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LES AUTOMATES CELLULAIRES COMME SUPPORT SPATIAL À LA DYNAMIQUE

5.3. Modélisation par automates cellulaires en géographie

5.3.2. Principes de modélisation

La modélisation d’une problématique spatiale par automate cellulaire nécessite un travail d’analyse préalable d’identification et de mise en évidence de l’ensemble des caractéristiques fonctionnelles du problème à traiter. Conformément à la définition formelle d’un automate cellulaire proposée par Langlois et Phipps [Langlois et Phipps, 1997, op. cit.], ces caractéristiques doivent obéir aux conditions et principes de modélisation d’un automate cellulaire : l’espace cellulaire, les états, le voisinage, la configuration initiale, les règles de transition, les modes d’itération (déterministe ou stochastique, synchrone ou asynchrone), et la procédure générale.

5.3.2.1. L’espace cellulaire

L’espace cellulaire correspond à la zone d’étude à laquelle doit être superposé un carroyage. En effet, le carroyage permet de subdiviser le terrain d’étude en de petites mailles appelées “cellules” selon une résolution spatiale relative à la thématique étudiée et le niveau de précision voulu. La résolution spatiale désigne les dimensions (longueur et largeur ou côté selon que la forme géométrique des mailles est un rectangle ou un carré) des cellules. Plus la résolution spatiale est fine, meilleure est la précision des analyses. 5.3.2.2. Les états

Dans les applications géographiques des automates cellulaires, chaque cellule matérialise une occupation du sol qui correspond à un état. L’ensemble des états possibles de chaque cellule est donc un sous ensemble de toutes les occupations du sol identifiées pour la thématique étudiée.

5.3.2.3. Le voisinage

Les concepts de proximité et de contiguïté spatiale en géographie sont pris en compte au travers du concept de voisinage dans les automates cellulaires. Pour une cellule donnée, le voisinage permet de définir avec précision l’ensemble des autres cellules avec lesquelles elle peut entrer en interaction. Cette précision s’obtient par le biais de la topologie dans un certain rayonnage (un ou deux selon le type de voisinage) autour de la cellule considérée. Il existe classiquement cinq types de voisinages : voisinage de Von Neumann (a), voisinage de Moore (b), voisinage de Von Neumann déplacé (c), voisinage de Moore Von Neumann (d) et le voisinage en H (e) tels que présentés sur la figure ci-contre.

Figure 5.1 : Quelques voisinages usuels

(a) (b) (c) (d) (e)

Les deux voisinages de bases les plus significatifs sont ceux de Moore et de Von Neumann. Les autres sont obtenus par des combinaisons de ces derniers. Pour une cellule donnée, le voisinage de Von Neumann (a) considère ses voisins comme étant l’ensemble des cellules de premier rang situées de part et d’autres de chaque côté (Nord, Sud, Est et Ouest). Le voisinage de Moore (b) considère les cellules de premier rang situées de part et d’autre des quatre côtés et sommets de la cellule cible (il s’agit du voisinage de Von Neumann complété par les cellules Nord-Est, Nord-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest).

En respect du “principe de cohérence de voisinage” qui s’énonce comme suit : « Dans un système de cellules interactives, l’état réalisé dans une cellule tend à s’imposer aux cellules du voisinage. » [Phipps, 1989], le voisinage de Moore se prête mieux aux modélisations urbaines ; et c’est celui que nous utilisons dans le cadre de ce travail. En effet, lorsqu’une cellule x matérialise un état ei, elle interagira avec les autres cellules de

son voisinage V de façon à augmenter la probabilité pour que celles-ci occupent le même état ei. Inversement, chaque cellule v du voisinage V interagira de la même façon avec x

en tendant à imposer son propre état à cette dernière. 5.3.2.4. La configuration initiale

Elle désigne la configuration spatiale de départ pour la simulation. Cette configuration est définie par l’occupation du sol (état initial) de toutes les cellules dont l’ensemble matérialise la zone d’étude (l’espace cellulaire). Elle est obtenue, en général, selon un pattern2 défini a priori de façon empirique conformément à la réalité qui est modélisée. 5.3.2.5. Les règles de transition

Elles expriment les conditions sous lesquelles chacune des cellules peut changer d’état d’une configuration à l’autre entre deux pas de simulation. Les conditions précisent également quels états peuvent transiter vers quels autres états.

