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A.2 Étude de différents cations alcalins

3.4.1 Premières observations

Systèmes étudiés : Nous avons effectué des simulations QCMD d’un électron excédentaire dans des zéolithes cationiques Na52Y et Na32Y. La première a été choisie parce qu’elle est très proche de la zéolithe Na54Y étudiée expérimentalement par Thomas et coll. et que des données expérimentales caractérisant son adsorption sont disponibles. La seconde a l’avantage de présenter une répartition spatiale bien définie des cations extra-charpente : les 32 cations Na+ sont situés dans les sites II, situés dans les supercages, en regard des fenêtres hexagonales. La simulation utilisant la zéolithe Na32Y comportait 223 molécules d’eau, tandis que la zéolithe Na53Y a été simulée sur 18 configurations initiales différentes correspondant à différents remplissages en eau (allant de 259 à 310 molécules d’eau par maille élémentaire de zéolithe). Pour chaque configuration, entre 6 ps et 10 ps de dynamique moléculaire dans l’ensemble canonique ont été simulées.

Les configurations initiales de la dynamique mixte classique-quantique ont été obtenues à l’aide de simulations Monte-Carlo dans l’ensemble canonique. Dans ces simulations, une charge ponctuelle négative est ajoutée dans l’une des supercages de la zéolithe. Elle permet de créer une cavité de taille convenable pour l’électron, dans le but de réduire le temps d’équilibration nécessaire en QCMD. Cette charge porte également un centre de force Lennard-Jones, dont les paramètres sont issus du travail de Canuto et coll. et reproduisent la taille de la cavité de solvatation de l’électron hydraté.[199]

Localisation de l’électron : Au cours des simulations de l’électron excédentaire dans la zéolithe cationique, nous avons observé un comportement similaire quel que soit le remplissage en eau ou le nombre de cations extra-charpente (32 ou 52). L’électron est initialement localisé dans la cavité présente dans chaque configuration initiale, dans l’une des supercages de la zéolithe. Cependant, il se déplace très rapidement vers l’intérieur d’une des cages sodalites : ce saut dure moins d’une cinquantaine de femtosecondes et intervient moins de dix femtosecondes après le début de la simulation. La force dominante dans l’attraction de l’électron vers la sodalite est l’interaction ∗Il existe 32 sites cristallographiques de type II et il n’y a donc qu’une seule répartition possible des cations parmi ces sites.

3 3.5 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 Distance électron-cation (Å)

Figure 3.15 : Distribution moyenne des distances entre le centre de la densité élec-tronique et les cations, pour l’électron piégé dans la cage sodalite d’une faujasite Na32Y.

coulombienne avec les cations extra-charpente présents dans la sodalite et à son voisinage. Je vais maintenant présenter les propriétés de cet électron piégé par les cations Na+.

Le cas le plus simple à étudier est celui de la faujasite Na32Y. Dans cette zéolithe, les cations sodium sont tous présents dans les cristallographiques appelés sites II, situés en regard des fenêtres hexagonales entre une sodalite et une supercage, décalés de 0, 6 Å à l’intérieur de la supercage. Lorsque l’électron excédentaire est présent dans la cage sodalite, il est donc à proximité de quatre cations Na+. La figure 3.15 détaille la distribution moyenne des distances entre l’électron et les cations extra-charpente, pour les distances inférieures à 8 Å. Celle-ci présente deux pics autour de 4 Å et 6 Å, dont l’intégration correspond respectivement à trois molécules et une molécule d’eau. Une inspection visuelle des configurations (dont un exemple est présenté sur lafigure 3.16) nous a permis de confirmer que ces quatre cations sont proches des sites cristallographiques II et entourent l’électron solvaté de manière tétraédrique. Toutefois, ces quatre cations n’ont pas un rôle symétrique. En effet, l’électron n’est pas centré dans la cage sodalite mais il est plus proche de trois des cations, se situant quasiment dans le plan formé par ces derniers. Ces trois cations sont par ailleurs attirés par l’électron, et sont décalés vers l’intérieur de la cage sodalite par rapport à leurs sites cristallographiques : ils sont au centre des fenêtres hexagonales, i.e. décalés d’environ 0, 5 Å par rapport à leur position en l’absence de l’électron. Enfin, l’examen de la trajectoire de l’électron solvaté au cours du temps montre que s’il est bien, à chaque instant, plus proche de trois cations que du quatrième, il se déplace néanmoins dans la cage sodalite. Au cours des 10 ps de la dynamique, l’identité du cation « singulier » (celui qui est à 6 Å de l’électron) change deux fois, par mouvement de l’électron au sein de la même cage sodalite.

