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Chapitre I : I ntroduction bibliographique

2. Le statut nutritionnel des femmes enceintes

2.2. Évaluation du statut nutritionnel des femmes enceintes en France

En France, les femmes enceintes sont également peu représentées dans les grandes enquêtes

nationales. Dans l’étude INCA menée en 2006-2007 (INCA2), on dénombre trois femmes enceintes

sur 1 538 femmes adultes incluses

2

(ANSES, 2014). Dans l’Étude Nationale Nutrition

Santé 2006-2007 (ENNS), on compte 25 femmes enceintes sur 1 987 femmes adultes incluses

3

. De

plus, ces données sont des données brutes d’inclusion et ne tiennent pas compte des exclusions

potentielles pour l’évaluation des consommations alimentaires (sous-déclaration, absence de

certaines données anthropométriques…). Ainsi, les principaux jeux de données disponibles

spécifiques de la situation alimentaire et nutritionnelle des femmes enceintes en France sont

principalement issues de trois grandes cohortes mère-enfant : EDEN (Étude des Déterminants pré et

post natals précoces du développement psychomoteur et de la santé de l’ENfant), ELFE (Étude

Longitudinale Française depuis l'Enfance) et PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude

Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance), ou de données issues

d’études de plus petite envergure.

Les données d’évaluation des consommations alimentaires recueillies dans les cohortes ELFE et

PELAGIE ont été majoritairement utilisées pour relier l’exposition aux contaminants à la santé de la

mère et de l’enfant et les données publiées portent principalement sur les consommations de

groupes d’aliments.

Par exemple, dans la cohorte PELAGIE, la fréquence de consommation de poisson, évaluée à l’aide

d’un QFA administré durant le premier trimestre de grossesse, était inférieure au repère de

consommation (soit deux fois par semaine) (INPES, 2015) pour 73,4 % des femmes

(n = 2 278 incluses dans l’analyse)(Guldner et al., 2007).

Le QFA renseigné par 14 099 femmes enceintes participant à ELFE durant leur dernier trimestre de

grossesse a permis d’évaluer leurs consommations pour 38 groupes d’aliments (définis sur la base

des groupes d’aliments d’INCA2) (de Gavelle et al., 2016). Ainsi, les résultats montraient des

consommations moyennes en fruits et en légumes de 222,1 et de 178,7 g/j respectivement. Ces deux

valeurs sont assez élevées et la moyenne s’approche des cinq portions de fruits et légumes

2

donnée obtenue à partir du jeu de données disponible en ligne (

https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-de-consommations-et-habitudes-alimentaires-de-letude-inca-2-3/)

recommandées (INPES, 2015). La consommation moyenne de poisson était quant à elle de 21,7 g/j,

soit 151,9 g/semaine, inférieure au repère de consommation de deux portions par semaine si on

considère une portion moyenne de 135 grammes sur la base du portionnaire SU.Vi.MaX

(Guldner et al., 2007; Hercberg et al., 2002).

Une récente étude menée sur les données de consommations alimentaires de 14 051 femmes

incluses dans la cohorte ELFE a permis de montrer que moins de 30 % atteignaient le repère de

consommation concernant le poisson et les produits de la pêche (Kadawathagedara et al., 2017). Dans

cette même étude, la comparaison des apports nutritionnels en certains nutriments-clés pour la

grossesse (supplémentation exclue) au BNM* a permis d’identifier que plus de 85 % des femmes

couvraient leur besoin en calcium, un peu plus de 50 % couvraient leurs besoins en fer et en iode, et

un peu moins de 50 % en folates (Kadawathagedara et al., 2017).

Les données de consommations alimentaires des femmes enceintes ayant participé à l’étude EDEN,

recueillies à l’aide d’un QFA portant sur le dernier trimestre de grossesse, ont été, pour l’heure,

majoritairement utilisées pour évaluer les apports en acides gras (Bernard et al., 2013;

Drouillet et al., 2009). Une analyse des données de consommations de 1 446 femmes enceintes ayant

participé à EDEN montre un profil d’apports en macronutriments semblable à celui présenté pour

l’Europe dans la méta-analyse de Blumfield (17,2 %, 43,4 % et 39,1 % de l’énergie apportée

respectivement par les protéines, les glucides et les lipides), soit des apports plus qu’adéquats en

protéines et plutôt faibles en glucides et élevés en lipides (Drouillet et al., 2009). Par ailleurs, les

apports en AGS dans cet échantillon sont assez élevés (47,8 % de l’apport lipidique) et supérieurs

aux recommandations françaises (ANSES, 2011) tandis que les apports en AGPI sont assez faibles

