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Dépôt d’observations complémentaires devant le Conseil constitutionnel concernant l’article 18 de la loi confortant le respect des principes de la

République

Article 18 : Rupture d’égalité dans l’application des garanties accordées aux contribuables en cas de contrôle

France générosités est, depuis plus de 20 ans, le Syndicat des associations et des fondations qui font appel à la générosité du public. Il représente 119 organisations parmi les plus grandes associations et fondations françaises investies dans tous les champs de l’Intérêt général. Ces organisations mobilisent 7.4 milliards par an dont 2.8 milliards issus de la générosité du public. www.francegenerosites.org

A la lecture de l’article 18 du Projet de Loi, il apparait que les dispositions telles qu’elles sont rédigées inscriront dans le temps des mesures de contrôle importantes, contraignantes, aux sanctions lourdes pouvant avoir des effets durables pour l’ensemble des organisations faisant appel à la générosité du public. Un arsenal qui semble disproportionné pour une mesure présentée par le gouvernement comme une procédure allégée. D’autant plus que les associations et fondations contrôlées n’auront pas des garanties égales à celles des contribuables particuliers ou entreprises.

En effet, l’introduction par l’article 18 du contrôle du bien-fondé de l’éligibilité au régime du mécénat de l’organisme aura les conséquences suivantes :

➢ Une transformation d’un contrôle de la réalité des montants inscrits sur les reçus fiscaux en un contrôle d’éligibilité au régime du mécénat. En l’état de la rédaction on parle de « contrôle de régularité » alors qu’il s’agit d’un « contrôle du bien-fondé » de l’intérêt général comme le rappel l’avis du Conseil d’Etat du 3 décembre 2020. Au-delà d’une sanction très lourde, la conséquence directe est le risque de perdre la possibilité d’émettre des reçus fiscaux pour les organisations collectrices de dons.

➢ Un contrôle qui n’apporte même pas les garanties minimums octroyées à un particulier ou une entreprise lors d’un contrôle sur place puisque :

1/ Le délai affiché est de 6 mois mais en pratique, telle que cela ressort de la rédaction actuelle, est sans limite de temps.

2/ Il n’existe pas de définition précise des documents et pièces à fournir en cas de contrôle (soit un contrôle extensif qui s’apparente à un contrôle de police et non plus à un contrôle fiscal).

3/ Un contrôle sans véritable procédure contradictoire et sans autre recours possible que le Tribunal.

Argumentaire sur l’article 18 du projet de Loi confortant les Principes républicains Le texte de l’article 18 introduit le contrôle à l’éligibilité au régime du mécénat de l’organisme qui a émis des reçus fiscaux. Il a pour objectif de permettre à l’administration de disposer d’une voie l’autorisant à vérifier que les organismes bénéficiaires du régime du mécénat en respectent les conditions légales. Autrement dit que leur activité soit éligible, que les critères tenant au caractère désintéressé de leur gestion soient respectés, qu’ils aient un caractère non lucratif et qu’ils n’agissent pas au profit d’un cercle restreint de personnes bénéficiaires.

Gouvernement que la procédure de contrôle du nouvel article L.14 A du Livre des procédure fiscale porte sur le bien-fondé de l‘éligibilité des dons et versements au régime fiscal du mécénat. Elles montrent également que ce contrôle a pour objet de réaliser une analyse complète de l’organisme au regard des conditions listées dans l’étude d’impact du Gouvernement et qui sont les suivantes :

o de la régularité de la dépense fiscale au regard des différentes finalités prévues par la loi (activités à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, etc.) ;

o de l’absence de fonctionnement au profit d’un cercle restreint de bénéficiaires.

o du respect des conditions tenant à la non-lucrativité des activités

o de la gestion désintéressée dans le cas où l’administration n’a aucun indice sérieux de lucrativité de l’organisme susceptible de fonder le recours à la procédure de vérification de comptabilité. »

Or, la rédaction actuelle de l’article 18 qui évoque le « contrôle de la régularité de la délivrance des reçus, attestions ou autres documents » parait réductrice par rapport à ce que le Gouvernement entend instituer. En effet, le contrôle sur place envisagé sera, en pratique, une opération lourde qui examinera l’ensemble de la vie de l’organisme et pourra en tirer des conséquences fiscales importantes, comme le retrait d’un avis favorable suite à un rescrit mécénat prévu à l’article L.80 C du Livre des procédures fiscales, ainsi que l’interdiction de délivrer des reçus fiscaux et l’application éventuelle de la pénalité de l’article 1740 A.