Figure 3.16 : Deux vues différentes d’une même configuration instantanée présen-tant l’électron piégé dans une sodalite de faujasite Na32Y. Le centre de la densité électronique est représenté par une sphère de couleur cyan et de rayon arbitraire. Les cations Na+ sont représentés en bleu (trois d’entre eux forment un plan qui contient le centre de la densité électronique ; le quatrième est plus éloigné). Les molécules d’eau sont également représentées, ainsi que la cage sodalite et les prismes hexagonaux attenants.

Propriétés de l’électron piégé par les cations : Les cages sodalites dans lesquelles l’électron excédentaire est piégé contiennent un certain nombre de molécules d’eau, nombre qui dépend du remplissage total de la zéolithe. Pour la faujasite Na32Y que j’ai présentée précédemment (avec 223 H2O par maille), la cage sodalite dans laquelle est piégé l’électron contient 4 molécules d’eau. Les fonctions de distribution radiale des atomes H et O de ces molécules autour du barycentre de la densité électronique sont présentées sur lafigure 3.17. On peut remarquer que leurs caractéristiques sont très différentes de celles de l’électron hydraté, et notamment une bien moindre distance électron-O électron-H pour le premier pic. On observe néanmoins une orientation préférentielle des atomes d’hydrogène vers le centre de la densité de l’électron excédentaire. L’étude de la distribution radiale de l’eau autour des cations (non présentées ici) ainsi qu’un examen visuel des configurations instantanées montre que les molécules d’eau de la cage sodalite ont l’un de leurs atomes d’hydrogène pointé en direction de l’électron, tandis que leur oxygène est assez proche d’un cation extra-charpente (entre 2 Å et 3 Å).

Le rayon de giration de l’électron piégé est légèrement plus grand que celui de l’électron hydraté : il vaut 2, 52 Å, contre environ 2, 4 Å pour l’électron hydraté dans l’eau bulk. Les molécules d’eau voisines étant, nous l’avons vu, plus proches de l’électron piégé, la délocalisation de la densité électronique sur ses molécules est donc nettement plus grande que pour l’électron hydraté. Enfin, le spectre optique d’absorption de l’électron piégé est présenté à lafigure 3.18. La bande d’absorption de l’électron piégé présente un bande large unique. Les deux maxima faiblement séparés que l’on peut voir ne sont pas significatifs vu la courte durée de la simulation effectuée (10 ps). Par rapport au spectre de l’électron hydraté dans l’eau bulk, le spectre de l’électron piégé est décalé d’environ

0 2 4 6 g eX (r) geO(r) geH(r) 0 1 2 3 4 5 r (Å) 0 0.5 1 g eX (r) Électron piégé Électron hydraté dans l’eau bulk dans une sodalite

Figure 3.17 : Fonctions de distribution radiale des atomes d’oxygène et d’hydrogène de l’eau autour du barycentre de l’électron excédentaire, pour l’électron hydraté dans l’eau bulk (panneau inférieur) et pour l’électron piégé dans une cage sodalite de la faujasite Na32Y (panneau supérieur).

