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Partie 1 : Transitions de phase isotrope/nématique et sol/gel

III. Comportement colloïdal des suspensions de beidellite

III.3. Structure des différentes phases

III.3.1. Principe de la diffusion des rayons X aux petits angles

Cette technique d’analyse se base sur l’interaction élastique des rayons X avec les nuages électroniques des objets présents dans les suspensions. Comme pour la diffraction des rayons X, la diffusion résulte des phénomènes d’interférences entre les ondes diffusées par chaque objet (ici les plaquettes d’argiles) de l’échantillon, donnant une image de l’objet dans l’espace réciproque. Classiquement, un faisceau monochromatique incident traverse l’échantillon (figure III-).

Figure III-12. Principe de la diffusion des rayons aux petits angles (SAXS). F : Fentes ; E : Echantillon ; D : Détecteur bidimensionnel.

L’intensité diffusée est alors collectée en fonction de l’angle de diffusion θ sur un détecteur de rayons X bidimensionnel situé après l’échantillon perpendiculairement à la direction du faisceau direct (figure III). Le détecteur peut-être une caméra CCD ou bien un écran photographique fluorescent (image plate) utilisé sur les dispositifs de laboratoire. Par ailleurs, un dispositif empêchant la

transmission du faisceau direct est placé devant la CCD pour éviter la saturation des capteurs (« beamstop »). Dans le cas d’échantillons très diffusants, des atténuateurs sont mis en place entre l’échantillon et le détecteur.

L’image de diffusion obtenue représente donc l’intensité diffusée en fonction du module du vecteur de diffusion q définie telle que :

λ

θ

π sin

q= 4

(III-1)

où 2θ correspond à l’angle de diffusion et λ la longueur d’onde (nm). Tandis que la diffraction a lieu pour des échelles de grandeur correspondant aux distances interatomiques, la diffusion aux petits angles est observée pour de faibles valeurs de q, et renseigne à la fois sur la forme et la taille des objets diffusants. Par conséquent, l’intensité diffusée par des objets en suspension en fonction du module du vecteur de diffusion est donnée de façon simplifiée par la relation :

) q ( S ) q ( P V ) q ( I =

Δρ

2

φ

p (III-2)

avec

Δρ

le contraste correspondant à la différence des densités moyenne en électrons entre les objets diffusants et le milieu environnant, f la fraction volumique en particules, Vp le volume d’une particule, P(q) et S(q) étant respectivement le facteur de forme et le facteur de structure des objets diffusants. La dépendance de l’intensité diffusée en fonction du module du vecteur de diffusion est obtenue par l’analyse angulaire des clichés de diffusion, à l’aide de logiciels de traitements spécifiques. Au cours de cette thèse, les données SAXS ont été analysées en utilisant le logiciel Fit2D ainsi que par des routines de traitement développées sur Matlab. Les profils d’intensité obtenus ont été corrigés de la transmission du faisceau direct (obtenue par des photodiodes placées, le plus souvent, sur le beamstop) ainsi que du signal du capillaire et celui du solvant, en tenant compte de la géométrie du montage (i.e., la distance échantillon-détecteur).

III.3.2. Conditions expérimentales

Toutes les suspensions préparées par stress osmotique ont été analysées par diffusion des rayons X aux petits angles. Les échantillons sont insérées dans des capillaires cylindriques en borosilicate (diamètre 1 mm, GLAS, Schönwalde bei Berlin, Germany), scellés à la flamme puis enduits d’une couche de cire (Apiezon®, Roth) afin d’éviter toute évaporation. Par mesure de précaution, le niveau des suspensions dans le capillaire est repéré par une marque.

Les expériences de SAXS peuvent être réalisées soit en laboratoire soit en utilisant le rayonnement synchrotron. La deuxième solution offre la possibilité d’un meilleur flux de photons

traversant les suspensions permettant des acquisitions d’images plus rapides, de l’ordre de la centaine de millisecondes. De plus, les montages SAXS disponibles sur synchrotron permettent d’atteindre une gamme du module du vecteur de diffusion plus large, notamment vers les petites valeurs de q (et donc les distances interparticulaires plus grandes). Cependant l’accès à du temps de faisceau sur synchrotron reste limité et il est nécessaire de réaliser au préalable, des expériences sur des montages de laboratoire.

Au cours de cette thèse, les expériences de diffusion des rayons X aux petits angles ont été effectuées sur les lignes de lumière de BW4 et A2 à Hasylab (Hambourg, Allemagne), sur D2AM à l’ESRF (Grenoble, France) et sur SWING à SOLEIL (Orsay, France). Les longueurs d’onde utilisées étaient respectivement de 0.138, 0.15, 0.11 et 0.112 nm pour des distances échantillon-détecteur de 13, 2.48, 1.66 et 6 m.

III.3.3. Résultats

Les expériences en SAXS ont été réalisées pour chaque force ionique et pour chaque fraction en taille de beidellite, sur une large gamme de concentration, recouvrant les différentes phases observées optiquement (soit environ une centaine d’échantillons). Cependant, pour des raisons de clarté, cette section se focalisera principalement sur les résultats obtenus pour la taille 3 de beidellite à une force ionique de 10-5 M.L-1.

