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B.1. Principe de la diffusion et température de fermeture

BASSE TEMPERATURE SUR APATITE

III.3. B.1. Principe de la diffusion et température de fermeture

, où Rs correspond au rayon de la sphère équivalente et R la distance d’arrêt. La correction est considérée valide si U, Th et Sm sont répartis de la façon la plus homogène possible. Cette correction FT a été revue pour des géométries 3D de cristaux réalistes (Gautheron et al., 2006 ; Herman et al., 2007 ; Ketcham et al., 2011) et pour des cristaux présentant des zonations en U et Th (Gautheron et al., 2012).

Il faut noter que la détermination de ce FT induit une erreur, erreur liée à la taille du cristal. En effet, la distance d’éjection étant en

moyenne égale à 20 µm, la quantité d’hélium initialement produite dans un cristal dont la largeur du prisme est inférieure à 40 µm, sera difficile à

évaluer avec certitude. Cette erreur induite par l’utilisation du FT est illustrée dans la figure III-5,

et généralement considérée comme peu importante si les apatites sélectionnées possèdent un FT variant dans une gamme de 0,68 à 1 (erreur de 10 % au maximum ; Fig. III-5).

III.3.B. Diffusion de l’hélium dans l’apatite

III.3.B.1. Principe de la diffusion et température de fermeture

Figure III-4 : Exemple d’un cristal d’apatite de 100 µm de largeur, montrant la bordure de 20 µm où sont perdus une partie des 4He par éjection. Le diagramme montre la proportion de rétention du gaz le long d’une section.

73 Dès l’instant où sont produites des particules α, les atomes de 4He subissent une diffusion dans le cristal suivant un gradient de concentration décroissante (Loi de Fick). Dans le cas du 4He,cela signifie depuis l’intérieur du cristal vers ses bordures, étant donné que le 4He existe en concentration extrêmement faible dans l’atmosphère. L’apatite peut néanmoins subir des implantations d’hélium

de la part de cristaux voisins (Herman et al., 2007 ; Spiegel et al., 2009 ; Gautheron et al., 2012), comme de la part de zircons. En effet, la longue distance d’arrêt des particules α rend possible la transmission d’hélium radiogénique à une apatite de la part de cristaux adjacents.

Si on considère un terme de « production » P, qui suit une loi temps-dépendante, on peut écrire l’équation de diffusion suivante, pour une géométrie sphérique, dans une dimension :

où l’évolution de la concentration en 4He est donnée en fonction du temps, comme une fonction dépendante de la distribution en 4He dans l’espace du cristal (défini par sa taille a et la distance radiale par rapport au cœur de la sphère r). D est le coefficient de diffusion. De plus, la diffusion de l’hélium suit une loi d’Arrhénius dans les cristaux, ce qui permet de préciser l’écriture du coefficient de diffusion, suivant l’équation :

Figure III-5 : Evolution de la correction FT à appliquer à l’âge AHe calculé, en fonction de la taille du prisme d’apatite (Ehlers and Farley, 2003). L’erreur associée à la correction est indiquée par les chiffres en pourcentages qui donnent l’erreur à 2σ.

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D est le coefficient de diffusion, a le domaine de diffusion (i.e. la taille du grain dans le cas de l’apatite), D0 est le facteur de fréquence, Ea l’énergie d’activation (en J/mol), R la constante des gaz parfaits (8,314 J/mol/K) et T la température (en kelvin).

Cependant, comme expliqué précédemment, la température influe sur le coefficient de diffusion : (1) pour les basses températures, la diffusion sera négligeable comparée à l’accumulation, le système est donc fermé ; (2) pour de hautes températures, la diffusion est suffisamment active pour que le cristal ne soit pas rétentif à l’hélium. La connaissance de ce domaine de température intermédiaire où une forme d’équilibre entre diffusion et rétention existe est importante puisqu’elle conditionne la cinétique de la diffusion dans le système. La température à laquelle le système comporte statistiquement 50 % de particules piégées et 50 % de particules diffusées est nommée température de fermeture, TC. L’expression de cette température TC a été formulée par Dodson (1973). La température de fermeture représente un paramètre cinétique, dépendant du taux de variation de la température (taux de refroidissement et/ou de réchauffement).