0, 2 eV, avec une position moyenne à 1, 75 eV. Cette variation peut être reliée à son rayon de giration et à l’influence des cations, deux facteurs dont nous avons montré qu’ils décalent le spectre de l’électron dans des directions opposées.

L’électron dans la faujasite Na52Y : Le cas de la faujasite Na52Y est plus complexe que celui de la Na32Y. En effet, la répartition des cations extra-charpente présente, en plus des 32 cations en site II, 12 cations en site I (au centre d’un prisme hexagonal) et 8 cations en site I (au centre de la fenêtre joignant un prisme hexagonal et une sodalite). Ces cations, et particulièrement les cations en site I, influent sur la localisation et les propriétés de l’électron piégé dans les sodalites. Ainsi, en plus de l’arrangement quasi-tétraédrique décrit pour la zéolithe Na32Y, nous avons observé sur plusieurs systèmes la formation de paires en contact entre l’électron excédentaire et un cation en site I. Ces paires en contact ont lieu pour une distance ξ ≃ 1, 5 Å, légèrement plus faible que les paires électron-sodium dans l’eau bulk (ξ ≃ 1, 6 Å). Les autres cations entourant l’électron sont alors à des distances entre 3 Å et 7 Å. Le spectre optique de l’électron dans cette configuration présente une bande à 2, 30 eV, proche de la position du spectre observé pour la paire électron-sodium dans l’eau bulk (voir l’annexe).

Comparaison avec les résultats expérimentaux : Bien que la radiolyse de l’eau confinée soit un sujet abordé par de nombreux groupes expérimentaux, il n’existe que peu d’études expérimentales publiées sur les propriétés de l’électron hydraté confiné dans des espaces de taille comparable aux pores des zéolithes. Les seuls travaux auxquels nous avons pu nous comparer directement sont ceux de Thomas et coll., que j’ai décrits à la section 3.1.2. Ceux-ci prédisent l’existence d’électrons hydratés dans les pores de la faujasite cationique pour les forts remplissages en eau, et la conversion de ceux-ci en des électrons piégés au sein d’agrégats de cations sodium lorsque la

0.5 1 1.5 2 2.5 3 E (eV) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 I / I 0 Électron piégé Électron dans l’eau bulk

Figure 3.18 : Spectre optique d’absorption de l’électron excédentaire piégé dans la cage sodalite d’une faujasite Na32Y ( ), comparé au spectre de l’électron hydraté dans l’eau bulk ( ).

zéolithe est déshydratée. Nous avons pu reproduire la variation observée du spectre de l’électron hydraté en fonction du remplissage en eau, par des simulations d’électron hydraté confiné dans une zéolithe purement silicée, et montré que cette variation était principalement due à un effet de densité.

En ce qui concerne les zéolithes cationiques, cependant, le bilan est plus mitigé. Nous n’avons pas observé, dans nos simulations, d’électron hydraté dans les pores de la zéolithe cationique, quel que soit le remplissage en eau de celle-ci. Nous avons néanmoins mis en évidence la formation d’agrégats cationiques Na3+

4 piégeant l’électron, principalement dans la faujasite Na32Y. Dans la zéolithe Na52Y, nous avons mis en évidence l’existence de paires électron-sodium entourées par d’autres cations. Ces paires ont un spectre optique présentant un maximum à 2, 30 eV, proche de la paire en contact dans l’eau bulk. Ce spectre est également en bon accord avec celui observé dans la zéolithe Na54Y par Thomas et coll., présentant un maximum à 550 nm = 2, 25 eV. De petits désaccords surviennent néanmoins, comme l’attribution par Thomas et coll. (sur la base de données RPE) du spectre d’absorption à 550 nm aux agrégats Na3+

4 .[191]D’après nos simulations, ces deux signaux (RPE et optique) proviendraient de deux types différents d’électron piégés : le premier dans un agrégat Na3+

4 ; le second en paire avec un cation, d’autres cations étant présents dans leur voisinage.

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