Sur les garanties de l’organisme vérifié

Il ressort de la lecture du projet d’article L.14 B du Livre des procédures fiscales, que la procédure prévue dans le cadre de ce contrôle sera très expéditive et n’assurera pas les conditions d’un dialogue réel entre l’organisme vérifié et l’administration fiscale.

En effet, si le texte est voté en l’état, il est prévu que le vérificateur adresse ses conclusions à l’organisme vérifié. Si celui-ci est en désaccord avec le vérificateur, l’organisme aura pour unique possibilité de réponse une présentation, dans les trente jours, d’un unique recours hiérarchique. Il n’est même pas indiqué que l’administration aura alors l’obligation de répondre, puisqu’une sanction peut être prononcée à l’expiration du délai de trente jours de la réception du document de clôture sans même attendre la réponse au recours hiérarchique diligenté par le contribuable. Ainsi, en pratique, le dialogue après les opérations de contrôle sur place est réduit à l’envoi d’un courrier par le vérificateur à l’organisme qui ne peut répondre que par un recours hiérarchique. Les garanties sont ici mêmes inférieures à celle d’un particulier ou d’une entreprise lors d’un contrôle sur pièces.

Or, la durée du contrôle sur place (au moins six mois), l’ampleur des investigations du vérificateur qui vont toucher l’ensemble des activités de l’organisme vérifié et porter sur les quatre dernières années, les conséquences importantes du contrôle si le bien-fondé de la délivrance des reçus fiscaux est remis en cause, nécessitent d’accorder aux organismes vérifiés des garanties plus substantielles qu’un simple recours hiérarchique auprès du supérieur immédiat du vérificateur.

1 Etude d’impact, PROJET DE LOI confortant le respect des principes de la République NOR : INTX2030083L/Bleue, n° 4.2.2. Impacts budgétaires, page 119

2 Avis du Conseil d’Etat, n° 401549 du 3 décembre 2020, page 19

procédures contentieuses (en cas d’amende) ou juridictionnelles puisqu’il ne restera plus que la voie du recours pour excès de pouvoir pour contester une simple décision de remise en cause de l’éligibilité au régime fiscal du mécénat.

Sur la durée des opérations de contrôle

Si le b de l’article L14 A du LPF prévoit bien que la durée du contrôle sur place ne peut en aucun cas dépasser six mois, une incertitude pèse cependant sur la limitation en pratique à six mois du contrôle.

Or, il ne semble pas proportionné de prévoir une suspension sans limite compte tenu de l’enjeu circonscrit du contrôle.

En effet, le II de l’article L14 B accorde à l’administration un délai de six mois pour communiquer les résultats du contrôle à l’organisme vérifié, le délai courant à partir du moment où l’organisme aura présenté à l’administration « les documents et pièces de toute nature permettant à l'administration de réaliser le contrôle prévu à l'article L. 14 A ». Or, aucun formalisme n’ait prévu qui permette d’acter que les pièces ont été demandées à l’organisme vérifié et qu’il s’est abstenu de les produire. De plus, le Livre des procédures fiscales ne prévoit aucune limite temporelle pour que l’organisme vérifié produise les documents qui manqueraient. C’est ainsi que si, à la fin du contrôle sur place, le vérificateur considère qu’il n’a pas obtenu de l’organisme vérifié tous les renseignements souhaités, le contrôle peut se prolonger sans limitation de durée. Alors que dans le cas d’une vérification de comptabilité, l’article L52 III du Livre des procédures fiscales prévoit pour les vérifications de comptabilité une suspension du délai de six mois jusqu’à la remise complète à l’administration du fichier des écritures comptables, en prévoyant de suspendre le délai de six mois du temps qu’aura mis l’organisme vérifié à produire les documents que l’administration l’aura mis en demeure de produire.

Sur la documentation à présenter par l’organisme vérifié

Il ressort de la lecture combinée des articles L14 A et B et L102 E du Livre des procédures fiscales, une absence de définition précise des documents et pièces à fournir en cas de contrôle. C’est ainsi que l’administration serait libre de déterminer au cas par cas, c’est-à-dire de façon arbitraire, la documentation que doit produire l’organisme vérifié. Or, un contrôle fiscal n’est pas une enquête de police.

Contacts France générosités

Anne Barjot, Déléguée générale par intérim, abarjot@francegenerosites.org ; 06.63.82.85.21

Ann-Sophie de Jotemps, Responsable juridique et fiscale, asdejotemps@francegenerosites.org;

06.74.26.55.81.