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Chapitre II : Travaux de thèse

1. Justification des travaux

1.1. Premier volet : Elaboration de différents types de conseils alimentaires et simulations de leur

1.1.1. Adaptation d’un indice de qualité de l’alimentation à la grossesse

Lors de l’introduction bibliographique, nous avons vu qu’il existe différents types d’indices

évaluant la qualité de l’alimentation d’un individu. Les indices les plus fréquemment utilisés

évaluent principalement le respect de recommandations alimentaires parfois combinées à des

recommandations en nutriments. Ces indices ont été adaptés à la grossesse, le plus souvent par

l’ajout de composantes spécifiques à l’alimentation pendant la grossesse, par exemple le respect des

références nutritionnelles pour certains nutriments-clés pendant la grossesse. Cependant, à notre

connaissance, il n’existe pas d’indice évaluant la qualité nutritionnelle de l’alimentation de manière

globale, c’est-à-dire, un indice dont les composantes évalueraient le respect d’une grande majorité

des références nutritionnelles, qui ait été utilisé chez les femmes enceintes, notamment en France.

Récemment, un indice permettant d’évaluer la qualité nutritionnelle de l’alimentation, le PANDiet,

a été développé et validé pour la population adulte française (Verger et al., 2012). Cet indice évalue la

probabilité qu’un individu ait des apports adéquats en 24 nutriments. Le score de PANDiet

moyenne deux sous-scores : le sous-score d’Adéquation évaluant les probabilités que les apports

nutritionnels soient suffisants pour satisfaire les recommandations et le sous-score de Modération

évaluant les probabilités que les apports ne soient pas excessifs. Le sous-score d’Adéquation se

compose de 21 probabilités d’adéquation nutritionnelle pour les apports en protéines, glucides

totaux, lipides totaux, AGPI, fibres, calcium, fer, magnésium, phosphore, potassium, zinc,

vitamine A, thiamine, riboflavine, niacine, vitamine B6, folates, vitamine B12, vitamine C,

vitamine D et vitamine E. Le sous-score de Modération se compose de 6 probabilités d’adéquation

nutritionnelle pour les apports en protéines, glucides totaux, lipides totaux, AGS, cholestérol et

sodium et de 12 pénalités potentielles correspondant aux limites supérieures de sécurité (LSS)

définies pour les apports en rétinol, niacine, vitamine B6, folates, vitamine C, vitamine D,

vitamine E, calcium, fer, magnésium, phosphore et zinc. Une septième probabilité d’adéquation

pour les apports en sucres libres a été ajoutée au sous-score de Modération dans un second temps

(Verger et al., 2014).

Chaque probabilité d’adéquation est calculée à l’aide de la formule présentée dans la Figure 12,

avec pour variables la référence nutritionnelle et le coefficient de variation associé.

Les références nutritionnelles utilisées dans le paramétrage pour la population adulte française

étaient en grande majorité celles définies en France et correspondaient majoritairement aux BNM*

(ou à l’AS* si le BNM* n’avait pas été déterminé) ou aux intervalles de référence (IR*) dans le cas

des glucides et des lipides. Ces références sont présentées dans la Figure 13.

Cette approche permet d’intégrer l’ensemble des références nutritionnelles spécifiques à un état

physiologique donné. Il est donc possible d’adapter l’indice PANDiet à la population de femmes

enceintes en France en utilisant les références nutritionnelles spécifiques pour la grossesse dans son

paramétrage. Cependant, certains nutriments, tels que l’iode ou le DHA, dont l’importance est clé

pendant la grossesse, n’étaient pas pris en considération dans la version initiale du PANDiet. Il a

donc été choisi d’ajouter la probabilité d’adéquation pour les apports en iode et de remplacer celle

pour les apports en AGPI par quatre probabilités d’adéquation correspondant aux apports en

différents AGPI pour lesquels des références ont été proposées en France : l’ALA, le LA, la somme

EPA+DHA et le DHA (ANSES, 2011). Par ailleurs, deux probabilités d’adéquation ont été ajoutées

pour le sélénium et la vitamine B5. Le sous-score de Modération n’a pas été modifié, à l’exception

de l’ajout de deux pénalités potentielles correspondant aux LSS* établies pour les apports en iode et

en sélénium.

