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Ce projet de m´etrologie quantique est n´e d’une collaboration avec XLIM, un labora-toire de recherche sp´ecialis´e dans le design et la fabrication de fibres optiques sp´eciales, notamment micro-structur´ees. Leur objectif est de mesurer la diff´erence d’indices de r´efraction de leurs fibres bi-cœur avec une pr´ecision encore jamais atteinte (10−5). Notre rˆole dans le projet est de proposer un sch´ema exp´erimental pouvant r´epondre `a leurs exigences de pr´ecision, et d’en effectuer les mesures.

4.1.1 Motivations

Le but de ce projet est multiple : il s’agit de mesurer une diff´erence d’indices de r´efraction de fibres optiques, mais pas uniquement. En effet, l’id´ee est d’effectuer ces mesures afin de r´etro-agir sur le design et la fabrication des fibres. Ainsi, par it´eration, au niveau de la fabrication, il est possible, en controlant de plus en plus pr´ecis´ement les param`etres, d’aboutir `a des mat´eriaux dont les indices sont de plus en plus proches. Il s’agit alors de relever un d´efi technologique afin de fabriquer des fibres optiques avec des indices de cœur et de gaine quasi identiques. Une des principales motivations est la r´esolution du probl`eme d’instabilit´es modales au sein des lasers `a fibres optiques [303].

D´evelopp´es au d´ebut des ann´ees 1970, les lasers `a fibres optiques poss`edent de nom-breux avantages :

— facilit´e d’utilisation, — robustesse,

— absence d’effets de diffraction, — excellente qualit´e de faisceau, — excellente qualit´e de pompage,

— compacit´e,

— seuil d’oscillation laser tr`es faible, — fort gain, tr`es bonne efficacit´e, — tr`es bonne dissipation thermique, — faible coˆut d’entretien.

Tous ces atouts permettent d’expliquer pourquoi ces lasers sont devenus de plus en plus courant ces derni`eres ann´ees avec notamment 15% des ventes pour l’industrie [303]. Notamment, grˆace `a un travail consid´erable li´e au d´eveloppement et `a l’optimisation des guides d’ondes `a fibre optique, les puissances moyennes extraites des lasers `a fibre ont largement ´et´e augment´ees. Des puissances moyennes records de l’ordre de 10 kW [304] ont pu ˆetre mesur´ees en r´egime continu et les fibres `a tr`es large aire modale [305], Dcœur > 50 µm, permettent de repousser efficacement les seuils d’apparition des processus non-lin´eaires.

Figure 4.1 – Instabilit´es modales dans les fibres `a large aire modale. (a) Sch´ema illustrant le ph´enom`ene d’instabilit´e modale. Lorsque le laser `a fibre fonctionne sous un cer-tain seuil de puissance, le faisceau de sortie est stable et de bonne qualit´e. Au-del`a, la forme du faisceau commence `a fluctuer en fonction du temps, et sa qualit´e en est degrad´ee [303]. (b) Sch´ema d’une fibre `a large aire modale `a cristaux photoniques dop´ee Ytterbium [305]

Cependant, depuis 2010, leur ´evolution est frein´ee par un probl`eme : les instabilit´es mo-dales. Ces derni`eres, comme l’illustre la figure 4.1(a) se traduisent par des changements p´eriodiques d’indice du cœur de la fibre induisant des oscillations entre le mode fonda-mental et le second mode. Ces probl`emes apparaissent au-del`a d’une certaine puissance moyenne extraite, et donc particuli`erement dans des architectures de fibres sp´ecialement d´edi´ees `a la mont´ee en puissance comme les fibres `a large aire modale.

