contraintes particulièrement développée. Des travaux expérimentaux, portant sur le comportement visco-élastique de l’élastine, ont montré que cette macromolécule était capable de supporter jusqu’à 109 cycles d’élongation - retour élastique passif avant de présenter les premières fractures de fatigue ! Ceci correspond approximativement au nombre de battements cardiaques enregistré en 40 ans [28].

La synthèse de l’élastine est un processus complexe, débutant dans la cellule musculaire lisse et se terminant, après de nombreuses étapes, dans la matrice extracellulaire sous forme d’un polymère insoluble : l’élastine

Comme pour toute protéine, la synthèse débute par une transcription - traduction au sein de la cellule musculaire lisse, du gène unique codant pour « l’élastine » situé sur le chromosome 7.

Le produit de cette première étape est une protéine soluble : la tropoélastine.

Elle subira encore quelques modifications post-transcriptionnelles comme le clivage de sa séquence signal hydrophile avant d’être prise en charge par une protéine « chaperonne » : L’EBP (Elastine Binding Protein).

Cette protéine protège la tropoélastine d’une agrégation prématurée et d’éventuelles dégradations enzymatiques précoces dans le cytoplasme de la cellule. L’EBP est aussi une sous unité du récepteur membranaire de l’élastine.

Après avoir été excrétée hors de la cellule, la tropoélastine est « présentée » par l’EBP, au niveau de la face extracellulaire de la membrane cytoplasmique, aux fibres élastiques matures.

La protéine chaperonne libère alors le monomère soluble de tropoélastine dans la matrice péri-cellulaire. L’EBP est alors endocytée et recyclée par la cellule.

Dès lors, La modification de résidus lysylee de la tropoélastine par la lysylee oxydase permet le cross-linking entre cette dernière et le polymère d’élastine insoluble.

La façon dont les monomères se positionnent pour réaliser le cross-linking reste débattue.

Certains travaux ont mis en avant le rôle des microfibrilles qui serviraient de « treillis » alors que des études plus récentes ont prouvé que des sous unités du monomère ont le pouvoir de s’auto-aligner [29].

Cette propriété serait le fait de l’alternance identique entre des domaines hydrophobes et des domaines riches en lysine dans les monomères et les polymères matures d’élastine.

Les domaines hydrophobes (en gris) du monomère s’auto-aligneraient en regard de ceux du polymère ce qui permettrait un exact placement des résidus lysylee (en bleu) en vue du cross-linking.

b. Structure primaire de la tropoélastine

La tropoélastine est une macromolécule constituée de 760 résidus et d’un poids moléculaire de 70 kDa. Elle est composée de 36 domaines alternant entre régions hydrophobes ou régions dédiées au cross-linking. Les acides aminés les plus représentés dans sa structure sont la glycine (33 %), l’alanine (24 %), la valine (15 %), la proline (11 %), la leucine et l’isoleucine.

Par contre, certains acides aminés comme l’histidine, le tryptophane et la méthionine sont absents de la composition de l’élastine et la cystéine représente moins d’1 % de l’ensemble [29].

Le motif protéique « VGVPG » (Valine, Glycine, Valine, Proline, Glycine), très présent dans les régions hydrophobes semble avoir une importance particulière. Il serait impliqué dans l’auto-alignement des monomères de tropoélastine. Des études expérimentales menées avec des protéines synthétiques constituées de répétitions de cette séquence d’acides aminés confirmeraient ce concept. Dans certaines conditions d’hydratation et de température ces protéines s’auto-agrègent pour donner un réseau de fibres bien individualisé [30].

Enfin, le dernier point remarquable de la structure de la tropoélastine est la présence de nombreux résidus lysylee, par paires ou triplets, dans les zones dédiées au cross-linking, qui serviront à la stabilisation du polymère insoluble d’élastine.

Outre des régions hydrophobes et des zones de cross-linking, la tropoélastine possède des sites de liaisons avec de nombreuses molécules comme les fibrillines 1 et 2, les fibulines 1,2 et 5, la MAGP-1, le biglycan ou encore la décorine. Ces différentes possibilités de liaison sont la clef de l’architecture complexe de la matrice extracellulaire du tissu aortique [31].

c. Structure du polymère d’élastine

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, l’élastine insoluble est le résultat de la polymérisation de monomères de tropoélastine par cross-linking grâce à la lysylee oxydase.

Cette enzyme crée des liaisons covalentes en présence de Cu2+ après désamination et oxydation de résidus lysyle de la tropoélastine [32].

Plusieurs possibilités de liaisons ont été observées, impliquant 1, 2, ou 3 résidus Lysyle et un résidu non modifié (apportant le cycle aromatique). Le cross-linking le plus souvent rencontré est tétravalent et associe 4 résidus lysyle et est nommé Desmosine ou Isodesmosine selon la position des différents résidus sur le cycle aromatique comme illustré ci dessous.

La condensation des monomères de tropoélastine permet ainsi de constituer progressivement un réseau de fibres d’élastine mature totalement insoluble appelé le « core » d’élastine amorphe. Ce dernier, malgré sa grande insolubilité dans la quasi-totalité des solvants organiques connus, est abondamment hydraté. La présence d’eau autour du réseau d’élastine serait l’une des clefs de l’élasticité de l’élastine

d. Structure secondaire de l’élastine

La structure secondaire de l’élastine n’a été approchée que depuis quelques années du fait du caractère insoluble de l’élastine amorphe rendant un certain nombre d’analyses conventionnelles inopérantes.

FIGURE 8: STRUCTURES SECONDAIRES DES PROTEINES

La modélisation de la protéine décrit plusieurs types d’organisation secondaire selon les régions de la molécule. On retrouve majoritairement de nombreuses structures β (feuillets et coudes) associées à de courts segments en hélices α au niveau des sites de cross-linking [30].

Cette structure secondaire particulière serait, selon des travaux récents, à l’origine des caractéristiques élastiques de l’élastine.