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Moment dipolaire de l’eau et propriétés électroniques

A.2 Étude de différents cations alcalins

2.3.5 Moment dipolaire de l’eau et propriétés électroniques

Moment dipolaire des molécules d’eau : Si les propriétés dynamiques de l’eau aux temps longs sont difficilement accessibles, l’une des forces de la dynamique moléculaire ab initio est de donner accès aux informations de structure électronique du système. Dans le cas de l’eau, nous nous sommes tout particulièrement intéressés à l’évolution du dipôle porté par les molécules d’eau lorsqu’elles sont confinées. Lafigure 2.28 présente la distribution du dipôle de l’eau dans la zéolithe pour les deux remplissages en eau. Le dipôle de l’eau en phase gaz et la distribution dans l’eau liquide, calculés avec la même méthodologie, y sont également donnés. On peut voir que la distribution pour 20 molécules d’eau confinée présente un maximum à 2, 9 D, proche du maximum dans l’eau bulk qui est à 3, 1 D, ainsi qu’une faible bande aux alentours de 2 D. Cette bande correspond à la molécule d’eau isolée dans la cage sodalite et son dipôle est proche de la valeur en phase gazeuse (1, 8 D). Ceci nous indique que la polarisation due au champ électrique permanent Les données présentées pour l’eau bulk sont issues d’une simulation ab initio de 32 molécules d’eau dans une boîte cubique, de taille telle que la densité du système soit de ρ = 1 g.cm−3. La température est de 300 K et l’ensemble des paramètres DFT et de la dynamique Car-Parrinello sont identiques à ceux utilisés pour les simulations d’eau dans la zéolithe. Par ailleurs, les résultats obtenus sur l’eau bulk sont compatibles avec ceux publiés par Silvestrelli

et al..[45]

0 0.5 1 1.5 2 2.5 g(r) gOO (LTA + 20 H2O) gOO (eau bulk) gOH (LTA + 20 H2O) gOH (eau bulk) 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 r (Å) 0 0.5 1 1.5 2 2.5 g(r) gOO (LTA + 20 H2O) gOH (LTA + 20 H2O) gOO (LTA + 15 H2O) gOH (LTA + 15 H2O)

Figure 2.27 : Fonctions de distribution radiale gOO(r) et gOH(r) des atomes d’eau. Le panneau supérieur compare l’eau bulk ( ) et 20 molécules confinées dans la LTA ( ) ; le panneau inférieur compare les systèmes à 20 ( ) et 15 mo-lécules ( ) d’eau confinées.

de la charpente zéolithique est bien plus faible que la polarisation des molécules d’eau entre elles, et ce malgré le fort caractère ionique de la liaison Si—O. Ce dernier fait peut s’expliquer par la grande symétrie du système, qui fait que le champ créé par la zéolithe reste faible en tout point du volume poreux. Ce résultat est en bon accord avec les résultats de Smirnov et Bougeard.[114]

Ces derniers ont étudié le comportement de l’eau confinée dans les très petits pores d’une autre zéolithe purement silicée, la silicalite, par dynamique moléculaire classique utilisant un modèle d’eau polarisable. Ils ont montré que l’eau confinée dans la silicalite forme des petits agrégats et que le dipôle de ces molécules d’eau est proche de sa valeur en phase gazeuse.

On peut cependant observer que, si l’influence du champ de la zéolithe sur le dipôle total des molécules d’eau est faible, on en voit la trace dans l’orientation du dipôle de l’eau. Lafigure 2.29 présente la fraction du dipôle des molécules d’eau qui se situe hors du plan :

F = µhors planµ

total

= µ· n kµk

où n est un vecteur normé orthogonal au plan de la molécule. On peut voir que le confinement induit une plus grande liberté d’orientation du dipôle par rapport à l’eau bulk, que l’on peut relier à la perturbation introduite par le champ de la zéolithe.

