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Chapitre I La microscopie à force atomique

A. Friction

2. Les principaux résultats

Les premières études de friction à l'échelle nanométrique ont été réalisées par Mate et al. [1987] entre une pointe de tungstène et une surface de graphite. Ils ont observé que le signal de torsion variait périodiquement selon le réseau cristallin : on parle alors de collage-glissement ou en anglais de "stick-slip" (voir figure I.6).

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Les images sont toutefois assez longues à obtenir à cause de la constante de temps du détecteur synchrone qui nécessite des vitesses de balayage faibles.

Figure I.6 : image LFM (6 × 6 nm2) obtenue sous ultra-vide d'une surface KF(001) clivée avec une pointe en nitrure de silicium (A). Le phénomène de "stick-slip" est observé sur les balayages aller et retour (B). L'hystérésis de la boucle de friction est caractéristique de la dissipation d'énergie lors du phénomène [Carpick et al., 1997].

(A) Distance (nm) Frictio n (u n ité arb itrai re) Ff max Ff Ff min Ff aller retour (B)

Ce phénomène a été observé sur différentes surfaces allant des matériaux souples avec une pointe en nitrure de silicium Si3N4 [Takano et Fujihira, 1996], aux surfaces les plus rigides avec une pointe diamant [Germann et al., 1993].

En microscopie à force atomique, le "stick-slip" se produit généralement sur des surfaces planes, et le contact reste élastique (i.e. aucune usure ne se produit). La force de friction augmente jusqu'à une valeur maximale lorsque la pointe colle, puis brusquement chute lorsque la pointe décroche et se met à glisser. Si la distribution de pression, au contact entre la pointe et la surface, conduit à une force latérale supérieure à la friction statique, la pointe se met à glisser. Toutefois, ce mouvement dissipe de l'énergie et, la force normale appliquée ne peut continuer à maintenir le glissement. La pointe "colle" de nouveau à la surface et le cycle se répète ainsi de suite.

La maîtrise et la compréhension de ce phénomène ne sont pas encore totales malgré les efforts théoriques déjà consentis [Tomanek et al., 1991; Kerssemakers et de Hosson, 1995; Hölcher et al., 1996]. Toutefois, les résultats communs tendent à démontrer que le "stick-slip" a pour origine la recherche, par le système mécanique pointe-surface, de la configuration énergétique minimale. De plus la périodicité observée correspondrait plutôt à celle du potentiel d'interaction que celle du réseau cristallin.

Il reste encore à déterminer les conditions expérimentales favorisant le "stick-slip" ainsi que la véritable origine de sa périodicité. L'effet sur la friction est encore à explorer : on ne sait pas si le comportement de la friction est le même avec ou sans "stick-slip".

2.2. Anisotropie de la friction

Plusieurs expériences ont montré des directions privilégiées pour le glissement de la pointe et ainsi des variations de friction suivant la direction de balayage. Ainsi Bluhm et al. [1995; 1998] ont observé des variations de friction sur un cristal de sulfate de triglycine (TGS), allant même jusqu'à une inversion de contraste (voir figures I.7). C'est un matériau ferroélectrique qui possède deux domaines, l'un chargé positivement et l'autre négativement. Ces deux domaines ont la même nature chimique, mais l'orientation des molécules varie de 180° d'un domaine à l'autre. Les variations de friction résulteraient ainsi de différents potentiels d'interaction entre la pointe et la surface. De la même manière, d'autres travaux ont montré que les variations anisotropiques de friction étaient dues aux propriétés

structurales de monocouches de lipides [Overney et al., 1994a; Liley et al., 1998] ou de polydiacetylène [Carpick et al., 1999a].

Il a été aussi observé que l'anisotropie de la friction avait une origine cristallographique. En effet, Sheehan et Lieber [1996] ont étudié le glissement, effectué grâce à la pointe du microlevier, d'îlots d'oxyde de molybdène (MoO3) à la surface d'un cristal de disulfure de molybdene (MoS2). Ainsi, ils se sont aperçus que les îlots glissaient exclusivement le long d'un seul plan cristallographique. Ce travail confirme les études précédemment menées par Morita et al. [1996] sur différents cristaux où le "stick-slip" n'apparaissait que selon certains axes cristallographiques.

