• Aucun résultat trouvé

B. LES SONDES OLIGONUCLEOTIDIQUES FLUORESCENTES : SYNTHESE ET APPLICATIONS

IV. Les principaux formats d’hybridation 1. Sonde unique

IV. 1. A. Sonde linéaire (Schéma 8)

La sonde la plus simple est composée d’un oligonucléotide auquel est greffé un fluorophore (I). Le fluorophore doit émettre un signal modifié après hybridation afin de distinguer la sonde libre du complexe qu’elle forme avec sa cible. Ces fluorophores sont généralement des intercalants mais également des complexes organométalliques. Le fluorophore peut être couplé aux extrémités, en position internucléotidique, sur ou à la place d’une base nucléique.

Il est possible de produire un signal fluorescent modifié après hybridation, basé sur le phénomène de FRET, avec une sonde linéaire comportant un accepteur de fluorescence et un intercalant de l’ADN ou un ligand du sillon donneur de fluorescence111 (II). L’efficacité optimale est obtenue avec un intercalant (ex : dérivé du YO) toutes les deux paires de bases qui interagit avec le second fluorophore fixé par liaison covalente aux sondes (ex : marquées avec un dérivé du TO). Des nanotags112 très fluorescents sont ainsi conçus dont le coefficient d’extinction molaire peut atteindre le million et peuvent être utilisés en cytométrie afin de marquer les membranes cellulaires. Dans le cas où les deux marqueurs fluorescents sont des intercalants non liés aux acides nucléiques, il est possible qu’ils interagissent entre eux par FRET sans recouvrement de leurs spectres (§ B. II. 2.). Ils doivent se trouver dans des sites d’intercalation proches et la présence des bases nucléiques entre eux doit empêcher l’inhibition de fluorescence par contact.

++

++

++ ++ + (I)

(II)

(III)

(IV)

Fluorophore peu fluoescent Fluorophore fluorescent Fluorophore autonome

Fluorophore en interaction Intercalant

Inhibiteur de fluorescence

Schéma 8 : Formats d’hybridation des principales familles de sondes oligonucléotidiques fluorescentes linéaires.

Le polymarquage d’une sonde avec plusieurs fluorophores identiques induit une forte augmentation de l’intensité de fluorescence de la sonde. Il est souvent nécessaire d’éloigner les fluorophores les uns des autres afin d’éviter une inhibition de fluorescence par contact56. Des sondes comportant deux molécules de pyrène peuvent être utilisées pour étudier l’affinité et la cinétique du phénomène d’hybridation où la formation et l’intensité du signal excimérique dépend de la structure du complexe.

Le random coil est une sonde où les donneurs et accepteurs de fluorescence sont accrochés aux extrémités du même oligonucléotide (III). Les extrémités se retrouvent en contact en solution (courbure de la sonde) ce qui induit un transfert d’énergie. Après hybridation, les deux extrémités se retrouvent éloignées et les deux fluorophores deviennent alors autonomes113. Un système voisin est composé d’une sonde comportant un fluorophore et un intercalant inhibiteur de fluorescence (IV). Le signal fluorescent est éteint lorsque la sonde est libre (les deux marqueurs se trouvant à proximité l’un de l’autre). Lors de l’hybridation de la sonde avec sa cible, l’inhibiteur s’intercale et s’éloigne du fluorophore qui émet un fort signal fluorescent114, 115.

De nombreuses évolutions des sondes ont été entreprises afin d’améliorer la discrimination du bruit de fond, la sélectivité et la limite de détection mais leurs concepts et leurs synthèses sont souvent plus

IV. 1. B. Sonde changeant de forme par hybridation compétitive (Schéma 9)

Les sondes dites « Sunrise Primer », utilisées en PCR (§ B. V. 1.) afin de diminuer le nombre d’amorces marquées et donc le coût de l’expérience, possèdent une structure en épingle à cheveux dont l’extrémité 5’ porte le fluorophore et l’inhibiteur de fluorescence (Ex : respectivement fluorescéine et dabcyl) et permet de détecter le signal à partir de 10 molécules116. La sonde TaqMan® (commerciale) exploite l’activité 5’-3’-exonucléase de l’enzyme Taq DNA polymérase pour effectuer l’amplification de la cible et générer le signal fluorescent117. La sonde possède un fluorophore à l’extrémité 5’ et un inhibiteur de fluorescence à l’extrémité 3’. Une fois la sonde hybridée sur la séquence cible, le complexe est alors digéré par l’enzyme et le signal fluorescent est émis du fait de l’éloignement de l’inhibiteur du fluorophore lorsque la sonde hybridée est hydrolysée.