Le caractère monomodal de la distribution des moments dipolaires de l’eau dans la LTA silicée (exception faite de la molécule d’eau dans la sodalite) conforte l’image d’une nanogoutte d’eau enserrée par zéolithe et présentant un caractère continu. On peut noter que ce caractère monomo-dal contraste avec les distributions de dipôles observées dans la silicalite. Ces dernières présentent plusieurs pics,[114] qui sont attribués par Smirnov et al. à des agrégats d’une, deux ou trois mo-lécules d’eau. Le caractère monomodal de la distribution de moments dipolaires a également été

2 2.5 3 3.5 Moment dipolaire (Debye)

eau bulk eau dans la sodalite molécule isolée 15 H2O 20 H 2O

Figure 2.28 : Distribution du moment dipolaire µ (en debyes) des molécules d’eau confinées dans une zéolithe LTA purement silicée, pour 20 molécules ( ; µmax = 2,9 D) et 15 molécules d’eau ( ; µmax = 2,7 D) adsorbées. La distribution dans l’eau bulk est également présentée pour comparaison ( ; µmax = 3,1 D), ainsi que la valeur du dipôle d’une molécule d’eau isolée (µ = 1,8 D).

0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35

F = µhors plan / µtotal

Eau bulk

Eau confinée (20 H2O)

Figure 2.29 : Histogramme de la fraction F du dipôle des molécules d’eau située hors du plan de la molécule, pour l’eau massique ( ) et l’eau confinée dans la LTA silicée ( ).

observé dans la zéolithe hydrophile Na-LSX par Shirono et Daiguji[171]au cours de simulations de dynamique moléculaire classique utilisant un modèle d’eau polarisable. Ce caractère monomodal a été attribué par les auteurs à l’hydrophilie de la zéolithe Na-LSX, par opposition à la silica-lite qui est hydrophobe. Nos résultats indiquent que le caractère multimodal correspond plutôt à l’existence de sites d’absorption multiples, non équivalents et d’affinité pour l’eau comparable. En effet, la silicalite présente des pores de très petite taille, répartis en canaux et intersections, dans lesquels l’environnement des molécules adsorbées est très différent. La sodalite de la structure LTA correspond également à un site d’adsorption bien distinct de la cage α. À l’inverse, les structures plus ouvertes que sont les pores de zéolithe LSX et la cage α de la LTA correspondent à des bandes larges dans la distribution des dipôles des molécules adsorbées.

Il est également intéressant de regarder l’évolution du dipôle des molécules d’eau en fonction du nombre de molécules d’eau et de comparer cette évolution avec celle observée dans d’autres structures zéolithiques. Le passage de 15 à 19 molécules d’eau confinées dans la cage α de la zéolithe entraîne une augmentation de 0, 2 D du dipôle de l’eau. Cette différence, qui correspond à 0, 05 D par molécule, est vingt fois plus grande que l’évolution observée dans la zéolithe hydrophile Na-LSX.[171] Cette observation est cohérente avec le fait que les premières molécules adsorbées dans une zéolithe hydrophile se placent préférentiellement près des cations extra-charpente (ou de défauts hydrophiles de la structure) et que le champ électrostatique créé par le matériau est plus grand. Une molécule d’eau supplémentaire a alors moins d’effet sur la polarisation des molécules déjà présentes. Nous aurons l’occasion de compléter cette analyse lors de l’étude ab initio de zéolithes cationiques, à la section 2.4.