Dans la phase isotrope, les suspensions très diluées (figure III-13) présentent une décroissance monotone de l’intensité diffusée en fonction du module du vecteur de diffusion, telle que I(q)~ q-2. En fait, ce comportement correspond exclusivement au facteur de forme décrivant la diffusion d’une distribution aléatoire et sans aucune interactions d’objets bidimensionnels dans le régime intermédiaire du module du vecteur de diffusion

<

<

t

q

D

π

π 2

2

. En augmentant la fraction volumique tout en

restant dans la phase isotrope, à la limite de la transition isotrope-nématique, les figures de diffusion sont toujours isotropes (insert de la figure III-14A). Par contre, l’analyse angulaire de l’intensité met en évidence une modulation périodique de l’intensité diffusée (figure III-14A) liée à un ordre positionnel à courte portée des plaquettes de beidellite. Ces pics sont exacerbés en multipliant l’intensité I(q) par le facteur de forme q-2 (figure III-14B).

Figure III-13. Variation de l’intensité diffusée en fonction du module du vecteur de diffusion q pour une suspension diluée de taille 3 de beidellite (force ionique : 10-5 M.L-1, φ = 0.15%). L’insert correspond à la figure de diffusion SAXS associée.

Figure III-14. Variation de (A) l’intensité diffusée et du (B) facteur de structure q²I(q) en fonction du module du vecteur de diffusion q pour une suspension de taille 3 de beidellite à la limite de la transition isotrope-nématique (force ionique : 10-5 M.L-1, φ = 0.39%). L’insert correspond à la figure de diffusion SAXS associée.

Ces pics de corrélations correspondent à la distance moyenne entre les particules au sein de la suspension. Ainsi, la distance interparticulaire moyenne, Desp peut-être estimée à partir de la position des maximas de ces oscillations qmax, 2 qmax, 3 qmax, … telle que :

max exp

q

D

(III-3)

Dans l’exemple présenté en figure III-14, nous pouvons remarquer que les pics sont rationnels entre eux et correspondant en réalité aux harmoniques d002, d003 et d004, de la première réflexion située à plus de 1300Å hors de la limite en q du montage SAXS utilisé. Dans la phase nématique du domaine biphasique, les figures de diffusion deviennent très légèrement anisotropes, liée à l’orientation préférentielle des particules dans la phase nématique. Les pics de corrélations sont plus marqués et correspondent à des distances plus proches (figure III-15).

Figure III-15. Variation de (A) l’intensité diffusée et du (B) facteur de structure q²I(q) en fonction du module du vecteur de diffusion q de la phase nématique d’une suspension biphasique de taille 3 de beidellite (force ionique : 10-5 M.L-1, φ = 0.42%). L’insert correspond à la figure de diffusion SAXS associée.

Finalement, au-delà de la transition sol-gel, les figures SAXS révèlent une forte anisotropie à cause de l’alignement des particules lors du remplissage des capillaires (figure III-16A). Les facteurs de structure évoluent avec l’augmentation de la concentration en s’élargissant et en diminuant d’intensité. Dans le gel, les particules ne peuvent pas atteindre leur état d’équilibre thermodynamique car elles subissent à la fois un blocage rotationnel et translationnel. Toutefois, cet état évolue dans le temps et les gels proches de la transition liquide-solide peuvent se réorienter sur des périodes plus ou moins longues.

Figure III-16. Evolution de l’orientation locale des particules dans des gels de taille 3 de beidellite avec l’augmentation de la fraction volumique. (A) Figures de diffusion SAXS ; (B) Variation des facteurs de structure q²I(q) en fonction du module du vecteur de diffusion q.

La figure III-17 illustre ce type de réorientation sur un gel de taille 2 de beidellite (φ = 0.81%) à une force ionique de 10-5 M.L-1. En parallèle, la direction moyenne des normales des plaquettes a été schématisée tandis que le capillaire a été observé au microscope polarisant. Bien que la géométrie cylindrique du capillaire induise une dégénérescence de l’orientation moyenne des plaquettes en suspension, cette cartographie illustre parfaitement les phénomènes de réorientation au sein même d’un gel. D’autre part, cette réorientation des particules n’influence pas les facteurs de structure : quelque soit la position dans le capillaire, la distance interparticulaire moyenne est toujours équivalente à 1050 Å. Finalement, nous pouvons constater que cette réorientation coïncide parfaitement avec le changement de texture observé au microscope.

Figure III-17. Cartographie SAXS d’un capillaire cylindrique de 1 mm contenant un gel de beidellite (taille 2, force ionique : 10-5 M.L-1, φ = 0.81%). Pas en x de 0.1 mm ; Pas en z de 1 mm (Valeurs arbitraires). A. Figures de diffusion ; B. Schématisation de la réorientation des particules, la flèche noire symbolisant la direction moyenne des normales des plaquettes ; C. Image du capillaire au microscope polarisant (longueur ≈ 2 cm).

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