Les Molecular Beacons (MBs)118 sont constitués d’une séquence oligonucléotidique où à chaque extrémité est greffé soit un accepteur (inhibiteur de fluorescence (VI) ou fluorophore119 (V)) soit un donneur (fluorophore) de fluorescence. La partie centrale de la séquence est complémentaire de la cible alors que les deux extrémités sont autocomplémentaires et forment le pied du MB (en moyenne de 5 à 8 paires de bases). Le MB se retrouve donc dans une conformation dite de tige-boucle à l’état libre où le donneur et l’accepteur sont en contact. La fluorescence du donneur est donc inhibée ou modifiée (§ B. II. 2.). En revanche, en présence de la cible, le MB s’ouvre et s’hybride sur la séquence cible car ce nouveau complexe est plus stable que le MB replié du fait du plus grand nombre d’appariements formés.

++ ++

++ (V)

(VI)

(VII)

Fluorophore en interaction peu fluorescent Inhibiteur de fluorescence

Fluorophore fluorescent

FRET

Schéma 9 : Formats d’hybridation des sondes changeant de forme par hybridation compétitive.

D’autres MBs ont été développés, dont notamment certains comportant à une extrémité deux fluorophores voisins (capables d’interagir par FRET) et un inhibiteur de fluorescence à l’autre extrémité, qui engendrent un déplacement du spectre d’émission pour la même longueur d’onde d’excitation120 (VII). Des MBs possédant trois fluorophores ont également été décrits et améliorent l’efficacité du FRET68. Plusieurs MBs possédant différents fluorophores peuvent être utilisés lors d’une même expérience pour la détection de plusieurs rétrovirus pathogènes dans un même échantillon121,

122. Des MBs 2’-O-méthyle ont été employés pour suivre la synthèse d’ARN en temps réel123 et ont été couplés à des ARNt pour détecter les ARNm dans le cytoplasme124.

Les premières sondes Scorpion étaient basées sur un format boucle-épingle à cheveux semblable aux MBs125. La sonde est allongée par PCR afin qu’une partie du brin d’ADN formé soit complémentaire du pied de la sonde. Le duplex formé est plus long que le pied de la sonde donc plus stable. Il est également intramoléculaire donc plus favorable que les MBs d’un point de vue cinétique et entropique. Une deuxième génération de sondes Scorpion basée sur un format de duplex intermoléculaire permet de simplifier leur synthèse et produit généralement un signal plus intense126.

IV. 2. Plusieurs sondes

De nombreux systèmes de détection de séquences d’acides nucléiques sont basés sur l’utilisation simultanée de plusieurs sondes oligonucléotidiques fluorescentes127 (Schéma 10). Il est possible d‘obtenir un signal modifié par FRET après hybridation sur des sites adjacents d’une cible commune de deux sondes possédant deux fluorophores distincts, l’un à l’extrémité 5’ d’une sonde et l’autre à l’extrémité 3’ afin qu’ils se retrouvent à proximité l’un de l’autre après hybridation (VIII). La concentration des solutions en mélange de sondes est trop faible pour permettre le FRET en absence de cible. Le même système comportant des fluorophores identiques (Pyrène) permet d’obtenir un signal modifié par formation d’excimères128. Les sondes binaires se sont révélées être plus efficaces que les MBs en milieu intracellulaire malgré le fait que les facteurs cinétiques et entropiques des sondes binaires sont généralement moins favorables que ceux des MBs. Un signal émis par FRET entre deux MBs ciblant des séquences adjacentes est utilisé pour visualiser des ARNm dans des cellules vivantes129.

L’émission du signal fluorescent des sondes QUAL (Quenched auto-ligation) est basée sur une réaction chimique130 (IX). Ce système est composé de deux sondes conçues pour s’hybrider de façon adjacente sur la cible. L’une comporte à l’extrémité 5’ un fluorophore à proximité d’un inhibiteur de fluorescence lié par un lien électrophile de type sulfonate. L’autre sonde comporte une fonction thiophosphate nucléophile à l’extrémité 3’. Lors de l’hybridation, une réaction de substitution nucléophile se produit à partir du groupement thiophosphate qui libère l’inhibiteur et lie les deux sondes entre elles.

Fluorophore en interaction peu fluorescent Inhibiteur de fluorescence

Fluorophore fluorescent

+

+ +

P O

S -O

O

+

P O

S O

O

(VIII)

(IX)

(X)

+

Schéma 10 : Formats d’hybridation comprenant plusieurs sondes.

Un système de sondes binaires dont l’une comporte deux fluorophores a également été développé.

Le deuxième fluorophore sert de relais au phénomène de FRET qui s’avère être beaucoup plus efficace127 (X). La technique du transfert de brins sera détaillé au chapitre Résultats, § A. VIII..