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Principales techniques d’identification : Recoil Tagging (RT) et Recoil Decay

Afin de palier la faible section efficace de production des noyaux lourds (de l’ordre du µb dans la région qui nous intéresse), la production importante de noyaux parasites issus de la fission, et afin de s’affranchir du faisceau, il est nécessaire de mettre en place des techniques permettant de bien séparer les noyaux de recul. L’utilisation du séparateur à gaz RITU permet de filtrer la majeure partie des ions mais cette séparation physique n’est pas suffisante. Un second tri doit être utilisé : il s’agit soit des techniques de Recoil Tagging (RT) ou Recoil Decay Tagging (RDT). Cette dernière est une extension de la technique des corrélations génétiques.

Filtre : RITU DSSD MWPC

FIGURE3.22 – Principe du Recoil (Decay) Tagging appliqué au cas du249Md.

La figure3.22schématise les techniques de RT et RDT. Dans un premier temps, le faisceau entre en collision avec la cible et crée, entres autres, un noyau de249Md par réaction de fusion- évaporation au temps t1.

Le premier filtre se situe au niveau de RITU qui dévie la majorité du faisceau et des polluants. Au temps t2 le résidu de fusion-évaporation ou tout autre ion dépose l’énergie ∆E dans la MWPC. Finalement, au temps t3, l’ion s’implante dans le DSSD. La cinématique de la réaction implique que la perte d’énergie des résidus de fusion-évaporation dans le MWPC est plus importante que pour le faisceau. D’autre part, on mesure le temps de vol tT OF entre le MWPC et le DSSD. La cinématique implique de plus que les résidus de fusion-évaporation sont plus lents que le faisceau direct. Quant au faisceau diffusé, sa distribution (∆E - tT OF) ou (∆E - EDSSD) n’est pas la même que pour les résidus de fusion-évaporation.

La technique de RT consiste à sélectionner les ions selon leur cinématique à l’aide des matrices (∆E - tT OF) ou (∆E - EDSSD). Une fois cette sélection effectuée, on peut corréler les ions ainsi filtrés avec l’émission des rayonnements prompts (gamma, électrons de conversion) émis au niveau de la cible. Une condition en temps liée au temps de vol est de plus appliquée.

Lorsque les noyaux sont émetteurs α avec un temps de vie supérieur à environ 1 µs (c’est le temps nécessaire aux noyaux pour atteindre le DSSD), il est possible d’imposer une condition supplémentaire. Comme le montre la figure3.19une fois le noyau implanté il décroît, la plupart des cas dans le même pixel où il s’est implanté. On mesure alors l’énergie de décroissance α ainsi que le temps correspondant tα. Les transitions α ayant des énergies bien définies, on impose que celles-ci correspondent au noyau d’intérêt et que le temps de décroissance (différence entre tα et t3) soit du même ordre de grandeur que le temps de vie de ce même noyau d’intérêt. Si toutes ces conditions sont réunies (décroissance et implantation dans le même pixel, condition sur l’énergie et le temps de décroissance α), alors on peut corréler l’émetteur α avec l’émission des rayonnements prompts au niveau de la cible. Il s’agit de la technique RDT (Recoil Decay Tagging). Malheureusement cette technique, bien que très efficace pour nettoyer un spectre se fait souvent au détriment de la quantité d’événements résultant. En effet l’efficacité de détection

des particules α au niveau du DSSD n’est que d’environ 50 %. La décroissance α étant isotrope et l’implantation ayant lieu à une faible profondeur de quelques µm, une partie des α peuvent s’échapper en ne déposant qu’une faible énergie dans le DSSD (cf figure3.23).

Échappé Totalement

absorbé

FIGURE3.23 – Illustration de la détection de la décroissance alpha après implantation dans le DSSD. La distribution des particules alpha étant isotrope et la profondeur d’implantation étant faible, l’énergie déposée dans le DSSD par la particuleα s’en échappant varie de quelques keV à l’énergie de la transition ici supposée de 7 MeV.

De même lorsque la décroissance α n’est pas le canal dominant, le nombre d’événements détectés sera alors proportionnel au rapport d’embranchement. Si le rapport d’embranchement est favorable il est même possible de pratiquer la "RDDT" (Recoil Decay Decay Tagging) qui consiste à sélectionner deux décroissances successives du noyau comme illustrée sur la figure 3.22où le noyau de249Md décroît vers le245Es, qui décroît à son tour vers241Bk. La technique utilisée dépendra par conséquent d’un compromis entre la statistique et la propreté des spectres que l’on souhaite. Dans cette thèse nous avons essayé de toujours choisir le meilleur compromis pour les résultats. Les sélections effectuées, notamment sur les matrices (∆E, tT OF), ainsi que techniques utilisées seront illustrées dans les sections portant sur la spectroscopie des noyaux qui sont l’objet de cette thèse (cf4.2,5.3).

Notons pour finir une variante de la technique RDT qui consiste à corréler l’émission des rayonnements prompts grâce à la désexcitation d’un isomère du noyau implanté : il s’agit du Recoil Isomer Tagging.

CHAPITRE 4

LA SPECTROSCOPIE DU

251

MD

La spectroscopie du251Md décrite dans ce mémoire a été effectuée à Jyväskylä en 2012 à l’aide de la réaction de fusion-évaporation205Tl(48Ca,2n)251Md. Dans un premier temps, nous résumerons l’état des connaissances, puis nous nous intéresserons à la spectroscopie gamma et électron prompte puis à la spectroscopie retardée. Enfin nous interpréterons et comparerons nos résultats avec des calculs de type HFB.