Comme développé dans l’introduction, la plupart des besoins nutritionnels sont modifiés pendant la

grossesse mais ne sont pas toujours couverts, il paraît important d’évaluer quelle serait la différence

induite par une absence de modification de l’alimentation d’une femme en début de grossesse sur la

qualité nutritionnelle de son alimentation. Ainsi, les données de consommations alimentaires

(évaluées par trois rappels alimentaires de 24h) de 344 femmes en âge de procréer (âgées de 18 à

44 ans et non-ménopausées) ayant participé à ENNS ont été utilisées pour calculer les scores de

PANDiet correspondant à la situation physiologique de femmes en âge de procréer et à celle de

début de grossesse (non prise en compte des références nutritionnelles spécifiquement établies pour

le troisième trimestre). Les travaux concernant l’adaptation de l’indice PANDiet à la grossesse et

l’évaluation de la différence de qualité nutritionnelle de l’alimentation induite par la grossesse en

l’absence de modification de l’alimentation sont présentés dans le travail personnel n°1.

1.1.2. Simulation de l’introduction de recommandations alimentaires génériques sur

l’amélioration de la qualité nutritionnelle de l’alimentation pendant la grossesse

Nous avons rapporté, dans l’introduction, que les besoins énergétiques augmentaient durant la

grossesse. Même si l’évaluation des apports énergétiques pendant la grossesse et leur variation par

rapport à la situation préconceptionnelle est complexe (Blumfield et al., 2012;

Kadawathagedara et al., 2017), on peut supposer que pour que les besoins nutritionnels, accrus pendant

la grossesse, soient satisfaits, l’apport énergétique doit être augmenté (AFSSA, 2001; EFSA Panel on

Dietetic Products, Nutrition and Allergies (NDA), 2013; FAO/WHO/UNU, 2004). Ainsi, il paraît intéressant de

savoir quel serait l’impact sur la qualité nutritionnelle de l’alimentation, telle que mesurée par le

PANDiet, d’une augmentation de l’apport énergétique à hauteur de 150 kcal. Cette valeur avait été

proposée comme référence pour le premier trimestre de grossesse lors de l’établissement des ANC*

pour la population française en 1991 (Bresson et Rey, 2001) sur la base d’une précédente expertise de

l’OMS et la FAO(FAO/WHO/UNU, 1985).

Il est possible d’imaginer deux approches pour l’augmentation de l’apport énergétique : une

augmentation purement quantitative (c’est-à-dire une augmentation de la quantité de chaque aliment

consommé sans modifier son pourcentage de contribution au régime) et une augmentation

quantitative et qualitative (c’est-à-dire une introduction de nouveaux aliments dans le régime).

En France, dans le cadre du PNNS, un guide nutrition de la grossesse est proposé pour informer les

femmes enceintes sur différents aspects de l’alimentation pendant la grossesse (INPES, 2015). Des

collations y sont notamment proposées (Figure 14).

Ainsi, il nous a paru judicieux de simuler ce que seraient les effets sur la qualité nutritionnelle de

l’alimentation pendant la grossesse d’une augmentation des apports à hauteur de 150 kcal soit par

une modification purement quantitative du régime soit par l’introduction d’aliments proposés dans

des recommandations alimentaires en début de grossesse. Pour ce faire, les données de

consommations alimentaires des 344 femmes en âge de procréer, présentées dans le

paragraphe 1.1.1. ont été utilisées. Les méthodes employées et les résultats obtenus sont présentés

dans le travail personnel n°1.

1.1.3. Conception de trois types de conseils alimentaires personnalisés et évaluation de leur

impact sur la qualité nutritionnelle de l’alimentation en début de grossesse

Dans le cas d’interventions visant à faire adopter des comportements alimentaires plus sains aux

individus, l’emploi de conseils personnalisés s’avère être potentiellement plus efficace que l’emploi

de conseils génériques (Broekhuizen et al., 2012; Brug et al., 1999; Kroeze et al., 2006). De plus, les

interventions personnalisées dynamiques sont tout particulièrement efficaces car elles procèdent par

répétitions pour un même individu (Krebs et al., 2010). Enfin, les approches dites « personnalisées »

utilisant des algorithmes développés sur ordinateur engendrent des coûts potentiellement réduits

(Lairson et al., 2004; de Vries et Brug, 1999). Ainsi, il paraît intéressant de développer une approche

personnalisée, dynamique et guidée par étape, pouvant générer des conseils alimentaires

spécifiquement adaptés aux besoins nutritionnels spécifiques de la grossesse et au régime de chaque

femme à l’aide d’un algorithme informatique.