(12,0 % de l’apport lipidique) et inférieurs aux recommandations. Enfin, le rapport entre les apports

en AGPI n-6 et n-3 est supérieur aux recommandations (respectivement 84,4 % et 10,7 % des

apports en AGPI). Il convient de noter que la détermination du type de matières grasses utilisé pour

la cuisson et l’assaisonnement n’était pas permis par le QFA, cependant l’écart entre les deux

apports est tel que même si des informations supplémentaires avaient été disponibles, ce rapport

serait probablement resté inadéquat. Une analyse stratifiée pour des variables anthropométriques et

sociodémographiques a mis en évidence que les apports en lipides et en AGS étaient plus faibles

chez les femmes ayant le niveau d’éducation le plus élevé (niveau universitaire). Aucune différence

n’était observée pour les autres variables (y compris le statut pondéral de la mère)

Par ailleurs, l’étude de Bernard et al. portant sur 1 335 femmes enceintes ayant participé à EDEN a

permis de confirmer que le rapport entre AGPI n-6 et n-3 était trop élevé (8,43 ± 2,33 pour les

femmes ayant allaité (n = 997) et 8,78 ± 2,40 pour les femmes n’ayant pas allaité (n = 338) et

également de mettre en évidence des apports moyens inférieurs aux recommandations françaises

(ANSES, 2011)pour l’EPA, le DHA et l’ALA (Bernard et al., 2013).

Dans une étude menée sur un sous-échantillon de la cohorte Nutrinet, l’évaluation des

consommations alimentaires par des enregistrements alimentaires de 24h (1, 2 ou 3 jours) effectués

en ligne par 666 femmes enceintes concluait, entre autres, à des apports moyens en fibres, en folates

et en vitamine D plus faibles que les ANC* (Pouchieu et al., 2013). Par ailleurs, les apports moyens en

AGS (37,7 g/j) étaient assez élevés. Le rapport entre AGPI n-6 (9,1 g/j en moyenne dans la

population) et n-3 (1,2 g/j en moyenne dans la population) n’a pas été calculé, mais au vu des

moyennes, il semble assez élevé et inadéquat. Cependant, il convient de noter que dans cette étude,

le nombre de jours de recueil alimentaire renseignés par chaque participante ainsi que le trimestre

de grossesse étaient différents. Par ailleurs, les participantes étaient plus âgées et avaient un niveau

d’éducation plus élevé que les femmes enceintes dans la population générale, ce qui empêche

d’étendre les conclusions au-delà de la population d’étude (Pouchieu et al., 2013).

Deux études plus anciennes et de plus petite envergure ont permis de recueillir des données de

consommations alimentaires auprès, d’une part, de 50 femmes enceintes à Lille en 1990 à l’aide de

trois jours d’enregistrement des consommations alimentaires recoupés avec un QFA et d’autre part,

de 33 femmes enceintes à Paris en 1994 à l’aide de la méthode de l’histoire alimentaire

(Potier De Courcy et al., 1998). En recoupant les données des deux études, il a été observé que les

apports en lipides (42 % et 38 % de l’apport énergétique total (AET) respectivement à Lille et à

Paris) et en protéines (15 % et 18 % de l’AET respectivement à Lille et à Paris) étaient supérieurs

aux ANC* et que les apports en glucides (42 % et 44 % de l’AET respectivement à Lille et à Paris)

étaient inférieurs à l’ANC*. Par ailleurs, parmi les femmes lilloises, 66 % présentaient des apports

en folates inférieurs à la moitié des ANC* (soit 500 µg/j) contre 25 % pour les femmes parisiennes

et plus de 70 % présentaient des apports en thiamine, vitamine B6, fer et magnésium en-dessous de

80 % de l’ANC* (Potier De Courcy et al., 1998).

Enfin, la mesure de l’excrétion urinaire d’iode a permis de mettre en évidence dans plusieurs

échantillons régionaux de femmes enceintes, une large prévalence de l’inadéquation du statut

nutritionnel pour ce nutriment (Caron et al., 2006; Caron, 2015).

Même si les données disponibles concernant le statut nutritionnel des femmes enceintes en France

sont encore limitées, ces différents résultats montrent qu’il existe des inadéquations d’apports en

macronutriments et en certains micronutriments clés pendant la grossesse (iode, folates, fer et

vitamine D, notamment).

En France, seule la supplémentation en acide folique lors de la période périconceptionnelle est

systématiquement recommandée dans le cas du suivi de grossesse classique, alors que la prise de

compléments alimentaires d’iode, de fer et de vitamine Dn’est recommandée qu’au cas par cas si le

statut est insuffisant (Haute Autorité de Santé, 2005).

Ainsi, au vu des données épidémiologiques et afin d’assurer une nutrition optimale du fœtus et de la

mère, il serait souhaitable de s’assurer que le statut nutritionnel des femmes enceintes soit évalué

plus systématiquement afin de mettre en place les interventions qui s’imposent en cas de déficience.