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Principes de la République et instruction en famille Alléger les contraintes des familles d’enfants handicapés

L’article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République instaure un nouveau régime d’autorisation de l’instruction en famille (IEF). AEVE attire l’attention des parlementaires sur les précisions qui restent à apporter durant le prochain débat en lecture définitive pour lever les incertitudes que le nouveau régime risque de faire peser sur les familles d’enfants handicapés.

AEVE apprécie que les assouplissements votés en 1re lecture à l’Assemblée nationale restent acquis:

- report de la mise en application de la loi à la rentrée 2022 ;

- possibilité d’obtenir l’autorisation d’IEF pour une durée supérieure à un an si la santé ou le handicap le justifie ; - délai de réponse administrative fixé à deux mois et principe du silence de l’administration valant acceptation ; - réécriture du 4e motif d’autorisation en cas de « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ».

Mais souligne que 2 compléments essentiels restent à apporter.

1/ Attribution de plein droit du régime d’autorisation et allègement de la procédure

AEVE souhaite voir inscrit dans le texte de l’article 21 et /ou affirmé clairement par le gouvernement que l’autorisation d’IEF ainsi que son renouvellement sont accordés de plein droit sur production des justificatifs du handicap ou de la maladie de l’enfant. Il s’agit d’alléger les formalités pour les familles d’enfants handicapés ou malades. Cette interprétation du 1er motif dérogatoire de l’article 21 rectifié a été évoquée à l’Assemblée nationale en première lecture et semble avoir été celle du Conseil d’Etat. Il faut ajouter que la rédaction du 4ème motif de dérogation à l’article L.131-5 du code de l’éducation tenant à des circonstances particulières à l’enfant ne se comprend pas si l’octroi de l’autorisation n’est pas de droit pour les trois motifs précédents.

Cette précision indispensable évitera les débats ultérieurs insolubles autour de l’appréciation des critères et justificatifs de l’autorisation pour maladie ou handicap.

A CONTRARIO, quatre éléments du projet adopté par la Commission spéciale contredisent potentiellement l’attribution d’une autorisation de plein droit :

- l’étude d’impact limitait en effet ce type d’autorisation aux cas où la scolarisation « serait rendue impossible » (modalités à préciser par décret en Conseil d’Etat), alors que la déscolarisation des enfants handicapés est le plus souvent subie par les parents ;

- selon le § 22 du projet adopté par la Commission spéciale, « L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation peut convoquer l’enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d’instruire l’enfant à un entretien afin d’apprécier la situation de l’enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l’instruction en famille ». Les parents doivent donc démontrer à tout moment, en plus des motifs mentionnés à l’article L.131-5, leur capacité à assurer l’IEF, quel que soit celui des quatre motifs invocables. Si cette capacité n’est pas démontrée, l’autorisation peut être retirée (cf art L.131-10) ;

- le § 34 qui modifie l’article L.131-10 sur les enquêtes effectuées par les mairies, en disposant que ces dernières sont diligentées « aux fins de vérifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant pour obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 131-5 ». Si l’administration peut remettre en cause la réalité des motifs initialement invoqués, il ne s’agit plus d’une autorisation de droit liée au simple constat initial d’une situation de fait (maladie, handicap ; itinérance, …), d’autant plus que s’y ajoute un contrôle de l’acquisition des connaissances ;

2 | P r o j e t d e l o i c o n f o r t a n t l e r e s p e c t d e s p r i n c i p e s r é p u b l i c a i n s C O M M U N I Q U E C M P A R T 2 1 - A E V E handicapés telle que prévue par le régime déclaratif actuel devra être maintenue par les futurs décrets d’application, engagement qu’il serait également utile d’obtenir du gouvernement. AEVE rappelle que produire un

« diagnostic abouti » - selon les termes de Mme Brugnera, rapporteure spéciale devant l’Assemblée nationale - n’est pas chose aisée en matière d’autisme car les diagnostics sont souvent difficiles à obtenir en raison des difficultés d’accès aux pédopsychiatres et incomplets du fait de comorbidités difficiles à déceler.

2/ Clarifier les conditions de recours

- Le débat à l’Assemblée n’a pas permis jusqu’ici de préciser les modalités de recours contre les refus d’autorisation, qui relèvent de la compétence du tribunal administratif (TA), dont la saisine n’est pas suspensive.

Pour rassurer les familles, la rapporteure du texte avait annoncé en première lecture l’instauration d’une « cellule des recours », une « cellule rectorale dont les modalités de fonctionnement seront fixées par décret » (Cf. extraits des débats AN, 3).

Reprenant cette idée, la Commission spéciale vient d’instituer à l’article L.131-5 un recours administratif préalable (§ 24) : « La décision de refus d’autorisation fait l’objet d’un recours administratif préalable auprès d’une commission présidée par le recteur d’académie, dans des conditions fixées par décret ». Son caractère obligatoire ou non reste toutefois ambigu ou imprécis. En outre rien n’est dit sur le régime applicable à l’enfant durant l’instruction de ce recours administratif ni d’ailleurs devant le TA : devra-t-il être scolarisé en attendant la décision de la commission et où ? Et qui aura le choix du lieu de l’inscription ? Si les parents forment ensuite un recours devant le tribunal administratif, ce recours sera-t-il suspensif ou non ?