L’application des outils de programmation informatique à la nutrition a permis le développement de

plusieurs méthodes utilisant des algorithmes visant à améliorer les régimes alimentaires observés à

l’échelle individuelle, notamment dans la population française.

À titre d’exemple, la programmation linéaire, méthode mathématique permettant de trouver la

meilleure solution possible à un ensemble d’équations et inéquations linéaires, permet d’identifier

des combinaisons d’aliments qui respectent un ensemble de recommandations nutritionnelles

(Darmon et Moy, 2009). Ainsi, les travaux ayant utilisé cette approche ont défini, à partir de données de

consommations individuelles, des régimes optimisés sur une semaine pour 1 171 adultes ayant

participé à l’étude INCA1 (Maillot et al., 2010). L’optimisation tenait compte de plusieurs contraintes :

le respect des recommandations nutritionnelles (contraintes nutritionnelles), un apport énergétique

constant et une quantité d’aliments consommée inférieure ou égale à 115 % par rapport au régime

observé (contraintes énergétique et de quantité consommée) et la non-introduction d’aliments dans

une quantité qui soit supérieure au 95e percentile observé dans la population (contraintes

d’acceptabilité sociale). L’algorithme de programmation linéaire, dans sa fonction objectif, devait

choisir des aliments présents dans le régime observé de l’individu, diminuer aussi peu que possible

la quantité d’aliments consommés dans le régime observé, n’introduire des aliments non présents

dans le régime observé que si nécessaire et, si une introduction s’avérait nécessaire, privilégier les

aliments les plus fréquemment consommés dans la population française (Maillot et al., 2010). Ainsi, en

se basant sur les données de consommations alimentaires d’un individu donné, il est possible de

générer un régime tenant compte de ses habitudes alimentaires, optimisé en fonction des

recommandations nutritionnelles (uniquement) établies pour son statut physiologique, tout en

respectant d’autres contraintes pouvant être basées sur l’apport énergétique, les quantités

consommées (Maillot et al., 2010), mais aussi sur le coût (Maillot et al., 2017; Perignon et al., 2016), la

quantité de contaminants ingérée (Barré et al., 2016) ou l’impact environnemental (Perignon et al., 2016).

Cependant, une des limites de ce type de modélisation est que le régime optimisé correspond à une

combinaison d’aliments consommés dans des quantités ne correspondant pas nécessairement à des

portions identifiables par les consommateurs (puisqu’il peut s’agir notamment de modifications de

l’ordre du gramme). De plus, ces conseils ne sont ni successifs, ni planifiables dans le temps. Ainsi,

cela rend plus difficile la proposition de conseils alimentaires personnalisés qui soient applicables

en pratique par les individus (Maes et al., 2008).

Un autre type de méthode a été utilisé dans la population adulte française afin d’optimiser

l’adéquation nutritionnelle des régimes observés telle que mesurée par le PANDiet. L’algorithme

utilisé génère des substitutions permettant d’optimiser le score de PANDiet selon un processus

itératif par étape. Le score de PANDiet est calculé pour le régime observé (étape 1) puis l’ensemble

des substitutions permises sont testées par le modèle (étape 2) et celle qui permet la plus forte

augmentation du score de PANDiet est intégrée dans le régime (étape 3). Sur la base du score de

PANDiet associé à la substitution optimale, les étapes 2 et 3 sont répétées selon un processus itératif

jusqu’à aboutir à un régime optimal ayant intégré 20 substitutions (Figure 15, Verger, 2013;

Verger et al., 2014). Trois scénarios de substitutions étant a prioride difficulté d’application croissante

dans le régime ont été développés. Les scénarios permettent respectivement la substitution d’un

aliment présent dans le régime par sa version allégée en sucres et/ou en matières grasses

(scénario n°1), par un aliment du même sous-groupe d’aliments (scénario n°2) et par un aliment du

même groupe d’aliments (scénario n°3). Les substitutions permises par les scénarios n°1 et 2 se font

à quantités égales. Dans le cas des substitutions permises par le scénario n°3, la portion de l’aliment

introduit par la substitution est calculée à l’aide du rapport entre la portion médiane observée dans

son sous-groupe et celle observée dans le sous-groupe de l’aliment remplacé. Par ailleurs, afin

d’être plus réalistes, les substitutions du scénario n°3 n’étaient permises que par moments de

consommation. Chaque scénario a été testé séparément à partir des données de consommations

alimentaires de 1 330 adultes ayant participé à ENNS. Ainsi, trois régimes alimentaires optimisés

ont été générés pour chacun des 1 330 individus.

