Une application d’un ensemble fini dans un autre dont le cardinal est strictement inférieur au premier ne peut pas être injective : il existe donc nécessairement deux éléments qui ont la même image. C’est ce qu’on appelle familière-ment le principe des tiroirs : si on range p objets dans n tiroirs et que n < p, il existe au moins deux objets qui sont dans le même tiroir... Sous son air d’évidence, ce principe permet de démontrer des propriétés qui ne le sont pas toujours.
Premier exemple : Deux pays sont dits voisins s’ils ont
une frontière commune. Démontrer qu’il existe né-cessairement deux pays qui ont le même nombre de voisins.
Soit n le nombre total de pays. Le nombre de voisins d’un pays varie de 0 à n−1. Mais, s’il existe un pays sans voisin (une île), alors aucun pays n’a n − 1 voi-sins. Par conséquent, le nombre de voisins d’un pays
ne peut prendre au plus que n − 1 valeurs. L’appli-cation qui, à un pays, associe son nombre de voisins n’est donc pas injective.
Second exemple : Soit E un ensemble de 10 nombres
entiers distincts compris entre 1 et 100. Démontrer qu’il existe deux sous-ensembles de E non vides et disjoints ayant la même somme.
Remarquons tout d’abord qu’il suffit de trouver deux sous-ensembles distincts non vides de même somme ; en leur retranchant leur intersection, il restera deux sous-ensembles disjoints de même somme, qui ne sau-raient être vides.
Le nombre de sous-ensembles non vides de E est
210 − 1 = 1023. La somme des éléments d’un tel
sous-ensemble est au moins égale à 1, et, au plus, égale à 91 + 92 + · · · + 100 = 955 . Il y a donc plus de sous-ensembles non vides que de sommes possibles.
Nombres entiers naturels – Combinatoire
9 COURS
2.3• Notions sur les cardinaux des ensembles infinis
ATTENTION
Pour les ensembles infinis, les points
4) et 5) du corollaire 2.1 ne sont plus
vérifiés : il peut exister une application d’un ensemble infini dans lui-même qui soit injective sans être surjective, et réciproquement.
Exemple :
L’application N → N
n → 2n est
injective, mais pas surjective. Une in-verse à gauche de cette application (en imaginer une) est surjective, mais pas injective.
IMPORTANT
Ce paragraphe est hors programme. Il
est donné à titre documentaire. Un ensemble qui n’est pas fini est ditinfini. Le mathématicien allemand Georg Cantor a eu l’idée d’étendre aux ensembles infinis les définitions précédentes, et de continuer à dire que, pour tous ensembles E et F :
• Card E = Card F, s’il existe une bijection de E dans F.
Exemple : Si P est l’ensemble des entiers naturels pairs,
Card P = Card N, car l’application N → Pn → 2n est bijective (N a le même
cardinal qu’une de ses parties strictes, ce qui serait impossible pour un ensemble fini...).
• Card E Card F, s’il existe une injection de E dans F.
Exemple : Card N Card R (penser à l’injection canonique de N dans R). Cantor démontra les résultats suivants :
• Card N = Card Z = Card Q (ensembles dénombrables) ;
• Card R = Card C = Card Rn (ensembles ayant la puissance du continu),
mais que Card N = Card R.
3 Dénombrement
Voyons concrètement comment calculer le cardinal d’un ensemble construit sur des ensembles finis donnés.
3.1• Partie d’un ensemble fini
Théorème 3
Toute partie A d’un ensemble fini E est finie et Card A Card E.
Démonstration
Soit n = Card E. Il existe une bijection f de [[1, n]] dans E. La partie A est l’image par cette bijection d’une partie I de [[1, n]] qui est finie, de cardinal
p n (cf. exemples d’ensembles finis). Il existe donc une bijection de I dans A,
ce qui prouve que A est finie et Card A = Card I = p n.
3.2• Réunion disjointe
Théorème 4
Si E et F sont deux ensembles finis disjoints (E ∩ F = ∅), E ∪ F est fini et Card (E ∪ F) = Card E + Card F.