Pour l’apatite, les valeurs de

D0 et Ea ont été déterminées de façon empirique par des expériences de diffusion, d’implantation ionique de tirs au microfaisceau (ERDA, NRA) ou bien de façon théorique (théorie de la fonctionnelle de la densité) (Fig. III-6). De nombreuses estimations du coefficient de diffusion dans l’apatite ont été effectuées (Zeitler et al., 1987 ; Wolf et al., 1996 ; Warnock et al., 1997 ;Ouchani et al., 1998 ; Farley, 2000 ; Shuster et Farley, 2004 ; Shuster et al., 2006 ; Cherniak et al., 2009 ; Shuster et Farley, 2009 ; Bengston et al., 2012).

Figure III-6 : Estimations empiriques et théoriques des valeurs de D0 et Ea

pour différentes apatites (Gautheron, pers. comm.). La valeur de a vaut 100 µm. En losanges bleus clairs, valeurs pour tous types d’apatites excepté Durango. Les cercles indiquent les valeurs déterminées grâce à des expériences de diffusion pour le standard Durango. Les carrés colorés indiquent des valeurs déterminéess par NRA (Nuclear Reaction Analysis), ERDA (Elastic Recoil Detection Analysis) et calculs DFT (Density Functional theory) pour le standard Durango. Toutes les valeurs obtenues sont remarquablement cohérentes dans le graphique Log D0 = f(Ea).

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III.3.B.2. Effets des dommages liées à la désintégration α sur la diffusion de l’helium

La température de fermeture de l’apatite pour la méthode AHe dépend de l’évolution des variations de température et se trouve donc essentiellement contrôlée par l’histoire thermique subie par l’échantillon. En remarquant les divergences importantes, et inattendues, entre âges AFT et AHe dans certaines études (ces derniers étaient alors plus vieux ; Hendriks et Redfield, 2005 ; Green et al., 2006), Green et al. (2006) ont suggéré que la désintégration de U et Th pourrait jouer un rôle dans ces divergences. A partir d’expériences de diffusion, Shuster et al. (2006) ont démontré que les paramètres de diffusion (liés à TC) montraient des corrélations avec la concentration en hélium dans les cristaux d’apatite (Fig. III-7). Ils ont

alors proposé que plus la quantité de U et Th était importante (en l’approximant par la quantité de He), plus la rétention de l’hélium augmentait, en faisant l’hypothèse que les dommages cristallins produits par les radiations se comportent comme des pièges pour les molécules de 4He. Shuster et al. (2006) ont aussi construit un modèle de piégeage qui prenait en compte les variations du coefficient de diffusion par accumulation des dommages au cours du temps. Ce modèle rendait alors mieux compte des observations, mais évacuait la question d’une cicatrisation possible des dommages liés à la désintégration α, que Weber et al. (1997) considèrent cicatrisés à haute température (> 150°C ; Farley (2000) a proposé > 290°C).

Pour pallier à ce manque, deux modèles prenant en compte l’accumulation des dommages et leur cicatrisation ont été proposés par Gautheron et al. (2009) et Flowers et al. (2009). Les deux modèles utilisent (1) le modèle d’accumulation de dommages proposé par Shuster et al. (2006) et (2) la cinétique de cicatrisation des traces développée par Ketcham et al. (2007) (rmr0, voir partie III.2.B)

Figure III-7 : Estimation des températures de fermeture, déduites des expériences diffusion (Shuster et al., 2009), en fonction du log de la concentration en hélium dans chacun des cristaux étudiés.

76 comme proxy pour la cicatrisation des dommages dus à la désintégration. Les différences observées entre ces deux modèles résident dans :

- Premièrement, le modèle de diffusion a été réalisé en 1D dans le cas du modèle de Flowers et al. (2009) et 3D pour celui de Gautheron et al. (2009).

- Deuxièmement, les deux modèles intègrent les variations du coefficient de diffusion, en introduisant un paramètre corrélé à la quantité de dommages accumulés dans le réseau cristallin. Ceci fait que dans les deux cas, les modèles donnent une expression pour le coefficient de diffusion, qui suit la forme :

Eb représente l’énergie de liaison additionnelle associée au dommage radiatif dans le réseau cristallin, et ω est un coefficient proportionnel à la densité de dommages radiatifs (fraction du volume par rapport au volume total). Le facteur ω incorpore ainsi à la fois la production et la cicatrisation des dommages radiatifs. A partir de cette formulation similaire de l’évolution du coefficient de diffusion, les deux modèles diffèrent dans la façon dont sont corrélées ω et le nombre de dommages. Flowers et al. (2009) adoptent une corrélation qui suit une loi de corrélation cubique calibrée empiriquement et qui reproduit globalement bien les données pour des concentrations variables en éléments radioactifs producteurs de 4He (il s’agit de la concentration en uranium efficace, ou « eU »). A contrario, Gautheron et al. (2009) ont adopté une loi de corrélation linéaire, qui est en adéquation avec la théorie physique de la diffusion, reproduisant moins bien les données pour de faibles eU.