2.3. Friction et force normale

Le comportement de la friction en fonction de la charge appliquée est d'une importance fondamentale pour prévoir l'usure de matériaux en contact. L'AFM est ainsi devenu l'outil préférentiel pour étudier la friction des nanocontacts. Toutes les études menées ont conduit à l'observation d'une relation linéaire entre la friction et, soit la force normale soit l'aire de contact. Nous reviendrons plus en détails sur ces problèmes au chapitre II. Il convient toutefois de rapporter les travaux récents de Wang et al. [1999] qui n'ont observé aucune variation de la friction en fonction de la force appliquée entre une pointe Si3N4 et une surface de disulfure de molybdène (MoS2). Les auteurs expliquent ce résultat, pour le moins étonnant, par l'insertion entre la pointe et la surface d'un nanocristal d'oxyde de molybdène (MoO3), précédemment cité. Ainsi, l'aire de contact est définie par la taille du nanocristal et ne varierait pas avec la force normale appliquée. L'application de cette découverte porterait sur la

A

B

C

Figure I.7 : images de friction selon trois directions de balayages différentes sur une surface de TGS. Le contraste est inversé entre les images A et C, et est très faible sur l'image B [Bluhm et al., 1995].

conception de nouveaux lubrifiants pour des contacts macroscopiques ou des systèmes micromécaniques.

2.4. Effet chimique

L'environnement chimique peut modifier notablement la friction mais son effet n'est pas encore totalement compris et maîtrisé. Ainsi, Marti et al. [1995] ont montré que les variations de friction, entre une pointe en nitrure de silicium (Si3N4) et une surface de silice immergée, variait en fonction du pH de la solution. Les variations de concentration ionique modifient le potentiel d'interaction entre la pointe et la surface et par la même la valeur de la friction. Bingelli et al. [1995] ont observé les variations de friction entre la pointe AFM et une surface de graphite dans un bain électrolytique. Ils se sont alors aperçus que la friction pouvait être grandement augmentée selon la valeur du potentiel électrochimique. Un effet encore plus spectaculaire de l'action de l'environnement chimique a été observé par Carpick et al. [1996]. Ils ont en effet observé, au cours de balayages successifs, une diminution très importante de la friction, ainsi que de la contrainte de cisaillement, entre une pointe Si3N4 couverte d'un dépôt de platine et une surface de mica, sous ultra-vide (voir figure I.8). Ils expliquent ce comportement par l'adsorption d'ions K+ du mica par la pointe, ce qui aurait pour résultat de réduire l'énergie de surface du platine et, par conséquent, de diminuer la friction. -300 -200 -100 0 100 200 0 100 200 300 400 600 500 premier balayage séries

Force normale appliquée (nN)

Frictio

n (n

N)

L'effet de l'humidité sur l'interaction pointe-surface a aussi été étudié [Bingelli et Mate, 1994; Hu et al., 1995, Schumacher et al., 1996; Piner et Mirkin, 1997]. Schumacher et al. ont notamment observé, à propos de monocouches de disulfure de molybdène (MoS2) déposées sur mica et alumine (Al2O3), des inversions de contraste sur les images LFM, des variations importantes de la valeur de la friction ainsi que de son comportement en fonction de la force normale appliquée (passage d'une dépendance linéaire à celle en puissance 2/3) selon le pourcentage d'humidité de l'air ambiant. Nous reviendrons plus en détails sur ces problèmes au cours des prochains chapitres.

Les mesures de friction entre différents groupes chimiques ont aussi été réalisées et ont conduit à l'observation d'une bonne corrélation entre les valeurs des forces adhésives et de friction mesurées par AFM [Meyer et al., 1992a, 1992b; Frisbie et al., 1994; Green et al., 1995; Koleske et al., 1997]. Ainsi, ces résultats confirment que les forces d'adhésion et de friction sont plus fortes sur des matériaux possédant une énergie de surface plus grande. Meyer et al. [1992a] arrivent même à la conclusion que l'identification chimique des surfaces peut se faire par la mesure de la friction. De la même manière, le rôle des interactions chimiques et des propriétés élastiques des surfaces sur la valeur des forces de friction a été mis en évidence [Overney et al., 1994a, 1994b, 1995]. Ainsi, par comparaison des images LFM et de modulation de force sur différents films de Langmuir-Blogdett, il a été montré que les variations de l'aire de contact entre la pointe et la surface, provoquées par les différences d'élasticité de chaque film, étaient responsables des variations de friction. Ainsi, il se confirme qu'à force normale équivalente, la force de friction est plus grande sur un échantillon souple que sur un échantillon plus rigide pour lequel l'aire de contact est plus faible.

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