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Chapitre 1 : Etude bibliographique 17

1  Le graphène, un matériau révolutionnaire

1.5  Principales applications possibles du graphène 39 

La découverte du graphène a immédiatement suscité un engouement international au sein de la communauté scientifique, percevant une révolution majeure au sein des sciences des matériaux, et de leurs potentiels applicatifs. La Figure 11 reprend les domaines d’application possibles au sein desquels la technologie « graphène » est incorporée. En lien avec les travaux de thèse réalisés, certaines applications seront développées par la suite.

Figure 11 – Illustration des principales applications du graphène à l’échelle industrielle

L’industrie électronique fût l’une des premières à avoir senti le potentiel du graphène, notamment pour améliorer les performances intrinsèques des circuits imprimés. En plus d’améliorer la fréquence des transistors, la présence de graphène permet d’augmenter la dissipation de la chaleur de 25%, permettant ainsi d’amoindrir le phénomène d’usure des

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composants électroniques par effet Joule [101]. Aussi connu pour sa transparence optique, ainsi que sa flexibilité, ce matériau laisse entrevoir la possibilité de l’intégrer dans des écrans flexibles et transparents, une véritable révolution dans le domaine des smartphones mais aussi des écrans au sens large [102, 103].

Une autre piste prometteuse se situe au niveau du stockage de l’énergie, avec la course perpétuelle à l’augmentation de capacités et de puissances des batteries, conforté par l’évolution des véhicules électriques. Le graphène permettrait à la fois de réduire le temps de charge de la batterie, mais aussi son poids, et d’augmenter l’autonomie pour imposer cette technologie en jouant le rôle de percolant à la cathode.

1.5.1 Matériau d’électrode de dispositifs de stockage de l’énergie

Avec des dispositifs demandant chaque jour davantage de performances électrochimiques, la course au développement de matériaux prometteurs embarqués dans les systèmes est intense au sein des laboratoires, mais aussi des centres de recherche industrielle. L’intégration de dérivés graphéniques dans des systèmes de stockage de l’énergie devenus usuels, tels que les supercondensateurs, a permis d’augmenter leurs capacités grâce aux remarquables propriétés de ce type de matière active.

La Figure 12, plus communément appelée diagramme de Ragone, reprend les différents systèmes de stockage de l’énergie, allant du condensateur classique aux piles à combustibles, en les comparant selon leurs densité de puissance (facilité à restituer l’énergie stockée rapidement) en fonction de leurs densités d’énergie (quantité intrinsèque d’énergie stockée). Dans cette étude bibliographique, seules les batteries lithium-ion seront abordées. Reposant sur le principe de stockage électrochimique de l’énergie, elles sont constituées de deux électrodes situées dans un milieu électrolytique, aqueux ou organique.

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Figure 12 – Diagramme de Ragone regroupant les performances électrochimiques des différents systèmes de stockage de l’énergie

Les batteries lithium-ion sont destinées à délivrer une quantité d’énergie importante sur de longues durées, ce qui leur vaut une utilisation majoritaire notamment dans les dispositifs portables (mobiles, ordinateurs), mais aussi pour des systèmes embarqués de dimensions supérieures (automobile). Leur fonctionnement est basé sur l’échange réversible de l’ion lithium Li+ entre une électrode négative (anode), le plus souvent en graphite pour

l’intercalation, et une électrode positive (cathode), un oxyde de métal de transition lithié (LiCoO2 [104] ou LiMnO2 [105], voire LiFePO4 [106]). Quel que soit l’électrolyte (généralement

des sels comme LiClO4 ou LiPF6 dissous dans un solvant comme le carbonate de propylène)

les deux composés doivent être inertes chimiquement à celui-ci afin d’éviter la génération de réactions indésirables (formation de la SEI – Solid Electrolyte Interface), synonyme de diminution des performances intrinsèques, mais aussi de bons conducteurs électroniques, avec une accessibilité aux ions Li+ suffisamment développée pour favoriser l’intercalation.

