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Chapitre 1 : Etude bibliographique 17

2  Vers l’obtention de fluorographène par exfoliation 43 

2.2  Fluoration de précurseurs graphitiques 45 

2.2.3  Mise-en-évidence du type de liaison C-F 50 

Comme abordé, la nature de la liaison C-F est régie par les conditions de fluoration dans lesquelles on se place pour réaliser la fonctionnalisation. Une fluoration par un mélange catalytique (F2(g)/HF(g)/MFn(g), MFn = IF5, BF3 ou ClFx) ou par le fluor moléculaire F2(g)

n’aboutiront pas à la même énergie de liaison entre les deux atomes. De plus, la morphologie des motifs carbonés constitutifs de l’allotrope joue un rôle considérable dans les mécanismes de fluoration, notamment la courbure du nanocarbone. Lorsque la part d’hybridation sp3

augmente (voir paragraphe 1) pour accroitre la courbure de l’allotrope, la réactivité vis-à-vis du fluor augmente. En outre, une fois les liaisons C-F formées, la proportion de carbones hybridés sp2 et sp3 s’inverse. La petite fraction de sp2 résiduelle gêne le recouvrement des

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la courbure. Il est ainsi important de mettre en œuvre des techniques de caractérisation adaptées, présentées par la suite.

La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, communément désignée par FT- IR, de par sa simplicité de mise-en-œuvre, reste la technique qualitative la plus directe pour l’identification de la liaison C-F au sein d’un matériau. En effet, la fréquence de vibration de cette liaison, qu’elle soit purement covalente ou affaiblie, induit la génération de bandes de vibration caractéristiques. Kita et al. ont démontré que la réponse d’un carbone hybridé sp3

avec un fluor se situait à 1220 cm-1, que ce soit pour une structure (C2F)n ou (CF)n, toutes deux

purement covalentes[139] (Figure 15). Pour des composés possédant un taux de fluoration plus faible, l’isolement des atomes de fluor dans la matrice entraine un affaiblissement de la liaison C-F, ce qui résulte en un déplacement progressif des fréquences de vibration vers 1100 cm-1 [136].

1500 1400 1300 1200 1100 1000 900 800

(C2F)n

Nombre d'onde (cm-1)

(CF)n

Figure 15 - Spectres infrarouge des phases (CF)n et (C2F)n, adaptés à partir de la référence [139]

Une autre technique spectroscopique, cette fois-ci basée sur l’analyse de l’extrême surface du matériau (de l’ordre de 10 nm), peut être mise en œuvre pour caractériser la fluoration de l’échantillon : la spectroscopie photoélectronique par rayons X, ou spectroscopie XPS (X-ray Photoelectrons Spectroscopy). Lors de l’irradiation, les électrons externes du nuage électronique sont arrachés du cortège avec une énergie cinétique propre à l’environnement. Les électrons émis de la sorte sont ensuite collectés en fonction de leur énergie, permettant de remonter à l’énergie de liaison des électrons, et donc d’identifier leur provenance. Dans le cas présent, l’analyse des niveaux C1s et F1s, après application rigoureuse d’un traitement

numérique, permet de remonter au taux de fluoration, mais aussi aux différentes fonctions en présence. Malgré cela, cette technique met à profit une analyse de surface, et la fluoration étant

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régit par des phénomènes de diffusion au cours du temps, la concentration volumique globale peut diverger de la concentration surfacique ainsi déterminée.

C’est pourquoi pour évaluer la stœchiométrie globale, mais aussi pour quantifier plus finement la force de liaison C-F mise en jeu, autrement dit la covalence, la spectroscopie de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) apparait comme la méthode la plus efficace et adéquate. En effet, agissant comme une véritable sonde locale dans tout le volume, elle permet d’évaluer les effets de blindage, autrement dit des perturbations des nuages électroniques des atomes en présence, afin de remonter au type de fonctionnalisation. Avec l’analyse des deux noyaux 13C et 19F de spin nucléaire non nul (1/2), le déplacement chimique lié aux champs

électriques partiels induits qualifie les groupements fluorés, mais donne également des indications sur la liaison. Les mesures sont réalisées en rotation à l’angle magique, souvent désigné par l’expression anglo-saxonne « MAS » (pour Magic Angle Spinning). En effet, il est important d’avoir à l’idée qu’à la différence des liquides qualifiés par un mouvement brownien perpétuel, les solides sont placés statiquement devant le champ magnétique. Toutes les interactions s’expriment, couplages dipolaires, anisotropie du déplacement chimique, quadrupolaire le cas échéant, conduisant à un élargissement du signal RMN. La technique MAS permet de se rapprocher du cas liquide, en réduisant fortement les phénomènes de couplage dipolaire homonucléaire 19F-19F et hétéronucléaire 19F-13C, mais aussi l’anisotropie

du déplacement chimique du noyau de 13C. Pour cela, l’échantillon préalablement placé dans

un rotor en céramique, est mis en rotation suivant un angle de 54,74° par rapport au champ, valeur déterminée théoriquement pour laquelle les contributions d’anisotropie sont moyennées et annulées. Cette simulation de comportement brownien vient améliorer la résolution des contributions, et favoriser la précision des informations extraites de la sorte.

La Figure 16 reprend l’attribution des contributions en fonction du déplacement chimique observé par RMN 19F et 13C, dans le cas de graphites fluorés. Initialement située à

120 ppm par rapport à la référence, ici le tétraméthylsilane (TMS), la réponse du carbone graphitique hybridé sp2 se décale vers les plus grands déplacements chimiques lorsqu’il est en

interaction faible avec un atome de fluor. Cette covalence faible entre le carbone et le fluor, dénotée C--F, est représentative d’une gamme relativement large d’interactions suivant la variété allotropique du carbone (120-145 ppm). En outre, lorsque le caractère covalent de la liaison C-F implique un carbone hybridé sp3 dans ce cas, le déplacement chimique est observé

entre 80 et 90 ppm. Avec une réponse à 35 ppm pour un carbone possédant une hybridation sp3 de type diamant, l’interaction avec des fluors au voisinage, comme dans une phase (C2F)n

par exemple, va induire un déplacement chimique aux alentours de 42 ppm pour les atomes C hybridés sp3 non fluorés. Ils sont présents uniquement dans la phase (C2F)n, mais aussi pour

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des nanodiamants fluorés en surface. Les groupements CF2 génèrent ainsi une résonance à 110

ppm.

Figure 16 – Déplacements chimiques des contributions possibles pour les noyaux 19F et 13C dans le cas d’un

graphite fluoré

Contrairement au noyau 13C, qui indique l’état d’hybridation des carbones de la

matrice, mais aussi l’environnement chimique des mêmes atomes, la RMN 19F quantifie les

fonctions fluorées présentes au sein de l’échantillon. Les positions des « quatre » contributions possibles sont aussi représentées sur la Figure 16 : la liaison C-F, d’une covalence affaiblie (-30 ppm vs CFCl3)[140-142] à un caractère purement covalent (-190 ppm) [143], mais aussi les

groupements CF2 (-120 à -130 ppm) et CF3 (-80 à -90 ppm).