Dans le cas de ces fibres, il est important que l’indice du cœur soit rigoureusement ´egal `

a celui de l’indice du mat´eriau de fond (dans la gaine). Mˆeme s’il est irr´ealiste d’atteindre une telle condition, l’objectif est de s’en rapprocher au maximum. Egalement, afin de pr´e-compenser l’apparition des probl`emes thermiques dus `a la mont´ee en puissance dans la fibre, et ainsi la modification indicielle, une m´ethode consiste `a r´ealiser un cœur avec un indice l´eg`erement plus faible. Lorsque la fibre est pomp´ee, l’´el´evation de l’indice de ce cœur induite par la thermique va rendre la fibre guidante, et ´egaliser les indices lorsque la fibre sera en fonctionnement. Ainsi, il est essentiel de pouvoir contrˆoler les valeurs d’indices de r´efraction dans le mat´eriau actif (cœur) et dans le mat´eriau passif (gaine) et donc, avant tout de les qualifier exp´erimentalement par la mesure.

4.1.2 Etat de l’art de mesure d’indice de r´efraction

Concernant la mesure d’indice de r´efraction, une pr´ecision de l’ordre de 10−5 per-mettrait d´ej`a un meilleur contrˆole de la diff´erence d’indice de r´efraction. En effet, une connaissance compl`ete et pr´ecise de l’indice de r´efraction d’une fibre optique est critique pour pr´edire et comprendre diverses caract´eristiques dont la dispersion chromatique dans les fibres monomodes, la dispersion modale dans les fibres multi-modes, les pertes d’in-terconnexion ou encore les seuils de non-lin´earit´e. Une large diversit´e de techniques de profilage de fibres optiques ont ´et´e d´evelopp´ees depuis la cr´eation de la technologie de la fibre optique [306,307]. La totalit´e de ces techniques de mesure d’indice de r´efraction reposent sur des m´ethodes classiques, notamment l’interf´erom´etrie en lumi`ere blanche.

Premi`erement, il est possible de faire des mesures sur pr´eforme. Dans ce cas, des profilom`etres sont typiquement utilis´es, offrant des r´esolution de l’ordre de ± 2 · 10−4. C’est le cas du syst`eme P104 Preform Analyzer de chez Photon Kinetics. Par ailleurs, il existe des m´ethodes ayant des r´esolutions de l’ordre de 10−6, mais celles-ci requi`erent la pr´eparation de prismes volumineux, ce qui n’est pas envisageable avec les techniques de synth`eses de verres de silice existantes.

Deuxi`emement, il est possible d’effectuer des mesures directes sur fibres. Ces m´ethodes sont pr´ef´erables ´etant donn´e qu’elles tiennent compte des effets de tirage de fibres, et que les utilisateurs n’ont g´en´eralement pas acc`es aux donn´ees de profil pr´eform´ees du fabricant. Elles repr´esentent ´egalement un d´efi technologique plus important du fait des dimensions microscopiques de la fibre. Pour ce qui est des mesures directes sur fibre, le syst`eme commercial le plus r´esolu est l’Interfiber Analysis IFA- 100. Ce dernier mesure l’indice de r´efraction par tomographie et pr´esente une r´esolution de ± 1 · 10−4. Il est possible d’augmenter cette r´esolution jusqu’`a ± 3·10−5grˆace `a un traitement de donn´ees

statistiques. Toutefois, `a notre connaissance, aucun appareil ne permet d’aller plus loin en terme de r´esolution.

Au niveau des travaux report´es dans la litt´eratures, diff´erentes m´ethodes sont utilis´ees. La m´ethode des rayons r´efract´es, commun´ement appel´ee ”champ proche r´efract´e”, balaye un point focalis´e `a travers la face d’un ´echantillon de fibre cliv´e et d´etecte l’amplitude de la lumi`ere s’´echappant de cet ´echantillon de fibre. Cette technique permet d’atteindre une r´esolution de l’ordre de 10−5 [308]. De mani`ere g´en´erale, les techniques plus r´ecentes consistent en des mesures de phase contrairement `a la m´ethode pr´ec´edemment discut´ee. L’interf´erom´etrie transversale est une approche alternative qui permet de mesurer di-rectement la phase d’un ´echantillon de fibre `a travers une face non cliv´ee [306, 307]. Parmi les diff´erentes m´ethodes utilis´ees, nous pouvons citer la microscopie `a contraste interf´erentiel diff´erentiel [309,310], la microscopie quantitative en phase [311, 312,313], la tomographie par diffraction [314], ou encore une technique capable de mesurer le profil d’indice de r´efraction d’une fibre sur une large bande de longueurs d’ondes utilisant une combinaison d’interf´erom´etrie transversale et de spectroscopie `a transform´ee de Fou-rier [315]. Ces techniques, elles aussi, sont limit´ees `a des pr´ecisions de l’ordre de 10−4 ou 10−5. La r´ef´erence [316] offre un panorama plus complet sur toutes les techniques pr´ec´edemment ´evoqu´ees.

