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Chapitre II Égypte Ancienne : Civilisation et Croyances

I. Le cercueil dans l’Égypte ancienne

2. Les premières sépultures

Comme beaucoup de civilisations à la même période, les Égyptiens de l’époque néolithique ont commencé à enterrer leurs morts. L’émergence des premières croyances et de l’attachement aux morts se retrouve un peu partout dans le monde. L’Homme va en effet exprimer un besoin de rendre hommage aux personnes perdues en créant alors les premières sépultures et les premières notions de symbolique s’y rattachant. Ce caractère symbolique se traduira tout d’abord par la volonté de protéger le corps du défunt lors de l’inhumation, puis ensuite par un besoin de déposer des objets auprès de l’être perdu. Ces offrandes peuvent être de différentes natures, selon les civilisations et les périodes. Des animaux, des réserves alimentaires et toutes autres formes de denrées peuvent être retrouvés dans des sépultures afin d’accompagner le mort dans sa nouvelle vie.

Au début du Ve millénaire, en Égypte les premières tombes sont de simples fosses ovales ou rectangulaires aux angles arrondis. Elles sont creusées dans le sol du désert à une faible profondeur. Un ou plusieurs corps peuvent y être déposés en position contractée, enveloppés de peaux, ou de vannerie. C’est à partir de 4500 av. J.C que le matériel funéraire devient plus important. Badari est l’un des sites archéologiques qui illustre le mieux ce changement, il se situe en Moyenne Égypte à environ 40 km au sud d’Assiout (fig.3). Des objets se trouvent disposés autour du corps ; on retrouve principalement des poteries, des silex taillés, des objets de parures ou de toilette. Plus rarement, on met au jour des statuettes de pierre, d’ivoire ou de terre cuite. Ce culte des offrandes lié aux rites d’inhumation, ne va cesser de croître au cours du temps. En effet, à la fin du IVe millénaire, il advient que soient placés dans les tombes, des dépôts de bijoux d’or, d’argent et de pierres fines qui n’étaient certainement pas d’usage courant, mais qui étaient destinés à marquer l’importance du défunt. Leurs présences se veulent le reflet du statut social du sujet décédé et témoignent également d’activités d’échanges de matières premières déjà bien développées.

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Figure 3 : carte de l’Égypte avec la localisation des principaux sites archéologiques du pays.©Cartograph.fr

Mais le culte funéraire des Égyptiens va évoluer bien au-delà du simple fait de rendre hommage au mort, leur conception de la vie après la mort faisant émerger une pratique funéraire très particulière : la momification. Dans la vision des Égyptiens, l’être vivant est constitué d’un support matériel, le corps, réceptacle des éléments immatériels qui constituent un individu. On retrouve principalement le bâ qui est souvent assimilé aujourd’hui à « l’âme », ou à la personnalité du défunt et le Ka que l’on peut traduire par « double » ou « énergie vitale ». La mort physique a pour effet la dissociation de ces différents éléments. Pour que puisse commencer la deuxième vie, il fallait donc que le corps se réunisse à nouveau avec les éléments spirituels qui l’animaient, et pour cela il se doit d’être préservé. La réparation de cette rupture était nécessaire pour pouvoir accéder à l’au-delà. C’est la promesse que tenait la momification : créer un nouveau lien plus pur en remplacement de celui rompu par la mort, une forme encore plus parfaite du corps qui est appelée « le s’h », une image divine, symbole de la renaissance correspondant au corps momifié et divinisé du défunt.

Dans les toutes premières sépultures les corps étaient en contact direct avec le sable du désert. La seule action de ce dernier avait alors permis de les conserver de manière remarquable, en créant des momies naturelles. Il en existe plusieurs témoins tel le fameux « Ginger », exposé dans les salles du British Museum (Dunand et Lichtenberg, 1992). À partir du milieu du IVe millénaire, les tombes deviennent plus grandes, plus soignées et sont souvent richement équipées. Les corps y sont

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généralement enveloppés d’une natte ou d’un tissu. À la fin de l’époque prédynastique (4500-3500 av. J.C.), certains individus commencent à être enfermés dans des cercueils d’osier, de bois ou de terre cuite. L’usage qui consiste à couvrir la fosse à l’aide de pièces de bois ou de branchages se répand également. Le désir d’apporter une meilleure protection au corps du défunt, avec l’aide de nouveaux progrès techniques, vont conduire à la construction de tombes beaucoup plus élaborées au cours de la première dynastie (3100-2770 av. J.C.). Cependant, ces constructions soustrayaient le corps à l’action bénéfique du sable et le cadavre se putréfiait de façon bien plus rapide. Paradoxalement, les perfectionnements destinés à préserver le corps, aboutissaient en fin de compte à sa destruction (Dunand et Lichtenberg, 1992). C’est alors que la momification se développe afin de permettre au corps de garder son intégrité pour son voyage dans l’au-delà. Elle est constituée d’une suite d’opérations complexes et atteint sa perfection durant la XXIe dynastie (1069-945 av. J.C.) alors que les premières tentatives de momification remontent à l’époque prédynastique (4500 - 3500 av. J.C.). La maîtrise du procédé pour permettre au mort de conserver l’apparence de la vie, fut l’aboutissement d’essais nombreux et souvent infructueux (Dunand et Lichtenberg, 1992).

Cercueils et sarcophages sont conçus en Égypte antique suivant ce même désir de préserver le corps pour son voyage dans l’au-delà. Ils ne sont cependant pas indispensables. En effet, pour les catégories les plus modestes de la population égyptienne, le cercueil constitue un luxe inabordable. Les dépouilles peuvent alors être momifiées sommairement, voire parfois n’avoir reçu aucun traitement d’embaumement et être enterrées sans le moindre cercueil (Hassanein et al., 1984-5; Germer, 1991; Dunand et al., 2005). Toutefois, il est important de pondérer cette dernière affirmation, car des momies sans cercueil peuvent l’avoir perdu pour une raison ou pour une autre, comme l’usurpation, la réutilisation, la destruction ou le pillage (Spieser, 2008). Des différents éléments du trousseau funéraire, le cercueil est celui qui offre un meilleur aperçu de la perception que les Égyptiens anciens pouvaient avoir du concept de l’au-delà. Les objets funéraires, et plus principalement les cercueils, sont multifonctionnels, que ce soit d’un point de vue social, économique et idéologique (Cooney, 2007). Ils servaient autant d’un point de vue pratique que symbolique. La fonction pratique du cercueil s’exprime par le fait qu’il crée un espace de protection dans lequel le corps du défunt peut rester en sécurité pour l’éternité, loin des charognards et des pilleurs de tombes. La protection du corps est essentielle pour le voyage du défunt à travers l’au-delà et pour qu’il puisse revivre dans l’autre monde. Symboliquement, le cercueil est chargé d’un certain nombre de concepts religieux de l’Ancienne Égypte concernant la mort et la vie après la mort à travers sa forme, son décor et les textes qu’il peut porter. On peut même considérer qu’il finit par constituer une tombe en miniature, voire un microcosme du monde dans lequel le défunt vivait. Au fil des évolutions de la civilisation égyptienne, les concepts des anciens Égyptiens sur l’Au-delà évoluent, de même que les décors et les fonctions symboliques du cercueil (Noah, 2013).

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