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De la prescription à l’action : le travail réel comme matériau vivant du consultant

Chapitre 2 : LA CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DU METIER

1. L’élaboration d’une méthodologie d’intervention du consultant

1.3 De la prescription à l’action : le travail réel comme matériau vivant du consultant

Si les entretiens de cadrage avec la hiérarchie permettent d’identifier quel est le travail attendu par le réceptionnaire et clarifient ainsi la « tâche » qui incombe à la personne qui tient le poste, il n’en reste pas moins que la manière dont est réalisée cette tâche reste à appréhender pour le consultant qui inscrit sa démarche dans une approche sociologique du travail. Pour le consultant, il convient d’aller plus loin dans la compréhension du travail en passant de l’abstrait au concret, de l’implicite à l’explicite. Mais cet explicite, seule la personne qui met en acte la tâche peut le livrer. Et c’est la raison pour laquelle, après avoir consulté les différents niveaux hiérarchiques de la structure encadrant le réceptionnaire, pour clarifier ce qui était prescrit, il me semblait indispensable d’entrer en relation avec les réceptionnaires

pour voir, entendre, en quoi consistait réellement leur travail. En d’autres termes, aller de l’idée que l’on se donne de l’activité, son approche conceptuelle, à ce que le réceptionnaire fait réellement en situation de travail et, plus particulièrement, dans la singularité de son action. J’ai alors choisi d’entrer dans l’activité réelle des réceptionnaires par le biais de l’entretien d’explicitation. Chez VERMERSCH (2010), les buts recherchés à travers l’entretien d’explicitation se présentent sur trois niveaux qui sont les suivants :

- S’informer, en l’occurrence, de la manière dont l’interviewé a réalisé une tâche particulière,

- Aider l’autre à s’auto-informer, en lui permettant par cette technique de prendre conscience de son action,

- Former l’autre à s’auto-informer, ce que VERMERSCH qualifie de « métacognition ».

Il s’agissait pour moi d’orienter mon approche sur le premier but identifié par VERMERSCH, c'est-à-dire m’informer sur ce en quoi consistait l’activité du réceptionnaire et de comprendre ce qu’il mobilisait pour mettre en œuvre cette activité en tentant ainsi, grâce à l’entretien d’explicitation, de parvenir à une description du déroulement de ses activités dans l’action concrète et singulière pour accéder à la représentation que les réceptionnaires ont de leur propre travail et donc, à l’intelligibilité de l’action à travers son déroulement.

Mais si les entretiens d’explicitation avec les réceptionnaires des sites me permettaient de comprendre l’activité telle qu’elle était réellement exercée, ils ne me permettaient pas d’accéder à la partie observable de l’activité pour entrer concrètement dans le déroulement de l’action. J’ai donc décidé de procéder à l’observation d’un réceptionnaire pour compléter ce que j’avais compris à travers les entretiens mais également pour accéder directement à l’activité. Nous avions donc convenu avec la responsable formation qu’il pourrait être intéressant de procéder à cette observation sur l’un des sites les plus actifs du groupe, ce qui me permettrait d’avoir un maximum d’éléments à observer. L’observation pouvait donc se faire sans problème en situation réelle, même s’il était préférable, aux yeux de la responsable formation, de ne pas filmer l’activité ce qui, à son sens, aurait pu mettre les réceptionnaires mal à l’aise.

Je me suis donc rendue sur le site pour rencontrer le réceptionnaire. Même si, pour enclencher les entretiens d’explicitation avec ses collègues, j’avais réussi à établir un climat de confiance et mettre en place un contrat de communication de manière assez aisée, il me semblait que, pour observer le réceptionnaire en activité, les choses étaient plus délicates et qu’il fallait à nouveau, et d’autant plus cette fois-ci, trouver ma place et me faire accepter en tant qu’observateur, ce qui était assez inédit pour le réceptionnaire comme pour moi. En d’autres termes, j’entrais progressivement dans le travail des réceptionnaires, d’abord par la parole, puis par la réalité des faits, celle où le réceptionnaire s’expose au regard de l’autre avec probablement toute la crainte du jugement qu’il y a derrière. Il m’a alors semblé important d’expliquer à nouveau le sens de ma démarche : mon souhait d’aller au plus près de son activité pour bien la comprendre et que pour cela, j’avais besoin qu’il me montre pour me guider au mieux dans mon travail qui avait pour visée de lui proposer une formation, que les réceptionnaires, a priori, attendaient avec impatience, d’après ce que j’avais pu entendre au cours des entretiens que j’avais menés. Le réceptionnaire me laissa très rapidement prendre ma place et je suis alors rentrée « dans le feu de l’action ». Je me suis très rapidement rendu compte que l’on pouvait effectivement parler en ces termes pour qualifier le quotidien du réceptionnaire !

La troisième source d’information qui pouvait me donner des indications sur l’activité des réceptionnaires était documentaire : il s’agissait en l’occurrence des enquêtes qualité ; celles-ci reflétant le niveau de satisfaction des clients à la fois sur la réception mais, plus largement, sur la prise en charge dans sa globalité : de l’accueil du client jusqu’à la restitution du véhicule. D’autres documents liés à l’organisation tels que les organigrammes des différents sites et les supports utilisés par les réceptionnaires comme instruments de travail m’ont permis d’élargir mon champ de vision sur le métier de réceptionnaire pour mieux appréhender son analyse : que ce soit du point de vue de l’encadrement, du réceptionnaire lui-même, ou du client, en d’autres termes, les différents acteurs impliqués dans la relation de service du réceptionnaire.

Ces différentes portes d’entrée me permettaient de construire au fur et à mesure mon intervention, en mettant en œuvre progressivement différentes méthodologies d’analyse de l’activité du réceptionnaire et d’entrer en relation, non plus

simplement avec la personne à l’origine de la demande de formation, mais en coproduction avec tout un système d’acteurs en lien avec cette demande. Je m’engageais donc dans une démarche constructive dont chacune des étapes m’obligeait à me réinterroger systématiquement sur la pertinence des outils et des acteurs que je devais mobiliser. L’analyse de la demande prenait dès lors la forme d’un projet d’intervention où chacun des acteurs mobilisé pourrait ainsi influer sur les résultats à venir de par le sens qu’il apportait à la recherche. Je construisais ainsi mon travail en développant en même temps les conditions de son exercice, non pas simplement à travers une relation intersubjective mais dans une logique interactive avec l’ensemble des acteurs pour rendre ainsi possible l’analyse du travail.

1.4 La mouvance de l’intervention : une construction méthodologique dans