2 La notion formelle de pattern prend sa source dans les modèles de construction architecturale de

Christopher Alexander [Alexander et al., 1977]. Un pattern est un modèle de conception au sens d’un artefact. Il permet d’associer un nom et une forme aux heuristiques abstraites aux règles et aux bonnes pratiques techniques ou scientifiques. C’est donc une description nommée d’un problème et d’une solution susceptible d’être appliquée dans de nouveaux contextes. Dans l’idéal, le pattern fournit, en complément, des conseils sur la façon dont il peut être utilisé dans des situations variées, et présente également ses points forts et ses contre-indications. En clair, le recours à un pattern évite au concepteur ou au modélisateur de ne pas chercher à réinventer la roue.

5.3.2.6. Les modes de transition

La transition se fait d’abord au niveau de chaque cellule, en fonction des règles établies et du type de voisinage considéré, puis au niveau global (à l’échelle du terrain d’étude). Elle peut être déterministe ou stochastique. En mode déterministe, toutes les configurations possibles à chaque itération sont connues à l’avance. En effet, le nouvel état occupé par chaque cellule à une prochaine itération peut être connu en fonction des règles à appliquer. Le jeu de la vie est un exemple d’automate cellulaire déterministe. En mode stochastique, les règles de transition sont probabilistes. La détermination de l’état d’une cellule au temps t est assujettie à une probabilité p de sorte que la somme de toutes les probabilités de toutes les cellules en interaction soit égale à l’unité. Si plusieurs cellules satisfont aux conditions pour être choisies, la sélection peut s’opérer au moyen d’un générateur pseudo-aléatoire [Fleury et al., 2007] sur l’ensemble des cellules candidates. Il n’est donc pas possible de prédire de façon exacte, au temps t – δt, la configuration du système au temps t. L’automate cellulaire mis en œuvre dans notre travail est de type probabiliste. La transition est également relative à la gestion du temps : modes synchrone ou asynchrone (cf. Chapitre 3, §3.5.3.2.).

5.3.2.7. La procédure générale

Elle précise l’enchaînement de l’ensemble des événements devant gouverner la simulation. Au début de la simulation (t = 0) la définition des états initiaux permet d’obtenir la configuration initiale. Les règles et mode de transition ainsi que le pas de temps sont précisés. A chaque itération (0 < t < t+ δt), les états des cellules sont mis à jour et engendrent une nouvelle configuration. Dans le cas des automates cellulaires stochastiques, les diverses probabilités de transition sont d’abord calculées puis s’effectue la mise à jour des états.

Encadré 5.1

Dans son article de 1979 [Tobler, 1979, op. cit.], Waldo Tobler a présenté les différentes modalités sous lesquelles peuvent être conduites des transitions dans un automate cellulaire à visée géographique.

Pour illustrer le principe des transitions des cellules d’une occupation du sol au temps t à une autre au temps t+δt, il posa que si gt

ij est la catégorie d’occupation du sol d’une cellule localisée par ses coordonnées i (abscisse) et j

(ordonnées) dans l’espace cellulaire au temps t, et que gijt+δt est l’occupation du sol de cette même cellule, à un autre

temps (le moment t+δt), alors cinq possibilités primitives de modification de l’occupation du sol peuvent apparaître. Il s’agit des cinq modèles représentés ci-contre.

g

ijt

g

ijtt Modèle I

Le modèle indépendant (I): gijt+δt est aléatoire et ne dépend aucunement de gtij .

Le modèle dépendant (II): l’occupation du sol au temps t+δt de la cellule ij dépend de l’occupation du sol précédente

au même endroit c’est-à-dire que gijt+δt = F(gtij).

Le modèle historique (III) : l’occupation du sol en ij au temps t+δt dépend des occupations du sol antérieures au

même endroit. gijt+δt = F( gtij , gijt-δt , gijt-2δt , … , gijt-kδt )

Le modèle multi variables (IV) : l’occupation du sol en ij dépend de nombreuses autres variables présentes en ij, et

pas seulement de l’occupation du sol. gijt+δt = F( utij , vtij, wtij, … , ztij). Dans ce cas, l’état pris par chaque cellule est

matérialisation d’une combinaison de plusieurs autres variables exprimant chacune une réalité différente

Le modèle géographique (V): l’occupation du sol en ij au temps t+δt dépend non seulement de l’occupation du sol au

temps t en ij mais aussi des occupations du sol au temps t en d’autres lieux. gijt+δt = F(gtij, uti±p , j±q) Dans ce modèle, le

concept de voisinage est implicitement pris en compte.

Pour W. Tobler, ces cinq modèles sont évidemment des abstractions simplistes, et c’est certainement en les combinant (notamment, le second et les deux derniers) que l’on procédera à une simulation urbaine plus réaliste.

g

ijt

g

ijtt Modèle II

u

ijt

v

ijt

g

ijtt t ij

w

Modèle IV t q j p i

g

± ,±

g

ijtt Modèle V

g

ijt−2δt

g

ijt−δt

g

ijt

g

ijtt Modèle IV