En comparaison avec la programmation linéaire, cette approche permet de proposer des conseils

alimentaires à portions équivalentes et ainsi de rendre les quantités consommées identifiables par

les individus puisqu’équivalentes à celles déclarées. Cependant, aucun des scénarios développés ne

permettait d’augmenter ou de diminuer les quantités consommées d’aliments. Pourtant, cela

permettrait de générer des choix qui soient encore plus proches des habitudes alimentaires de

chaque individu, dans le cas où des portions identifiables par les individus seraient définies. Par

ailleurs, dans le cas de cette étude, aucune contrainte sur l’apport énergétique n’avait été fixée,

ainsi, par rapport à l’apport énergétique initial, une diminution (en moyenne, -114 ± 2 kcal/j) était

observée dans le scénario n°1 (par construction), aucune modification significative (en moyenne,

-51 ± 6 kcal/j) n’était observée dans le scénario n°2, une augmentation (en moyenne,

+204 ± 9 kcal/j) était induite par le scénario n°3 (Verger et al., 2014).

Ainsi, il paraît intéressant d’utiliser l’approche de conseils alimentaires personnalisés et pas-à-pas

proposée dans cette dernière méthode pour la population de femmes enceintes en France, avec

quelques modifications s’inspirant de ce qui a été fait en programmation linéaire. En effet,

l’élaboration d’un nouveau scénario de conseils alimentaires introduisant des modifications de

quantités consommées d’aliments, avec une contrainte d’acceptabilité visant à ne pas proposer

d’augmentation de la quantité consommée trop importante par rapport à ce qui est observé dans la

population adulte, peut être envisagée. Par ailleurs, il convient d’introduire des contraintes relatives

aux variations de l’apport énergétique pour la population de femmes enceintes dans chaque

scénario. Les femmes enceintes n’étant pas supposées diminuer leur apport énergétique, les

substitutions induisant une diminution de l’apport énergétique initial ne devront pas être autorisées.

Cependant, afin de prévenir toute prise de poids excessive, les substitutions induisant une

augmentation de l’apport énergétique supérieure aux recommandations ne devront pas être

autorisées. Le scénario n°1 induisant par nature une diminution de l’apport énergétique ne peut

donc pas être utilisé pour les femmes enceintes.

Dans le cadre de ces travaux de thèse, à partir des données de consommations alimentaires des 344

femmes en âge de procréer ayant participé à ENNS (décrites dans le paragraphe 1.1.1.), trois types

de conseils alimentaires visant à optimiser le score de PANDiet de début de grossesse ont été testés

Le type n°1 permet une modification des quantités consommées d’aliments présents dans le régime

alimentaire. Les types n°2 et n°3 ont été construits selon les travaux de Verger et al. (Verger, 2013;

Verger et al., 2014), avec quelques élargissements dans le type n°3 pour permettre des substitutions

entre aliments de différents groupes à condition qu’ils soient consommés au même moment dans le

contexte alimentaire français (par exemple, un yaourt peut être remplacé par un fruit et inversement,

ou un gâteau consommé au petit-déjeuner peut être remplacé par des céréales de petit-déjeuner). Le

détail des substitutions permises dans le type n°3 est présenté dans le matériel supplémentaire du

travail personnel n°2. Le choix a été fait de limiter le nombre d’étapes à 10, d’une part, car au-delà

le score de PANDiet n’était que très peu augmenté lors des travaux de Verger et al. et, d’autre part

car la grossesse étant une période courte, il paraissait difficile de mettre en place plus de 10 conseils

alimentaires. La Figure 16 présente un schéma explicatif des trois types de conseils alimentaires

utilisés dans nos travaux de simulations à partir des données de consommations alimentaires de

femmes en âge de procréer.

1.2. Deuxième volet : Identification des déterminants affectant le comportement alimentaire des