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Le premier chapitre relatif aux inventions biotechnologiques énonce les

principes de la brevetabilité de la matière vivante. Le deuxième chapitre encadre l’étendue de la protection, précisant que les brevets de produits ou de procédés s’étendent aux

75Dans ce sens, l’article 13 de la directive précise que lorsqu’une invention porte sur une matière biologique non accessible au public et ne pouvant être décrite dans la demande de brevet pour permettre à une personne du métier de réaliser l’invention ou implique l’utilisation d’une telle matière, la description n’est réputée suffisante pour l’application du droit des brevets que si notamment la matière biologique a été déposée au plus tard le jour du dépôt de la demande de brevet auprès d’une institution de dépôt reconnue. L’article prévoit également que la demande déposée doit contenir des informations pertinentes dont dispose le déposant sur les caractéristiques de la matière biologique sur laquelle porte l’invention qui est utilisée dans le cadre de l’invention. Ainsi, le dépôt de la matière biologique est possible.

76Ce sont des considérations économiques qui ont opté pour ce choix juridique. Le 23 janvier 2002, la Commission des Communautés européenne a adopté une communication intitulée « Sciences du vivant et biotechnologie – une stratégie pour l’Europe » dont l’objectif est de faire le point sur la situation économique des biotechnologies (COM/2002/0027 final). Le rapport précise que l’application intégrale de la directive 98/44/CE améliorera la sécurité juridique et fournira aux entreprises innovantes des différents secteurs utilisant la biotechnologie un encouragement à poursuivre leurs investissements dans la recherche ; Voir aussi ; BERTRAND M., La directive européenne relative à la brevetabilité des inventions

biotechnologiques, le droit français et les normes internationales, Dalloz, 2001 ; GAUMONT-PRAT H.,

« Les tribulations en France de la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques », Dalloz , 2001 ; GALLOUX J-C, « Premières vues sur la directive 98/44/CE relative à la protection des inventions biotechnologiques », La Semaine Juridique Edition Générale, 1998 ;

TELLIER-LONIEWSKI L., « La protection juridique des inventions biotechnologiques après l'adoption de la directive européenne », Gazette du Palais, 1999.

77 Pour un aperçu global voir GAUMONT-PRAT H., « Brevetabilité du vivant : animal, végétal et humain application du droit des brevets aux inventions biotechnologiques », JurisClasseur Brevets, Fascicule 4241, 2015.

78 L’avis n°3 du 30 septembre 1993 (questions éthiques soulevées par la proposition de la commission pour une directive relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques) et l’avis n°8 du 25 sept 1996 (aspects éthiques de la brevetabilité des inventions sur des éléments d’origine humaines).

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produits obtenus même s’ils correspondent à des variétés végétales ou des races animales. Le troisième chapitre encadre le principe des licences obligatoires entre les deux titres de propriété. Le quatrième chapitre envisage le dépôt. Le cinquième chapitre prévoit un renversement de la charge de la preuve en cas d’obtention d’un produit dérivé. Enfin, le chapitre six donne la définition d’un micro-organisme et celle de la matière auto-réplicative79.

43. La directive fut contestée. Le 19 octobre 1998 le Royaume des Pays-Bas,

soutenu par l'Italie et par la Norvège, a déposé une requête en annulation. Le Conseil et le Parlement Européen étaient parties défenderesses. La Commission est intervenue au soutien de la directive.

Le recours s’articule autour des arguments suivants : la violation du principe de subsidiarité, la violation du principe de sécurité juridique, la violation d'obligations internationales, la violation du droit fondamental au respect de la dignité de la personne

humaine et la violation des formes substantielles80. Le recours, rejeté le 9 octobre de

l’année 2001, affirme que la directive n’entend affecter aucune obligation découlant des

États membres et des conventions internationales. Cette décision n’eut pas l’adhésion des

parlementaires des États membres.

En France, la pétition lancée par le professeur Mattei reçut le soutien de plusieurs

scientifiques demandant la renégociation des articles 581 et 682 relatifs au corps humain.

