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Le présent mémoire visait à étudier prospectivement le développement du TP chez les patients présentant des douleurs thoraciques sans cause médicale évidente et ayant consulté dans un département d’urgence. Ce projet de recherche novateur a été réalisé en raison de la forte comorbidité entre les DTNC et l’anxiété de type panique chez les patients consultant dans un département d’urgence (Fleet et al., 2003; Foldes-Busque et al., 2017; Foldes-Busque et al., 2012; Foldes-Busque et al., 2011; Huffman & Pollack, 2003). Étant donné les importantes conséquences associées au passage des AP vers un TP, il était essentiel d’identifier les facteurs prédicteurs de ce phénomène.

Incidence du trouble panique

Dans notre échantillon de patients souffrant d’AP et de DTNC, un participant sur 10 a développé un TP sur une période de six mois. Ce taux d’incidence est très élevé, considérant que le taux de prévalence à vie du TP dans la population générale est d’approximativement 5% (Kessler et al., 2006).

Le taux de transition des AP vers le TP pourrait être influencé par le passage du temps. Il est possible de croire qu’une plus longue période de temps entre la consultation au département d’urgence et le suivi aurait révélé un taux d’incidence plus élevé. Effectivement, les participants ont peut-être été rassurés sur la dangerosité de leurs douleurs thoraciques par le personnel médical à la suite de leur consultation au département d’urgence, en excluant la naturecardiaque de celles-ci. Avec une plus longue période de suivi, il est possible que cet effet de réassurance continue de s’estomper, résultant une augmentation de l’incidence du TP. En effet, l’anxiété en lien avec les symptômes peut augmenter et un individu peut développer avec le temps de l’évitement intéroceptif. Ce facteur de maintien aura de plus en plus d’impact négatif sur la vie de cette personne avec le passage du temps (p.ex. perte d’autonomie et de confiance en les capacités de l’individu), et par le fait même, augmentera le risque de développer un TP.

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Facteurs prédicteurs du développement du trouble panique

Dans un deuxième temps, ce mémoire doctoral visait l’identification des facteurs associés à l’incidence du TP dans les six mois suivant leur consultation dans un département d’urgence. Parmi l’ensemble des facteurs à l’étude, seule la sensibilité à l’anxiété y était significativement associée. Plus précisément, une augmentation d’un point du niveau de sensibilité à l’anxiété sur l’Index de sensibilité à l’anxiété entraîne une hausse de 6,4% de risque de développer un TP au suivi à six mois (Allan et al., 2014). Il s’agit donc d’un effet à la fois statistiquement et cliniquement significatif. Ce résultat était attendu, puisqu’il est cohérent avec la forte association entre la sensibilité à l’anxiété et le TP (Deacon & Abramowitz, 2006; Mantar et al., 2011; McNally, 2002).

Par ailleurs, puisque le soutien social perçu est associé au TP dans la littérature, il était attendu que ce facteur prédicteur soit négativement et significativement associé au développement du TP à six mois dans notre échantillon (Lochner et al., 2003; Vollrath & Angst, 1993). Cependant, les résultats ne supportent pas cette hypothèse chez les patients souffrant déjà d’AP. Il est donc possible que le faible soutien social soit en fait davantage relié au fait de développer une première AP.

De plus, il était attendu que les variables sociodémographiques (âge, sexe, état matrimonial, niveau de scolarité, niveau de revenu des ménages, statut d’emploi) soient associées au développement du TP, tel que suggéré dans la littérature. Rappelons que les jeunes adultes, les femmes, les personnes vivant seules, celles ayant un faible niveau de scolarité, celles ayant un faible revenu de ménage et celles sans emploi seraient plus susceptibles de développer un TP (Pane-Farre et al., 2013; Ramage-Morin, 2004; Rouillon, 1996). Dans notre échantillon, aucune de ces variables n’était corrélée significativement avec la présence de TP au suivi de six mois. Il est possible d’expliquer ce résultat par le fait que les participants présentant des AP sans TP et ceux qui développent un TP au suivi de six mois possèdent des caractéristiques sociodémographiques similaires (Kessler et al., 2006; Kinley et al., 2009). Effectivement, les auteurs ont tendance à aborder les facteurs prédicteurs de l’anxiété de type panique de façon indifférenciée, c’est-à-dire en omettant de préciser si les participants avaient des AP sans TP ou s’ils avaient un TP. Cela suggère que les

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caractéristiques sociodémographiques sont similaires pour les individus atteints d’anxiété de type panique, soit AP sans TP et TP indifférenciés.

Étant donné que la littérature illustre de façon convaincante l’association entre la détresse psychologique et le TP (Alonso et al., 2004; Kessler et al., 2006; Kinley et al., 2009), il était attendu que le niveau de détresse psychologique soit associé à l’incidence du TP dans notre échantillon de patients souffrant d’AP. Les résultats de cette étude n’appuient pas directement cette hypothèse : la sensibilité à l’anxiété a complètement médiatisé l’effet de la détresse psychologique sur l’incidence du TP. Ainsi, la sensibilité à l’anxiété serait plus spécifique au TP que la détresse psychologique, ce qui lui confère le rôle du facteur prédominant dans le développement du TP dans notre étude. Ce résultat est tout à fait cohérent avec les résultats rapportés dans la littérature, étant donné que les individus qui ont une sensibilité à l’anxiété élevée accordent une attention excessive à leurs sensations physiques et les interprètent comme dangereuses (Keogh & Cochrane, 2002; McNally, 2002; Reiss, 1991). Ils ont donc tendance à s’inquiéter plus spécifiquement de leur santé physique, ce qui engendre un niveau élevé d’anxiété et de détresse psychologique. Par exemple, une sensation d’oppression thoracique pourrait être interprétée comme un signe précurseur d’un infarctus chez les patients ayant un niveau de sensibilité à l’anxiété accru. Au fil du temps, il est possible d’assister à un pairage puissant entre leurs sensations physiques d’anxiété et la peur ressentie, nommé le conditionnement intéroceptif. Celui-ci est au centre du processus de développement et de maintien du TP.

Certaines corrélations entre les variables d’intérêt sont significatives dans notre échantillon et méritent d’être abordées. Tout d’abord, la présence de troubles anxieux et la détresse psychologique sont positivement et fortement corrélées ensemble. Ce résultat est cohérent avec les résultats rapportés dans la littérature (Cox et al., 2001; Deacon & Abramowitz, 2006; Mantar et al., 2011; Zinbarg & Barlow, 1996); le fait de présenter un trouble anxieux révèle une certaine détresse psychologique en soi. En effet, l’instrument utilisé dans cette étude pour mesurer la détresse psychologique est l’ÉHAD, qui évalue la présence de symptômes anxieux et dépressifs. De plus, le soutien social perçu est négativement corrélé avec la détresse psychologique et la sensibilité à l’anxiété. Cela signifie

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que plus le soutien social perçu est faible, plus les symptômes anxieux et dépressifs et la sensibilité à l’anxiété sont élevés. Ces résultats sont conformes avec ce qu’on retrouve dans la littérature (Vollrath & Angst, 1993).

En résumé, la comorbidité AP-DTNC apporte son lot de conséquences, telle qu’une détresse psychologique importante. Il est possible de croire que les patients présentant des AP sans TP et ceux qui développent un TP au suivi six mois possèdent des caractéristiques similaires, ce qui peut expliquer que seule la sensibilité à l’anxiété est associée au développement du TP au suivi six mois dans cet échantillon plutôt homogène. La sensibilité à l’anxiété se démarque donc des autres facteurs prédicteurs à l’étude, en étant plus spécifique au TP.

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