Globalement, les deux modèles proposent le plus souvent des prédictions similaires pour les histoires thermiques complexes dans les cas d’échantillons subissant des variations lentes de températures au cours de leur histoire (Gautheron et al., 2013 ; voir la partie 4, section IV dans ce travail), et montrent des écarts pour les faibles eU (Fillon et al., 2013 ; Gautheron et al., 2013). Les apports majeurs de ces deux modèles ont été de démontrer que l’introduction de dommages radiatifs rendait compte des changements de la température de fermeture au cours du temps (et donc des propriétés de diffusion), en fonction de l’histoire thermique et de la concentration en uranium efficace (eU ; voir III.3.A). La figure III-8 montre ainsi quelques résultats obtenus par ces deux modèles.

Enfin, de récentes études indiquent de nouveaux champs de recherche pour affiner la méthode AHe. D’une part, la composition chimique des apatites doit être prise en compte,

77 puisqu’elle jouerait un rôle dans les propriétés de cicatrisation des dommages radiatifs (Gautheron et al., 2013). Pour ce faire, la variabilité chimique des cristaux d’apatite est prise en compte via l’utilisation du rmr0 (Ketcham et al., 2007. La figure III-9 montre la dispersion des âges AHe associés à cette variation de chimie. D’autre part, la forme et la longueur des grains cassés favorisent la dispersion des âges AHe et doivent ainsi être pris en compte (Brown et al., 2013 ; Beucher et al., 2013).

Figure III-8 : Variation des âges AHe dans des cas de réchauffement. (A) Chemin thermique avec réchauffement. Les lignes bleues montrent l’accumulation des dommages avec et sans cicatrisation. (B) Prédictions des âges AHe associées à l’histoire thermique (A), en fonction de l’eU. De façon claire, la gamme d’eU considérée (5-150 ppm) permet d’observer une large dispersion des âges AHe lorsque l’échantillon subit un réchauffement. ((A) et (B) de Gautheron et al. (2009)). (C) et (D). Variations des âges AHe en fonction de la température au maximum de réchauffement, et pour différents eU. Dans (C) on observe la température critique à partir de laquelle les apatites de faible eU (40-60°C) et de fort eU (80-100°C) vont perdre l’hélium par diffusion, température qui dépend de la quantité de dommages radiatifs, liée à l’eU. Au-delà de 110-120°C, toutes les apatites sont rapidement vidées de leur hélium (D). ((C) et (D) de Flowers et al. (2009)).

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Figure III-9 : Prédictions d’âges AHe en fonction de l’eU (ppm) pour deux histoires thermiques données avec HeFTy (Ketcham et al., 2005) et en utilisant le modèle de dommage de Flowers et al. (2009). Différentes tailles de cristaux ont été utilisées (40, 60 et 80 µm pour le rayon de sphère équivalente Rs). Pour chaque taille de Rs, une gamme de rmr0 a été utilisée, allant de 0,79 à 0,85. Cette gamme permet de montrer la dispersion des âges liée à la chimie.

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III.4. Utilisation combinée des deux méthodes

J’ai brièvement présenté les principes et les propriétés des deux thermochronomètres sur apatite dans les parties précédentes. Considérant le recouvrement des gammes de températures auxquelles sont sensibles ces deux thermochronomètres (60-110°c pour la méthode AFT et 40-120°C pour la méthode AHe en fonction des histoires thermiques), la combinaison des deux méthodes peut donc s’avérer profitable pour les contextes géologiques particuliers que sont par exemple les cratons, qui subissent des mouvements a priori lents. En effet, les contextes géologiques plus « actifs » dans lesquels les mouvements affectant la croûte supérieure se font à haute vitesse donneront des âges AFT et AHe relativement similaires, puisque les problèmes liés aux dommages radiatifs sont minorés. A l’inverse, ces dommages entraînent des difficultés à estimer clairement les vitesses de refroidissement, et de façon plus générale à interpréter les données thermochronologiques sur apatite dans les cas de contextes géologiques « stables ».

