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La mouvance de l’intervention : une construction méthodologique dans l’ajustement

Chapitre 2 : LA CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE APPROCHE DU METIER

1. L’élaboration d’une méthodologie d’intervention du consultant

1.4 La mouvance de l’intervention : une construction méthodologique dans l’ajustement

Partir non pas simplement du travail prescrit mais de la réalité de l’activité qui, de plus, porte sur une relation avec les clients, et non pas sur un objet technique, c’est, pour reprendre l’approche de BERCOVITZ (1987), devoir s’attendre à une solution qui n’est pas préconçue, parce qu’elle touche au social, et devient dès lors plus complexe. C’est devoir adapter sa méthodologie de diagnostic au contexte de l’intervention et accepter d’entrer dans « les aléas de la situation concrète » et « la complexité des variables à prendre en compte », pour reprendre les termes de BARCET et BONAMY (GADREY et BANT, 1994). Ce sont donc des choix à effectuer en permanence, des contraintes plus ou moins fortes à respecter et où le compromis se glisse en permanence, au fur et à mesure que l’on avance, car il faut inévitablement « prendre en compte l’entreprise et ses acteurs dans toutes leurs dimensions et toute leur réalité » (ibidem).

Pour ce projet, la prise en compte de l’entreprise et des acteurs était en quelque sorte en trois dimensions. Il me fallait en effet construire l’intervention avec les personnels concernés dans le Groupe, mais aussi avec ma collègue de l’A.N.F.A. et les partenaires formation. Nous avions, en effet, convenu que j’intervienne pour un diagnostic préalable à la réponse d’ordinaire formulée immédiatement par le centre de formation, mais cette phase n’excluait pas pour autant mes partenaires du suivi des actions, et je m’attachais, à chacune des étapes, à leur soumettre les travaux, à

les solliciter pour les faire avancer avec moi sur ce qui serait le socle de la réponse à la demande qui nous avait été formulée pour les réceptionnaires. Je voulais que cette expérimentation ne soit pas celle d’un consultant, mais de toute une équipe, qui se construisait elle aussi pour l’occasion. Faire interagir également ma collègue et les référents en formation rendait l’intervention d’autant plus aléatoire car il me fallait, à chaque étape, prendre en compte leurs réactions, les repositionner dans l’intervention en leur donnant leur place, tout en essayant de maintenir le sens que je souhaitais donner à cette intervention : sociologique et non pas commerciale, compréhensive et non pas injonctive, pour pouvoir y répondre au plus juste, tout en promouvant une relation équilibrée où chacun avait sa place dans ce nouveau groupe projet.

Les principales difficultés étaient, bien entendu, d’amener mes partenaires à agir différemment par rapport aux réponses formulées habituellement et surtout, de prendre de la distance par rapport à ce qu’ils auraient souhaité faire sur ce projet : c’est par exemple, pour le conseiller en formation, ne pas être tenté de proposer un stage en correspondance avec la demande dès réception de celle-ci ; c’est aussi, pour l’expert métier, accepter de ne pas en rester à constater que le problème est de son seul ressort et qu’il connaît déjà la solution, c’est enfin pour la conseillère entreprise la délicate tâche de faire patienter le client avant de débloquer les financements pour la prise en charge de la prestation de formation souhaitée. Ce projet, qui se devait d’intégrer l’ensemble de l’équipe constituée pour l’occasion, restait néanmoins « solidaire de toute une situation sociale » pour reprendre les termes de LACOSTE (1998). Cette mise en route d’une nouvelle relation de service se faisait en effet dans un cadre institutionnel différent pour chacun d’entre nous puisque les uns travaillaient pour un O.P.C.A., les autres pour un organisme de formation dont les objectifs et modes de fonctionnement diffèrent, et où les pratiques sont déjà stabilisées. Dès lors, il incombe au consultant, pour mener à bien son projet, de construit la relation de service « dans un espace temporel jalonné d’étapes » (QUERELLE et THIBAULT (2007), qui prend la forme d’un système au sens où CROZIER et FRIEDBERG l’entendent, c'est-à-dire, « un ensemble, dont les parties sont interdépendantes, qui possède donc un minimum de structuration, ce qui le distingue du simple agrégat, et qui dispose, en même temps, de mécanismes qui maintiennent cette structuration et qu’on appellera mécanismes

de régulation » (CROZIER et FRIEDBERG 1977, p. 244). Mon intervention s’inscrivait donc dans ce mécanisme où chacun de mes interlocuteurs avait un rôle important tout en étant interdépendants les uns des autres car appartenant à une structure au mode de fonctionnement établi, mais où l’ensemble doit tendre vers la production d’une réponse au problème rencontré ; réponse que je souhaitais être le résultat d’une véritable analyse du travail dans l’organisation des sites cars et bus, et non pas une proposition standard sur une thématique « Relation Client » a priori banale. Dans cette perspective, tenter de développer une relation de service pour le groupe relevait déjà, dans mes relations internes, d’une approche quelque peu ergonomique relativement complexe car constamment dans la mouvance et l’incertitude des réactions que chacune des étapes de l’intervention allait déjà susciter chez mes collègues et partenaires avant même de l’avoir proposée au client. Pour reprendre les termes de QUERELLE et THIBAULT (2007), on peut dire que ce type d’intervention « système », « pour partie, elle se réalise dans le temps et le lieu de l’entreprise concernée (…). Pour partie, elle est préparée à l’extérieur de l’entreprise » et le consultant devra alors systématiquement faire le lien entre son organisation interne et l’externe, sur lequel il doit intervenir.

1.5 Des outils de suivi ad hoc nécessaires pour chacune des étapes