Le texte adopté par la Commission spéciale reste flou pour quatre raisons.

- En premier lieu, il organise un régime de mise en demeure (§25) après délivrance de l’autorisation dans l’hypothèse où l’enfant fait l’objet d’une information préoccupante : les parents sont alors seulement obligés de l’inscrire dans un établissement scolaire de leur choix.

- En deuxième lieu, il autorise les parents à déscolariser un enfant immédiatement après avoir sollicité l’autorisation mais avant l’expiration du délai de deux mois imparti pour y répondre lorsque l’intégrité physique ou morale de l’enfant est menacée (§ 26).

- En troisième lieu, il prévoit pour l’enfant un rattachement « administrativement à une circonscription d’enseignement du premier degré ou à un établissement d’enseignement scolaire public désigné par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation. » Est-ce dans cet établissement que l’enfant devra être scolarisé dans l’attente d’une décision définitive ? Ceci serait contradictoire avec le nouvel article L.131-5-1 (§ 29) qui recourt aussi, dans l’hypothèse où l’autorisation préalable n’a pas été obtenue ou a été obtenue par fraude, à un mécanisme de mise en demeure d’inscrire l’enfant dans une école publique ou privée choisie par les parents dans un délai de quinze jours.

- En quatrième lieu, en cas de contrôle (art L.131-10) et de mise en demeure, celle-ci ne vaut que pour une durée limitée : « Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l'enfant dans un établissement d'enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. » Ceci signifie que les parents retrouvent leur liberté de choix à l’issue de l’année scolaire en cours, y compris après une mise en demeure.

S’agissant de parents dont la demande de dérogation est en cours d’instruction devant une commission présidée par le recteur et à qui l’administration ne peut encore rien reprocher, il serait incohérent de les obliger à inscrire leur enfant à l’école pendant au moins deux années scolaires puisque le cumul d’un recours administratif préalable et d’un recours devant le TA puis la cour administrative d’appel prendra entre deux et trois ans au bas mot.

- Des précisions restent donc à apporter sur le caractère obligatoire ou non du recours administratif préalable devant la commission et sur la situation de l’enfant dans l’attente de la décision de la commission puis du jugement au fond en cas de saisine du TA : sans doute le maintien provisoire de l’instruction en famille plutôt que la scolarisation obligatoire provisoire dans un établissement indéterminé, en l’absence de toute procédure prévue de mise en demeure.

3 | P r o j e t d e l o i c o n f o r t a n t l e r e s p e c t d e s p r i n c i p e s r é p u b l i c a i n s C O M M U N I Q U E C M P A R T 2 1 - A E V E dessus pour y satisfaire.

A NOTER : AEVE, confortée par les études internationales sur la « school readiness » et son expérience associative, considère que la scolarisation précoce, même en milieu adapté, peut être nuisible à l’enfant autiste. Les résultats de la méthode 3i s’acquièrent par une déscolarisation temporaire, suivie d’une scolarisation progressive adaptée au développement relationnel, sensoriel et cognitif de l’enfant. Sans cette adaptation, l’expérience confirme souvent l’échec de l’inclusion scolaire des enfants atteints de TSA. L’intérêt supérieur de l’enfant, actuellement protégé par la liberté d’instruction en famille et son régime déclaratif, serait gravement menacé par le projet de loi s’il était appliqué dans l’esprit de l’étude d’impact. (Cf. F.Tiberghien, note sur l’article 21, p.9).

Il est donc essentiel de laisser aux parents le soin d’apprécier le mode de scolarisation le mieux adapté à l’intérêt supérieur de l’enfant et le moment où ils peuvent déscolariser provisoirement l’enfant et le scolariser à nouveau dès lors qu’il est capable de s’insérer à l’école.

AEVE est une association d’intérêt général créée en 2005 par des professionnels et des familles pour accompagner les enfants autistes à travers la méthode des 3i (individuelle, intensive et interactive). Elle accompagne 600 familles d’enfants atteints de TSA et 20 000 bénévoles la soutiennent sur l’ensemble du territoire. Son approche développementale innovante est progressive. Elle est directement inspirée des travaux du Professeur Gilbert Lelord, pédopsychiatre au CHU de Tours, et confortée par les avancées des neurosciences et études internationales. Fondée sur le jeu, elle repose sur l’instruction en famille dans ses deux premières phases, au sein d’un cadre sécurisant. 3i vise à débloquer le développement cérébral avant le retour progressif à l’école, selon les progrès réalisés par l’enfant qui conditionnent son intégration scolaire harmonieuse. CF. Manifeste AEVE.

Contact : Rose DE CHAMPEAUX – 06 81 51 64 02 –rdechampeaux@gmail.com

Dépôt d’observations complémentaires devant le Conseil constitutionnel