Ce problème d’interprétation a été posé par Green et Duddy (2006) avec l’exemple de la Suède du Sud, où les âges AHe sont plus âgés que les âges AFT pour les mêmes échantillons, dans le cas d’apatites à forts eU. Comme la gamme de température de fermeture était considérée plus basse pour la méthode AHe que pour la méthode AFT, les auteurs ne s’attendaient donc pas à ce que les âges AHe soient plus vieux. Ces divergences durent attendre les modèles de piégeage et de cicatrisation des dommages radiatifs pour trouver une explication (Shuster et al., 2006 ; Flowers et al., 2009 ; Gautheron et al., 2009). Dans ces contextes géologiques (intérieur des continents, cratons), où l’habitude est de penser que ces régions ne peuvent subir que de faibles et lents mouvements, les moyennes de longueurs de traces montrent néanmoins des valeurs relativement étalées (Fig. III-10), de 11,5 à 13 µm et une erreur standard de l’ordre de 0,2 µm (voir discussion dans Gleadow et al., 1986). La distribution des longueurs de traces montre également des histogrammes dont les valeurs s’étalent largement depuis des valeurs assez faibles (7-8 µm) jusqu'aux maximales (13-14 µm). Ces données montrent qu’un examen des données brutes peut déjà fournir une information sur les vitesses de refroidissement ou de réchauffement, qui sont ici qualifiées de relativement lentes.

Cependant, même si les distributions de longueurs de traces fournissent des informations sur les vitesses de mouvements, les âges AFT sont plus délicats à interpréter, car ils peuvent aussi présenter une large dispersion. C’est ici que l’usage couplé AFT/AHe peut enrichir l’analyse.

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Figure III-10 : Moyennes de longueurs de traces pour des contextes géologiques « stables », ou des cratons. 3 contextes différents ont été considérés : (1) L’Amérique du Nord et sa marge orientale (Crowley et al., 1991 ; Boettcher et Milliken, 1994 ; Wang et al., 1994 ; Lorencak et al., 2004 ; Spotila et al., 2004) , (2) le nord du COA (cette étude) et (3) le Massif central en France (Barbarand et al., 2013). Ces moyennes sont relativement étalées, de 11 à 13 µm. En abscisses sont donnés les âges AFT (en Ma) et en ordonnées les valeurs des moyennes (en µm).

Une fois acquis les modèles d’accumulation et cicatrisation des dommages radiatifs dans la diffusion de l’hélium dans les apatites, des études ont pu utiliser la dispersion des âges AHe comme outil pour contraindre les histoires thermiques (Fig III-9). En couplant ces corrélations entre eU et âges AHe avec les âges AFT et les distributions de longueurs de traces, les histoires thermiques des échantillons peuvent alors être contraintes de façon plus précise. En effet, prenons le cas d’une histoire thermique complexe, avec plusieurs phases de réchauffement (Fig. III-11A). L’usage de la seule méthode AFT fournit un âge AFT relativement vieux et une distribution de longueurs de traces étalée autour de 11 µm, qui ne peuvent informer de façon satisfaisante sur l’histoire thermique récente (Fig. III-11B). A l’opposé, la méthode AHe fournit seulement un âge ici qui est très jeune, correspondant uniquement au second réchauffement (Fig. III-11C). Le couplage des deux méthodes est ici manifeste dans la mesure où l’identification des deux épisodes de réchauffement n’est possible qu’à la condition d’utiliser de façon couplée les deux méthodes. Qui plus est, si jamais la

81 gamme des eU de plusieurs cristaux d’apatite s’avère large, la corrélation âges AHe vs. eU contraindra encore davantage l’ensemble des possibles pour l’histoire thermique.

Figure III-11 : Comparaison des histoires thermiques déterminées (A) par la double méthodologie AFT-AHe, (B) par la méthode AFT seule et (C) par la méthode AHe seule. Toutes ces histoires thermiques ont été modélisées avec HeFTy (Ketcham et al., 2005). En B et en C sont proposées des histoires thermiques qui sont compatibles avec les données thermochronologiques (AFT ou AHe). Dans ces deux cas, les histoires déterminées expliquent de façon statistiquement équivalente les données pour une histoire thermique véritable complexe (A), traduisant des changements de température relativement lents, similaires à ce qui se produit dans les cratons.

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III.5. Utilisations et limites de la TBT sur apatite