79HERMITTE M-A, « La protection de l’innovation en matière de biotechnologies appliqués à l’agriculture » ; CHEVLLIER D., Rapport sur les applications biotechnologiques à l’agriculture, et à

l’industrie agro-alimentaire Tome II, Assemblé nationale n°1827, sénat n°148, p234. Dans son expertise de

la directive l’auteur précise : « Qualifier rapidement ce texte, (…) serait tenté de dire que le chapitre 1, 4 et 6

cristallisent le travail de l’OEB, à ceci près que les animaux deviennent clairement brevetables, tandis que les chapitre 2,3 et 5, réglant les rapports entre détenteurs de brevets et détenteurs d’obtentions végétales, tentent de faire sauter les verrous liés à la non brevetabilité des variétés végétales et des races animales ».

80 Extraits de l’arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 9 octobre 2001 dans l'affaire C-377/98, Royaume des Pays-Bas - Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.

81 Article 5 directive 98/44/CE ; 1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.

2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel.

3. L’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle d’un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet.

82 Article 6 directive 98/44/CE : 1. Les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont exclues de la brevetabilité, l’exploitation ne pouvant être considérée comme telle du seul fait qu’elle est interdite par une disposition légale ou réglementaire.

2. Au titre du paragraphe 1 ne sont notamment pas brevetables : a) les procédés de clonage des êtres humains ;

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Cette requête eut aussi un écho dans le rapport rendu par le député socialiste Monsieur Claeys, en décembre 2001, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Ne faisant pas l’unanimité et souvent contestée, la directive ne résout pas les

risques éthiques, notamment du fait du caractère discutable de la distinction qu'elle établit

entre les inventions et les découvertes83. En juillet 2003, la Commission a saisi la Cour de

justice des Communautés européennes contre l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la

France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède pour avoir manqué à l’obligation

de transposition. Après condamnation, la directive fut transposée.

La coexistence des deux droits

44. Depuis le dévonien, la graine n’a cessé de répandre la vie végétale à travers le

globe. À la différence des spores, elle dispose de ses propres réserves qui lui permettent de survivre pendant des années avant de se développer. Cette entité cristallise une étape cruciale dans le schéma évolutif des espèces. Avec l’apparition de l’espèce humaine, elle sera l’objet de vives convoitises.

45. La mise en place d’une législation encadrant la propriété intellectuelle des

variétés végétales se diversifie en fonction de la progression des connaissances, des besoins sociaux et de l’évolution des marchés. Les motivations circonstancielles de création de nouvelles connaissances et de nouvelles idées sont différentes de celles qui

retracent la progression historique des sciences naturelles. La nécessité d’une

matérialisation productive de la connaissance est devenue primordiale. Par ailleurs, le partage équitable de l'innovation nécessite sa protection et sa régularisation par la norme

juridique. Il serait absurde de laisser « l’innovation » dans un flou juridique et dans un

espace de non-droit régi par les rapports de forces. Le contexte économique a permis l’émergence du certificat d’obtention végétale ; par la suite, avec la diffusion des biotechnologies, le retour vers le brevet conduit à la coexistence des deux droits.

c) les utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales ;

d) les procédés de modification de l’identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l’homme ou l’animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés

83 Sénat, Rapport fait au nom de la Commission des affaires économiques et du plan (1) sur le projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques ; 2004-2005, https://www.senat.fr/rap/l04-030/l04-0300.html.

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46. Le brevet est adapté à une stratégie d’innovation orientée vers une multiplicité

de pistes de recherche. L’invention est une solution technique à un problème technique et

pour chaque problème il existe une multitude de solutions possibles. Sauf cas tout à fait exceptionnel, il existe toujours un moyen différent d’arriver au même résultat avec une

technique différente mais substituable sur le plan économique. En revanche, l’amélioration

des plantes repose sur la concentration progressive dans un organisme complexe des qualités de ses géniteurs ; au lieu de multiplier des pistes autonomes, elles sont intégrées les unes aux autres. L’application du système brevet à la stratégie d’amélioration des

plantes conduit inévitablement à des brevets dépendants les uns des autres84. Chaque

innovation est tributaire d’un procédé spécifique. L’innovation classique est principalement fondée sur la sélection classique et l’innovation moderne requiert en plus, l’expérimentation au moyen des biotechnologies. Ces différences dans les procédés

novatoires requièrent l’examen de l’articulation entre moyens de création et propriété

intellectuelle.