L’id´ee de notre mesure n’est pas d’avoir un acc`es direct `a l’indice de r´efraction, mais de faire une mesure relative de diff´erence d’indices de r´efraction au sein d’une fibre bi-cœur. Ce principe n’ayant jamais ´et´e ´etudi´e, il est possible de pr´etendre `a des valeurs de r´esolution encore jamais atteintes.

Par ailleurs, aucune technique reposant sur l’utilisation d’´etats quantiques n’est r´epertori´ee. Toutefois, de nombreux travaux de m´etrologie quantique d´emontrent l’avan-tage, en terme de sensibilit´e, des mesures quantiques sur leurs analogues classiques. A titre d’exemple, nous pouvons citer la mesure de dispersion chromatique dans des fibres [261]. Dans notre cas, nous discuterons de l’´eventuel avantage sur la pr´ecision de nos mesures de l’utilisation d’´etats quantiques sur une source de lumi`ere classique.

4.1.3 Fibre bi-cœur : pr´esentation de la strat´egie employ´ee

Comme introduit pr´ec´edemment, la strat´egie que nous employons est nouvelle et s’at-taque au probl`eme des fibres bi-cœurs. Ces fibres, illustr´ees en figure 4.2, poss`edent, comme leur noms l’indiquent, deux cœurs, chacun compos´e d’un mat´eriau `a tester. Le premier mat´eriau sera celui constituant le cœur d’une fibre de type large aire modale, tandis que le second sera celui constituant la gaine. En terme de dimensions, la fibre me-sure 131 µm de diam`etre et les deux cœurs font approximativement le mˆeme diam`etre, `

a savoir 10 µm. Notons qu’une barri`ere d’air, en gris fonc´e sur la figure, est plac´ee entre les deux cœurs de mani`ere `a ´eviter toute influence d’un mat´eriau sur l’autre.

Notre strat´egie repose sur une m´ethode d’interf´erom´etrie quantique. L’id´ee consiste alors `a construire un interf´erom`etre dont l’un des deux bras sera compos´e, en partie ou totalement, de cette fibre bi-cœur. Des paires de photons intriqu´es sont inject´ees

Figure 4.2 – Illustration de la fibre bi-cœurs. Il s’agit plus pr´ecis´ement d’une illustration de la pr´eforme utilis´ee pour con¸cevoir la fibre optique.

dans l’interf´erom`etre et il sera alors n´ecessaire de faire une premi`ere mesure dans le premier cœur puis d’en effectuer une seconde dans le second cœur. Cette mesure consiste `

a trouver la position d’´egalit´e des chemins optiques des deux bras par l’interm´ediaire d’un nano-positionneur qui permet de retracer le signal d’interf´erence. Bien sˆur, les mesures et d´etails exp´erimentaux seront explicit´es dans la section correspondante. Enfin, en comparant les deux interf´erogrammes, il sera alors possible d’en d´eduire de mani`ere relative la diff´erence d’indices optique entre les deux mat´eriaux composant les deux cœurs.

De plus, cette m´ethode permet d’effectuer des mesures dans les mˆemes conditions environnementales pour ces deux mat´eriaux sensibles `a la temp´erature et `a tout autre facteur ext´erieur.

Dans un premier temps, il est donc question d’identifier l’interf´erogramme obtenu pour une telle configuration, en prenant en compte tous les ph´enom`enes d’interf´erence impliqu´es.