Avec une capacité de 372 mAh/g (pour une structure LiC6), les systèmes à base de graphite se

sont imposés comme anode. Pour atteindre des performances plus élevées, des axes de recherches envisageable portent sur l’utilisation d’oxyde de graphène réduit par exemple, permettant d’avoir une surface spécifique supérieure engendrant une quantité potentiellement majorée de sites accepteurs d’ions Li+ [107, 108] ; l’augmentation de surface

spécifique s’accompagne néanmoins inévitablement d’une capacité irréversible accrue du fait de réactions de décomposition de l’électrolyte. Il est difficile de ne pas être limité par la cathode de la cellule (de plus faible capacité, de l’ordre de 100-200 mAh/g). Néanmoins, les capacités mesurées ont été augmentées par rapport à celles d’une batterie « conventionnelle », sur quelques cycles seulement. Des composites à base d’oxydes métalliques et de graphène ont

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aussi vu le jour, afin de favoriser les chemins de conduction (entre l’oxyde qui est le matériau actif et le graphène qui joue le rôle de percolant) par l’utilisation de composés de tailles nanométriques [109-111]. En parallèle du développement des composites à base de graphène oxydé réduit, certaines recherches portent sur des carbones fonctionnalisés différemment chimiquement, à savoir les carbones fluorés, abordés ultérieurement dans ce chapitre.

1.5.2 Propriétés de surface /barrière

Contrairement à d’autres allotropes du carbone, le graphène possède une très grande surface spécifique théorique de 2630 m²/g, ce qui lui confère des propriétés d’adsorption et de réactivité de surface remarquables.

Avec une utilisation croissante de capteurs au sein de la société, de nouveaux matériaux sont nécessaires à l’émergence de concepts élaborés de détections spécifiques. La « technologie graphène » semble adaptée pour couvrir un large champ d’applications dans le domaine des capteurs, en s’annonçant comme un concurrent aux technologies à base de nanotubes de carbone [112, 113]. Un capteur est un concept très général, couvrant essentiellement tout appareil qui convertit des grandeurs physiques en un signal qu'un observateur peut interpréter. L'objectif est de démontrer des systèmes de détection pour une variété d'applications : capteurs de pression, de masse (y compris de gaz) et détection de force, ainsi que des capteurs électriques pour les micro-ondes et les biocapteurs. Dans les prochaines années, le défi consistera à exploiter les propriétés uniques du graphène, à optimiser la réponse chimique, optoélectronique et mécanique pour des capteurs sur puce efficaces, et à les intégrer pour une lecture rapide, précise et économique. Les capteurs à base de graphène peuvent être divisés en deux catégories : les capteurs avec contact, où les substances établissent un contact physique avec la surface et induisent une réponse, et les capteurs sans contact, qui ne doivent pas nécessairement être en contact avec l'environnement. Les capteurs de contact comprennent des capteurs chimiques et électrochimiques (gaz et biocapteurs), ainsi que des capteurs de masse, de force mécanique, tandis que des capteurs optique, magnétique, de radiation, sont dans la plupart des cas sans contact.

Pour des problématiques de sensibilité, mais aussi de sélectivité de détection, la fonctionnalisation avec des molécules spécifiques peut améliorer les performances du capteur. Par exemple, l'ADN déposé sur un capteur chimique de graphène a amélioré la réponse et le temps de récupération, la réponse étant spécifique à une certaine séquence d'ADN [114]. De plus, il s'est avéré que la nanostructruration de graphène à grande surface spécifique, en utilisant la lithographie colloïdale, était une voie viable pour des sensibilités accrues,

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notamment pour la détection d’espèces gazeuses comme le dioxyde d’azote ou l’ammoniaque [115].

Ces propriétés de surface remarquables ont aussi conforté le choix d’intégrer des particules de graphène dans des composites, polymériques le plus souvent, pour des applications nécessitant un effet barrière aux gaz. En effet, la conception de films polymériques barrière pour empêcher les molécules de gaz, ou d'eau de diffuser restent un défi majeur pour le domaine de l’alimentation [116], mais aussi de l’électronique où ils jouent un rôle d’encapsulant. Les gaz réactifs (par exemple O2) et l'humidité provoquent le vieillissement

prématuré des contenus mais aussi des contenants. Différentes solutions ont été étudiées pour contourner ces problèmes, comme la métallisation des films [117], ou encore l’application d’une couche mince de silice [118]. Les couches minces inorganiques ont un excellent comportement barrière intrinsèque, mais elles ont tendance à être limitées par leurs propriétés mécaniques faibles, notamment en flexion. Les composites polymères ont de meilleures propriétés mécaniques, mais l'agrégation des nanoparticules réduit l’effet barrière et la transparence. Yang et al. ont développé une méthode de fabrication de films composites à base de polyéthylenimine (PEI) et d’oxyde de graphène réduit, avec une structuration en couche- par-couche. L’optimisation des interfaces entre les deux matériaux induit des chemins accessibles aux espèces gazeuses environnantes moins favorables à leur diffusion au travers du film, augmentant les propriétés barrières [119].