4.1

État des lieux

251

Md

T1/2= 4,27 min E α=7,55 MeV 251

Md

T1/2= 4,27 min E α=7,55 MeV 251

Fm

T1/2=5h30 E α=6,88; 6,78 MeV 251

Fm

T1/2=5h30 E α=6,88; 6,78 MeV 247

Es

T1/2=4,55 m E α=7,323 ; 7,275 MeV 247

Es

T1/2=4,55 m E α=7,323 ; 7,275 MeV 243

Bk

T1/2=4,5h 243

Bk

T1/2=4,5h 247

Cf

T1/2=3,11h 247

Cf

T1/2=3,11h

Le

251

Md

La figure 4.1 rend compte des principales connaissances sur la décroissance du 251Md [91,92,93,94]. Le251Md décroît majoritairement par désintégration β+vers le251Fm, lui-même décroissant majoritairement par désintégration β+. Le251Md décroît par ailleurs par désintégra- tion α vers le247Es. L’énergie de décroissance alpha se situe aux alentours de 7.5 MeV.

Depuis sa découverte en 1973 [13], plusieurs expériences ont déjà été réalisées sur le251Md dont récemment plusieurs expériences à partir de la décroissance α du255Lr [91,95,28,96,97]. Également, la spectroscopie gamma prompte de251Md a été accomplie pour la première fois en 2003 à l’université de Jyväskylä [36]. Le travail de cette thèse s’appuie sur ces résultats précurseurs et vise à les compléter.

La figure4.2tirée de [91] représente un schéma de Nilsson obtenu avec la force de Skyrme SLy4 pour le250Fm. Cette figure nous sera utile pour discuter les orbitales impliquées dans la structure de251Md. En ce qui concerne les protons, on observe pour une déformation proche de β = 0.3 que les orbitales 12−[521], 72−[514] et 72+[633] sont le plus proches du niveau de Fermi.

FIGURE4.2 – Schéma de Nilsson obtenu avec la force de Skyrme SLy4 pour le250Fm.

4.1.1 Spectroscopie prompte du251Md

Il existe plusieurs manières d’observer la désexcitation des noyaux. La technique décrite ici pour le251Md est la spectroscopie prompte. Elle consiste à détecter directement la désexcitation du noyau au niveau de la cible après création par réaction de fusion-évaporation. Elle permet, par exemple, d’observer des états inaccessibles lors d’une spectroscopie retardée au plan focal ; les deux techniques étant complémentaires. Néanmoins, la spectroscopie prompte demande un investissement important en détecteurs, et elle limite fortement l’intensité maximale du faisceau.

Une première spectroscopie gamma prompte a déjà été effectuée en 2003 à l’université de Jyväskylä [36]. Elle a permis de mesurer, entre autres, une bande rotationnelle construite sur l’état excité 12−[521] (figure4.3). Néanmoins cette expérience n’était pas dotée d’un détecteur d’électrons. Par conséquent, elle ne pouvait permettre d’observer les électrons de conversion nécessaires pour comprendre et interpréter les rayonnements de basse énergie fortement convertis. C’est donc dans la continuité de ces expériences que se déroule cette thèse, afin de compléter et de confirmer les premiers résultats obtenus.

FIGURE4.3 – A gauche : bande rotationnelle gamma du251Md bâtie sur l’état 12−[521] obtenue par la

méthode de Recoil tagging (a) et par projection gamma-gamma (b) [36]. A droite : le schéma de niveau du251Md correspondant à cette bande rotationnelle [88].

4.1.2 Décroissance α du255Lr

En complément de la spectroscopie prompte, il est par ailleurs possible d’observer les transitions du251Md par spectroscopie retardée au plan focal. Dans le cas du251Md, cela consiste à synthétiser le255Lr et à observer sa décroissance α au niveau du plan focal. Cette technique est complémentaire de la spectroscopie prompte et permet d’accéder à de nombreuses informations. Néanmoins les sections efficaces de production forcent parfois à privilégier l’une des techniques. Le251Md a bénéficié des deux techniques.

Des expériences de décroissance α du 255Lr ont exploité la réaction de fusion-évaporation 209Bi(48Ca,2n)255Lr. Elles ont été réalisées au GANIL (Grand Accélérateur National d’Ions Lourds), à l’Université de Jyväskylä [91], à GSI [95,96], à Dubna [28] et à RIKEN [97].

FIGURE4.4 – Décroissance du255Lr vers le251Md. Figure issue de [91].

Le résultats des expériences réalisées à GANIL et Jyväskylä sont résumés figure4.4[91]. Ces expériences ont permis d’identifier l’état fondamental du251Md qui est interprété comme étant basé sur l’orbitale 72−[514]. Un état excité à environ 55 keV a aussi été identifié, correspondant à l’orbitale 12−[521]. Ce qui différencie le251Md du255Lr et du 247Es est une particule α. Ainsi, comme on s’y attendrait dans une vision de particules indépendantes, les noyaux père et fils partagent souvent les mêmes états fondamentaux et/ou excités. Une simple inversion est observée entre les états 12−[521] et 72−[514] en comparant le251Md et le255Lr. De plus on retrouve l’état

7 2 −

[514] comme état excité du247Es ; l’état fondamental étant interprété comme basé sur l’orbitale 7

2 +

[633]. Ces observations faites, il est légitime de se poser la question de la présence de l’état 7

2 +

[633] pour le251Md. La figure4.4illustre aussi la décroissance α du251Md qui emporte une énergie d’environ 7550 keV. Cette décroissance peuple un état excité du 247Es lui-même se désexcitant par deux transitions à 243 et 293 keV. Ces raies sont confirmées dans ce travail de thèse comme nous le verrons par la suite.