Hachette Li vre –H Pr épa /M ath –L ap hotocopie non autorisée est un délit
COURS 9
Nombres entiers naturels – CombinatoireIMPORTANT
En particulier, si A ∈ P(E), Card
C
EA = Card E − Card A.Démonstration
Soit n = Card E et p = Card F. Il existe une bijection f de E dans [[1, n]] et une bijection g de F dans [[n + 1, n + p]]. Soit h l’application de E ∪ F dans [[1, n + p]] qui, à tout élément x de E ∪ F, associe f (x) si x ∈ E, et
g(x) si x ∈ F. h est bijective, car E ∩ F = ∅. Donc E ∪ F est fini et
Card (E ∪ F) = n + p.
3.3• Réunion quelconque
Théorème 5
Quels que soient les ensembles finis E et F : E ∪ F est fini et : Card (E ∪ F) = Card E + Card F − Card (E ∩ F) IMPORTANT
En ajoutant Card E et Card F, on compte deux fois les éléments de
E ∩ F. C’est pourquoi il faut
retran-cher le cardinal de cette intersection. Dans une situation concrète de dé-nombrement, on peut compter plu-sieurs fois les mêmes objets, à condi-tion d’en être conscient et de les re-trancher autant de fois qu’il le faut dans le résultat final.
Démonstration
E ∪ F = E ∪ (F\E) et E ∩ (F\E) = ∅, d’où E ∪ F est fini et :
Card (E ∪ F) = Card (E) + Card (F\E)
Par ailleurs, F\E =
C
FE ∩ F ; donc Card (F\E) = Card F − Card (E ∩ F).En définitive, Card (E ∪ F) = Card E + Card F − Card (E ∩ F).
Pour s’entraîner : ex. 7
3.4• Produit cartésien
Théorème 6
Si E et F sont deux ensembles finis, E × F est fini et : Card (E × F) = Card E×Card F
EXEMPLE
Combien peut-on écrire de mots de trois lettres ?
Il s’agit de 3-listes d’éléments de l’al-phabet, qui possède 26 éléments ; d’où 263 = 17 576 mots distincts.
Démonstration
Soit E = {e1, e2, · · · , ep} ;
E × F = ({e1} × F) ∪ ({e2} × F) ∪ · · · ∪ ({ep} × F). Il s’agit d’une réunion disjointe, donc E × F est fini et :
Card (E × F) =
p
i=1
Card ({ei} × F)
Chacun de ces ensembles est en bijection avec F, donc Card ({ei} × F) =
Card F.
En définitive, Card (E × F) = p Card F = Card E×Card F.
Plus généralement, Card (Fn) = (Card F)n. C’est le nombre de n-listes
d’élé-ments de F. On utilise les n-listes dans tous les problèmes de choix successifs de
n éléments d’un ensemble, avec d’éventuelles répétitions.
3.5• Applications
Théorème 7
Si E et F sont deux ensembles finis, FE est fini et : Card (FE) = (Card F)Card E
Nombres entiers naturels – Combinatoire
9 COURS
Démonstration
Soit E = {e1, e2, · · · , ep}.
L’application FfE → F→ (f (ep
1), · · · , f (ep)) est bijective.
Donc FE est fini et Card (FE) = Card (Fp) = (Card F)p= (Card F)Card E.
3.6• Injections
IMPORTANT
On rappelle que n! (lire factorielle
n) désigne le produit des n premiers
entiers naturels non nuls. Par convention 0! = 1.
Théorème 8
Soit E et F deux ensembles finis de cardinaux respectifs : Card E = p et Card F = n, avec 0 p n
Le nombre d’injections de E dans F est l’entier :
Ap
n= n(n − 1) · · · (n − p + 1) = (n − p)!n!
Démonstration
Raisonnons par récurrence sur p :
• pour p = 0, il existe une injection de ∅ dans F : A0
n = 1 = (n − 0)!n! ;
• soit p ∈ [[1, n − 1]] tel que le nombre d’injections d’un ensemble de cardinal
p dans F soit Ap
n. Soit E un ensemble de cardinal p + 1, et a ∈ E.