Charges partielles atomiques : Lorsque nous effectuons des simulations classiques d’eau confinée dans la zéolithe, celles-ci reposent en partie sur des charges partielles affectées aux atomes de la zéolithe et de l’eau. Les charges de l’eau étant optimisées pour décrire le comportement de l’eau liquide, il est pertinent de se demander si la dynamique ab initio peut nous apporter des informations sur la manière dont varient ces charges lorsque l’eau est confinée. Nous nous sommes donc penchés sur ces variations et avons utilisé trois méthodes différentes pour extraire de la dynamique des charges partielles atomiques : l’analyse de population de Mulliken,[172]la méthode d’Hirshfeld[173]et le calcul des charges de Born. Les deux premières consistent à utiliser les orbitales atomiques pour estimer les charges partielles. La charge de Born d’un atome i, quant à elle, est la trace du tenseur de polarisabilité atomique Mi correspondant : qBorn = 13Tr Mi. Les figures 2.30 et2.31présentent les distributions des charges partielles de l’eau pour les différentes méthodes. On peut y voir que les charges partielles obtenues par les méthodes d’analyse de population (Mulliken et Hirshfeld) varient dans le même sens, la valeur absolue des charges diminuant lorsque l’on passe de la molécule isolée à l’eau confinée, et de l’eau confinée à l’eau bulk. Cette observation ne semble pas en accord avec l’augmentation du dipôle de l’eau dans les mêmes conditions. Elle semble pointer la faible capacité de ces deux méthodes d’analyse de charge à prendre en compte la plus grande délocalisation de la densité électronique pour l’eau liquide. Cette explication est

∗Cette faiblesse est probablement d’autant plus marquée que nous utilisons ici une base d’ondes planes pour représenter la densité électronique. En effet, la base d’orbitales atomiques utilisée pour l’analyse de population ne sous-tend pas (ou « n’engendre pas », au sens mathématique) l’espace dans lequel la densité est représentée.

-0.95 -0.9 -0.85 -0.8 -0.75 Charge de Mulliken O (confiné) O (bulk) O (isolé) 0.4 0.45 0.5 0.55 H (confiné) H (bulk) H (isolé) -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 0.2 Charge de Hirshfeld

Figure 2.30 : Charges partielles de Hirshfeld (en haut) et de Mulliken (en bas) des atomes O et H pour la molécule d’eau isolée ( ), l’eau bulk ( ) et l’eau confinée ( ). -1.2 -1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 Charge de Born O (confiné) H (confiné) O (bulk) H (bulk) O (isolé) H (isolé)

Figure 2.31 : Charges partielles de Born des atomes O et H pour la molécule d’eau isolée ( ), l’eau bulk ( ) et l’eau confinée ( ).

corroborée par la proportion de la densité électronique non attribuée : celle-ci est nettement plus grande dans le cas de l’eau liquide que pour la molécule d’eau isolée.

Les charges de Born sont elles issues d’une analyse complètement différente : elles représentent la variation de polarisation du système suite à un déplacement de l’atome. S’il est connu qu’elles ne prennent pas suffisamment en compte les électrons de valence (i.e. que leur valeur est trop proche de la charge du seul noyau atomique), elles ne font pas appel aux orbitales atomiques. Par conséquent, elles varient dans le sens attendu, augmentant (en valeur absolue) lorsque le système se rapproche de l’état bulk. Elles nous permettent ainsi d’estimer la variation de la charge partielle de l’oxygène entre l’eau liquide et l’eau confinée à 0, 1 e (pour 20 molécules d’eau confinées). On

liaisons H eau-eau liaisons H eau-LTA total par molécule total par molécule

LTA + 19 H2O 30, 8 1, 54 4, 1 0, 21

LTA + 15 H2O 21, 2 1, 41 4, 1 0, 27

eau bulk, 32 H2O 59, 7 1, 86 — —

Tableau 2.10 : Nombre de liaisons hydrogène eau-eau et eau-zéolithe pour 19 et 15 molécules d’eau confinées dans la cage α de la zéolithe LTA purement silicée, comptées selon un critère géométrique. Pour chaque type de liaison hydrogène, le nombre moyen de liaisons observées est présenté, ainsi que le nombre de liaisons par molécule d’eau. Les données correspondant à 32 molécules d’eau liquide bulk sont également présentées à titre de comparaison.

remarquera également que la somme qO+ 2qH n’est pas nulle à cause du transfert de charge dû à la présence de liaisons hydrogène.

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