Une injection f de E dans F est caractérisée par :
– la restriction injective de f à E\{a} : Ap
n possibilités ;
– le choix de l’élément f (a) qui ne doit pas appartenir à f (E) : n−p possibilités. Le nombre d’injections de E dans F est donc :
Ap
n(n − p) = (n − p)!n! (n − p) = (n − p − 1)!n! = Ap+1
n
Par récurrence, le nombre d’injections de E dans F est donc bien Ap
n pour tout
p ∈ [[1, n]].
EXEMPLE
Combien y a-t-il de tiercés dans l’ordre pour dix chevaux au départ ? Il s’agit d’arrangements de trois che-vaux parmi dix : 10 × 9 × 8 = 720 tiercés dans l’ordre.
Une injection de [[1, p]] dans F est appeléearrangementde p éléments de F.
C’est une p-liste d’éléments de F distincts deux à deux. On utilise les arrangements dans tous les problèmes de choix successifs de p éléments parmi n, sans répétition.
Corollaire 8.1
Si E est un ensemble fini de cardinal n, le nombre de bijections de E dans
E est n!.
Démonstration
Comme E est fini, il est équivalent de dire qu’une application de E dans E est
injective ou bijective ; le nombre de bijections de E dans E est donc An
n= n!. Ha ch et te Li vr e– HP répa /M ath –L ap hotocopie non autorisée est un délit
COURS 9
Nombres entiers naturels – Combinatoire EXEMPLEDe combien de façons dix convives peuvent-ils se placer autour d’une table ? 10! = 3 628 800.
Une bijection de E dans E est appeléepermutationdes éléments de E. On
utilise les permutations dans tous les problèmes de choix d’un ordre de tous les éléments d’un ensemble fini.
3.7• Parties d’un ensemble fini
Théorème 9
Si E est un ensemble fini de cardinal n, Card P(E) = 2n Démonstration
Effectuons une récurrence sur n.
Pour n = 0, E = ∅ et P(E) = {∅} ; Card P(E) = 1 = 20.
Soit n ∈ N tel que, pour tout ensemble E de cardinal n, Card P(E) = 2n.
Considérons un ensemble F de cardinal n + 1, et a un élément fixé de F.
L’ensemble E = F\{a} a pour cardinal n, il a donc 2n parties.
• Les parties de F ne contenant pas a sont exactement les parties de E : il y
en a 2n.
• Les parties de F contenant a sont les réunions d’une partie de E et du
singleton {a} : il y en a aussi 2n.
Le nombre total de parties de F est donc 2×2n, c’est-à-dire 2n+1.
Par récurrence, tout ensemble de cardinal n possède 2n parties.
IMPORTANT
On peut le noter aussi pn.
Plus précisément, étudions le nombre de parties de E de cardinal fixé :
Théorème 10
Soit E un ensemble fini de cardinal n. Le nombre de parties de E de cardinal
p (0 p n) est l’entier :
n
p = p!(n − p)!n!
Démonstration
À une injection f de [[1, p]] dans E correspond une image f ([[1, p]]), qui est une partie de E de cardinal p. Réciproquement, toute partie de E de cardinal p est l’image de [[1, p]] par p! injections distinctes (correspondant aux permutations de [[1, p]]).
Le nombre de parties de cardinal p est donc Apn
p! = n! p!(n − p)! .
EXEMPLE
On tire 5 cartes dans un jeu de 32. Combien y a-t-il de résultats pos-sibles ?
Il s’agit de combinaisons de 5 éléments parmi 32 :
il y a 32
5 = 201 376 possibilités.
Une partie de cardinal p d’un ensemble E est appeléecombinaisonde p
élé-ments de E. On utilise les combinaisons dans tous les problèmes de choix si-multanés de p éléments distincts parmi n, sans considération d’ordre et sans répétition.
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